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Capitaine Paul Watson, une vie dans le collimateur de la justice

La nouvelle a choqué l’ensemble du mouvement écologiste. Le dimanche 21 juillet, le capitaine Paul Watson, l’emblématique fondateur de laONG Sea Shepherd, une société de défense océanique, a été arrêtée par les autorités danoises à Nuuk, au Groenland, où son navire, le M/Y John Paul DeJoriafaisait escale. Son équipage, composé de 25 volontaires, prévoyait de se rendre prochainement dans le passage du Nord-Ouest (au bord de l’océan Arctique) afin de«  intercepter » LE Kangei MaruLe plus récent baleinier du Japon.

Selon Sea Shepherd France et la Fondation Captain Paul Watson (CPWF), cette arrestation serait liée à une «  avis rouge » Interpol, émise en 2012 par le Japon contre le militant écologiste pour «  conspiration visant à pénétrer dans un navire baleinier ». «  Après avoir été publiée en ligne pendant des années, cette notice rouge avait récemment disparu du site Internet d’Interpol, laissant penser à Paul Watson et à ses avocats qu’il était désormais libre de se déplacer.dénonce Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France et proche amie du Canadien. Un piège pour lui faire baisser la garde. »

«  L’extradition vers le Japon serait une condamnation à mort »

Dans un communiqué, la police groenlandaise a déclaré que le militant serait bientôt traduit devant un tribunal, qui déciderait de sa détention. «  avant de décider s’il doit être extradé vers le Japon ». Une perspective qui terrifie ses partisans : «  L’extradition de Paul Watson vers le Japon serait pour lui une condamnation à mortécrit un collectif de personnalités dans une chronique publiée par Libérer. Agé de 73 ans et père de trois enfants, il croupit en prison. » Au soir du 22 juillet, une pétition demandant à Emmanuel Macron d’agir pour obtenir la libération de Paul Watson avait recueilli plus de 214 000 signatures.

Le personnage est largement soutenu en France, mais certaines de ses positions sont controversées, notamment ses appels à «  limiter le taux de natalité » afin de préserver les écosystèmes. «  La solution que je prône, et qui m’a valu beaucoup de critiques, est que personne ne devrait avoir d’enfants sans avoir suivi au préalable une formation de six mois (…) à l’issue de laquelle un diplôme certifierait qu’on est suffisamment responsable. »il l’a expliqué dans un livre publié en 2017.


Paul Watson et Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, en juin 2024 à Nantes.
© Maylis Rolland / Hans Lucas via AFP

Sa stratégie : le « non-violence agressive »

Connu pour son combat acharné contre la chasse à la baleine, la chasse aux phoques et, plus généralement, la destruction du monde marin, Paul Watson a eu de nombreux démêlés avec la justice. Sa défense «  non-violence agressive »qui consiste à s’opposer directement aux navires des braconniers, notamment en les coulant – sans toutefois blesser personne – lui a valu plusieurs ennuis judiciaires. «  J’ai été arrêté plusieurs foisil a dit Reporterre en décembre 2023. Mais je n’ai jamais été condamné pour aucun crime. »

Sa première arrestation dans le cadre d’une opération de Sea Shepherd a eu lieu en 1979, deux ans après avoir été expulsé du conseil d’administration de Greenpeace en raison de ses tactiques. «  trop contradictoire »L’homme de 29 ans et ses complices ont réussi à empêcher le massacre de plus d’un millier de bébés phoques en les aspergeant d’une peinture naturelle qui enlevait toute valeur commerciale à leur fourrure.


Sea Shepherd a été créé par Paul Watson en 1977.
Sea Shepherd France

Quatre ans plus tard, en 1983, Paul Watson et son équipage bloquent le port de St. John’s, l’un des plus importants de la province canadienne de Terre-Neuve-et-Labrador, et poursuivent plusieurs bateaux de chasse au phoque. L’opération lui vaut une peine de 21 mois de prison, plus tard annulée par la Cour d’appel du Québec.

Même chose en 1993 : à bord du Cleveland Amory, des militants de Sea Shepherd ont réussi à chasser les chalutiers cubains et espagnols des Grands Bancs de Terre-Neuve, en utilisant entre autres des boules puantes. Le capitaine a été accusé de trois chefs d’accusation de conduite criminelle, mais a été acquitté lors du procès deux ans plus tard. Pour sa défense, le capitaine a cité la Charte mondiale de la nature des Nations unies, qui autorise les chalutiers cubains et espagnols à pêcher dans les eaux territoriales de Terre-Neuve. ONG et les particuliers pour faire respecter le droit international de la conservation.

«  Nous sommes fiers de ce dont on nous accuse »

«  Mon avocat, qui est fantastique, s’est présenté devant le jury et a déclaré : « Mesdames et messieurs du jury, nous n’allons pas dire que nous n’avons pas fait ce dont on nous accuse. Nous allons dire que nous avons fait exactement ce dont on nous accuse. Nous sommes fiers de ce que nous avons fait et nous continuerons à l’être. » !“ »il rappelait en 2022, sur le podcast Demain n’attend pas.

L’assaut juridique contre Paul Watson a pris une tournure internationale à la fin des années 1990. En 1997, un tribunal norvégien l’a condamné par contumace pour avoir tenté de couler le baleinier Nybraena cinq ans plus tôt. Arrêté aux Pays-Bas, il a passé 120 jours en prison avant d’être finalement libéré – le tribunal néerlandais ayant statué contre son extradition vers la Norvège.

5 000 baleines sauvées des harpons japonais

En mai 2012, Paul Watson a été de nouveau arrêté par les autorités, allemandes cette fois, en réponse à un mandat d’arrêt émis par le Costa Rica. Le pays latino-américain l’accusait d’avoir mis au pas des braconniers costariciens surpris dix ans plus tôt en train de découper illégalement des ailerons de requins dans les eaux guatémaltèques. Personne n’a été blessé lors de l’opération de Sea Shepherd, ni aucun équipement endommagé. Cela n’a pas empêché le Costa Rica de l’accuser d’avoir «  mettre en danger la vie d’autrui ».

Lorsque son extradition imminente vers San José a été annoncée, le capitaine, alors assigné à résidence à Francfort, avait planifié son évasion. Sans passeport, moustache taillée et perruque sur la tête, il a réussi à rejoindre en juillet 2012 un bateau en direction de la haute mer… où il a vécu quinze mois en cavale, entre l’Atlantique, le Pacifique et l’océan Austral. Le capitaine n’a remis les pieds sur terre que le 28 octobre 2013, à Los Angeles, avant de trouver refuge à Paris. Il y vivait jusqu’à il y a quelques mois, sur une péniche remplie de livres sur l’océan.

En 2017, le Costa Rica a finalement retiré son «  avis rouge » sur Paul Watson. Ce n’est pas le cas du Japon, qui l’accuse d’avoir entravé à plusieurs reprises les opérations de ses baleiniers dans les sanctuaires marins de l’océan Austral. Selon les estimations de Sea Shepherd France, les missions menées sous le commandement de Paul Watson auraient permis de sauver plus de 5 000 baleines des harpons japonais.

Sa promesse à un cachalot mourant

Lorsque l’archipel asiatique a annoncé en mai dernier le lancement de son nouvel abattoir de baleines, le Canadien n’a pas caché son désir «  bloquer la route ». Ce projet l’anime depuis près de cinquante ans. Depuis que son regard croise, en 1975, celui d’un cachalot agonisant, tué par des baleiniers soviétiques. Ce jour-là, «  J’ai fait la promesse à ce grand Esprit de l’Eau que j’éradiquerais la chasse à la baleine de mon vivant. »il a écrit en février 2023.

Les conséquences de ce combat lui semblent secondaires, a-t-il expliqué à Reporterre en décembre dernier. «  Je demande habituellement à tous les membres de mon équipage : « Êtes-vous prêts à risquer votre vie pour protéger les baleines ? Certains pensent que c’est beaucoup demander aux jeunes. Mais on leur demande tout le temps de donner leur vie pour des drapeaux, des biens immobiliers, des religions. Je pense que c’est une chose beaucoup plus noble de prendre ce risque pour protéger une espèce ou un habitat en voie de disparition. »

Cammile Bussière

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