Le défenseur des Bleus a répondu aux questions des médias ce mardi en conférence de presse.
Pourquoi êtes-vous arrivé cagoulé à Clairefontaine lundi ?
Ibrahima Konaté : Première question sur la Fashion Week (rires). « Jules a montré de très belles pièces. Je lui ai toujours dit : « Je suis là pour rivaliser avec toi. Ça va être la guerre entre toi et moi. C’est un jeu équitable. Et de toute façon, ce ne sont que des tenues. Nous savons pourquoi nous venons. Nous sommes concentrés sur le football. Mais lui, moi et tous les joueurs sommes des gens qui aiment beaucoup la mode. Nous aimons porter des pièces « cool ». Nous le faisons pour nous et non pour les gens. On est content et il y a de belles photos à la fin qui ressortent. C’est un plaisir pour tout le monde. (aux journalistes) vous aussi, vous attendez tout ça quand nous arriverons lundi.
Qualités pour être un leader
Être leader est quelque chose d’inné. Cela peut s’apprendre mais en général, c’est quelque chose que l’on a ou que l’on n’a pas. Ensuite, il faut être une personne qui est, je cite, appréciée de tous, que ce soit sur le terrain ou en dehors. Et le leader, c’est quelqu’un qui sera souvent là et pas seulement quand tout va très bien. Parce que quand tout va bien, tout est beau, tout est cool. Mais c’est surtout quand ça ne va pas que les dirigeants sont là. C’est comme les fondations d’une maison. Quand il y a un peu de turbulences, ce sont eux qui sont là pour entretenir la maison. Pour moi, c’est tout.
Qui ont les profils pour être des leaders chez les Bleus ?
Quelqu’un avec le profil ? J’ai deux ou trois noms qui me viennent à l’esprit. Mike (Maignan). Après, Jules (Koundé), Aurel’ (Tchouaméni) peut-être. Ce sont les seuls noms qui me viennent à l’esprit.
Comment avez-vous vécu cette rentrée difficile de septembre ?
On peut dire que tout le monde n’était pas à 100 %. Il est clair. Nous avons perdu contre l’Italie. Nous étions tristes. Mais après, le plus important a été de se remettre en question avec un bon résultat ensuite contre la Belgique (victoire 2-0). Le plus important dans le football, c’est de se remettre en question. Rien n’est jamais parfait. Parfois ça se passe bien. Parfois, les choses tournent mal. Et le plus important est de comprendre pourquoi les choses ont mal tourné et de réagir au plus vite lorsque vous en avez l’occasion. C’est ce que nous avons fait avec la Belgique. Maintenant, nous avons deux matches qui nous attendent (Israël et Belgique). Il faut avoir le même état d’esprit. Se remettre en question par rapport aux premiers matches qu’on a perdus et continuer sur la lancée du deuxième match qu’on a gagné. Il faut repartir avec les six points à l’issue de ce rallye.
« Je sais qu’il aurait pu vouloir le brassard… Le jour de l’annonce, il aurait pu être un peu triste, c’est vrai »
Ibrahima Konaté sur Antoine Griezmann
Que pensez-vous de la retraite d’Antoine Griezmann ?
C’était l’exemple type d’un leader… Et je sais qu’il aurait voulu le brassard aussi. Le jour où l’annonce a été faite, cela a peut-être été un peu triste, c’est vrai. Mais après, le soir même, il était partant. Et je ne comprends pas certains journalistes qui disent qu’il était triste parce qu’il ne l’a jamais montré. Il a même appelé Kylian (Mbappé) devant tout le monde. Et c’était assez surprenant. Pour moi, c’est un vrai leader. Et avec tout ce qu’il a fait pour la France, toutes ses sélections consécutives sans jamais en rater une, je pense qu’il méritait des adieux extraordinaires. Après, je ne sais pas s’il nous prépare quelque chose pour la suite (au sortir de sa retraite internationale)… Je ne sais pas. Mais la vérité est que j’aurais préféré, et je pense que tout le monde aurait préféré, savoir lors de la dernière réunion lui faire un adieu ou un au revoir digne de ce nom. Je n’ai même pas commenté ses réseaux sociaux parce que j’étais trop surpris. En tout cas, j’espère que nous aurons l’occasion, que ce soit avec les supporters ou même avec l’équipe elle-même, de lui faire de vrais adieux car il le mérite amplement.
N’avez-vous pas eu le sentiment d’avoir raté un premier tournant de votre parcours en sélection ?
Vous avez raté un premier tournant ? Non, je ne dirais pas ça. Après, c’est clair que le fait de ne pas avoir joué pendant l’Euro m’a fait me remettre en question. J’ai beaucoup appris de cet Euro que je n’ai pas joué. C’est donc une expérience acquise et je pense que je vais garder le positif. J’ai changé beaucoup de choses, j’ai compris beaucoup de choses dans la relation, dans le football, entre joueurs et joueurs, et entre joueurs et entraîneurs. Aujourd’hui, l’euro est terminé. D’autres échéances arriveront, notamment la Ligue des Nations et la Coupe du Monde en 2026. Et ce que je dois me dire, c’est : « Bon, c’est arrivé, que dois-je faire ? Et que dois-je faire maintenant pour être sûr que cela ne se reproduise plus ? » Cela ne change rien du tout, car dès le début de la compétition, j’ai compris quel serait mon sort lors de cet Euro. À ce moment-là, je suis allé voir l’entraîneur, je lui ai parlé et je lui ai dit qu’il pouvait compter sur moi quoi qu’il arrive. Mon rôle était d’être avec l’équipe, d’apporter cette joie de vivre au quotidien, et d’être proche de tous les joueurs. Mais aussi pour apporter mon soutien avant chaque match. Et c’est ce que je savais faire. J’ai fait de mon mieux pour y parvenir.
Force est de constater que Kylian sensibilise tout son entourage. Dès qu’il arrive dans un lieu, c’est Kylian, c’est toujours lui. C’est quelque chose qu’il ne montre pas. Je n’en ai jamais discuté avec lui, mais ce n’est pas facile à vivre car c’est quelqu’un de jeune (25 ans)
Ibrahima Konaté
Comment vivez-vous parfois ce décalage avec Kylian Mbappé, le fait qu’on puisse lui reprocher autant ?
Je pense que c’est à la hauteur de tout ce qui se passe autour de lui, du nombre de personnes qui le suivent, du nombre de fans qu’il a aujourd’hui dans le monde. Force est de constater que Kylian sensibilise tout son entourage. Dès qu’il arrive dans un lieu, c’est Kylian, c’est toujours lui. C’est quelque chose qu’il ne montre pas. Je n’en ai jamais discuté avec lui, mais ce n’est pas facile à vivre car c’est quelqu’un de jeune (25 ans). Nous n’avons qu’un an d’écart mais parfois je me mets à sa place et je me dis que si j’avais eu tout cet enthousiasme autour de moi, je ne sais pas si j’aurais tenu le coup. Il y est parvenu et il continue de le faire. Mais il faut se mettre à sa place. Il est arrivé très jeune en équipe de France, il a remporté la Coupe du monde très jeune. Il possède un nombre incroyable de sélections pour son âge. Il n’a pas de vie et ça doit être dur maintenant. Je ne savais pas qu’il avait été sifflé à Lille (en Ligue des champions), mais même ça, je ne comprends pas pourquoi.
A propos de calendriers, avez-vous entendu des clubs faire pression sur des joueurs pour qu’ils ne viennent pas en sélection ?
C’est un sujet dont il faut parler. Il ne faut surtout pas le négliger. Après, à Liverpool, il n’y a pas de discussion à ce sujet. Parce que je me souviens que lors du dernier match, notre milieu de terrain McAllister, parti à la mi-temps sur blessure, le lendemain de son départ, s’est rendu en Argentine. Il n’y a aucune pression de la part du club à ce sujet à Liverpool. Bien sûr, nous entendons des choses. Des rumeurs courent selon lesquelles certains clubs préféreraient que leurs joueurs restent. En toute honnêteté, il faut comprendre les clubs car il y a tellement de matches… Au final, les joueurs sont les salariés du club. Et les clubs veulent leurs joueurs à 100% pour les matches. C’est aussi aux joueurs de se poser la question. Et je pense qu’il y a beaucoup de gens qui se posent cette question : « Comment vais-je tenir le coup pendant toute la saison ? », « Comment arranger ça ? Nous devrions avoir un emploi du temps moins chargé. Surtout nous ! En Premier League, avec le Boxing Day en décembre, nous n’avons pas de vacances. Nous devrions en discuter. Parce que quand on voit les autres qui sont à droite, à gauche… Il y a trop de matches maintenant. Le plus important est de rester en forme tout au long de la saison. C’est très compliqué avec les blessures des joueurs qu’on a vu (Rodri, Carvajal). Cela nous dépasse. On peut en parler, mais la vraie question est : que faut-il faire pour jouer moins ou pour tenir toute une saison ?
Bien sûr, si demain tous les acteurs et dirigeants du monde actuel du football décident de taper du poing sur la table, il faudra agir.
Ibrahima Konaté
Qu’avez-vous appris en club ou en équipe nationale ces derniers mois ?
Honnêtement, il y a tellement de choses que j’ai apprises… Je ne pense même pas que je pourrais toutes les énumérer aujourd’hui. Si je dois en retenir une : c’est de ne jamais être sûr de soi à 100% car cela ne dépend pas que de nous. Et la loyauté et la confiance sont des sujets très compliqués dans le monde du football. Et je vais m’arrêter là, sans plus de détails. Maintenant, tu le prends comme tu veux (sourire).
Quelle est votre position par rapport à une éventuelle grève ?
Si ça continue avec cette dynamique, avec de tels calendriers… Bien sûr, si demain tous les acteurs et dirigeants du monde du football décidaient de taper du poing sur la table, il faudra agir. L’objectif est que nous jouions tous et que tout le monde soit content et « en forme » pour faire plaisir à tous les fans et à tous les téléspectateurs qui nous regardent. Aujourd’hui, si on joue un match après l’autre et qu’on joue tout, tout, tout, et qu’à la fin on se blesse, qui en paie les conséquences ? C’est nous. Cela pourrait peut-être nuire à une prolongation ou à un nouveau contrat, car on peut nous dire que nous sommes trop blessés. Donc si demain il y a un mouvement qui peut conduire à une compréhension des acteurs, il faut le faire, oui, bien sûr, je suis d’accord.
Quelle relation Didier Deschamps entretient-il avec son groupe ?
Quand j’ai des discussions avec le coach, je lui dis ce que je ressens, je lui dis ce que je pense de moi surtout. Je n’aime pas vraiment parler au nom du groupe parce que je ne sais pas ce que pensent les gens et je n’aimerais pas dire des choses auxquelles les gens ne pensent pas. Ensuite, collectivement, si quelqu’un a quelque chose à dire au coach et que nous sommes tous ensemble, qu’il le dise. C’est avant tout un échange constructif.
Une nouvelle ère s’ouvre-t-elle chez les Bleus après la retraite de Griezmann et l’absence de Kylian Mbappé ?
Oui, c’est clair que c’est une nouvelle ère, notamment avec l’annonce du départ de Griezmann. Force est de constater que cela a bousculé beaucoup de choses dans nos cœurs et dans ceux des Français. Maintenant, cela fait partie du football. Et pour moi, c’est quelque chose que j’ai déjà vécu à Liverpool avec Klopp. Le fait qu’il parte… il n’y a pas de mots pour le décrire. Mais ça fait partie du football. Les gens viennent et à un moment donné, une fois le temps écoulé, ils repartent. C’est à nous, les nouvelles générations, de nous adapter à cela et d’essayer de faire mieux que les générations plus âgées. Il ne faut pas oublier les noms partis juste avant Antoine. Il y a eu Olivier Giroud, Raphaël Varane, Hugo Lloris, Steve Mandanda… Il y a eu tellement de noms qui sont partis durant cette année 2024. C’est étrange, parce que ce sont des noms que je voyais quand je regardais la télé chez moi. J’ai eu la chance de passer du temps avec eux. Et je suis très heureux d’avoir pu échanger et d’avoir joué avec eux. C’est désormais à nous d’être de nouveaux leaders. Parce que ce qui s’est passé là-bas est ce qui va nous arriver, on ne sait pas quand, j’espère le plus tard possible.