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Cannes 2024 : où est Israël ? Par Valérie Abecassis

C’est probablement la première fois dans l’histoire du Festival de Cannes qu’il n’y a pas de films, acteurs, actrices, producteurs israéliens sur la Croisette. Zéro. Enfin presque.

Vendredi 17 mai, Gideon Tadmor et Emilio Shankar monteront les marches

Vendredi 17 mai, Gideon Tadmor et Emilio Shankar monteront les marches. Ce sont les producteurs israéliens du film américain « Ho Canada », réalisé par Paul Schrader avec Richard Gere et Uma Thurman. Le film est en compétition officielle et on se prend à rêver d’une Palme d’Or, d’un prix pour Richard Gere ou Uma, et pourquoi pas un discours. Prenez les Oscars : en 50 ans, l’acteur n’a jamais été nominé pour une statuette. Pire encore, Richard Gere a été banni des Oscars pendant 20 ans parce qu’en 1993, alors qu’il remettait un prix de design à Hollywood, il avait eu le courage de critiquer le gouvernement chinois pour son traitement envers son peuple et les Tibétains. Pouvons-nous imaginer, à Cannes cette année, des paroles sur nos otages ? Du malheur et de la douleur d’Israël, de ses pertes, de ses morts ? Juste un petit mot qui apporterait un peu d’intelligence dans ce chaos mondial…

Les personnes trans de Ramallah, de Gaza et de Nazareth venues vivre librement leur sexualité à Tel-Aviv comptent-elles pour représenter Israël ?

Hormis les deux patrons du Sipur, qui pourrait représenter Israël ? Peut-on mettre la Shoah dans la catégorie Israël ? Le très attendu dessin animé du Français Michel Hazanavicius comptera donc également. Le brillant réalisateur présente en compétition officielle « Le plus précieux des biens », adapté du livre de Jean-Claude Grumberg, l’histoire d’un couple de pauvres bûcherons qui recueillent un bébé jeté d’un des nombreux trains qui traversent sans cesse leur boisson. .

Les personnes trans de Ramallah, de Gaza et de Nazareth venues vivre librement leur sexualité à Tel-Aviv comptent-elles pour représenter Israël ? Si c’est le cas, alors le film de Yolande Zauberman « La Belle de Gaza », sous bannière française, est également à noter, même s’il est projeté tardivement en séance spéciale, même si le film ne dit jamais qu’il est encore dans cette seule démocratie du région où ces travestis (qui seraient jetés du toit de leur maison) peuvent vivre, aimer, se prostituer s’ils le souhaitent en Israël.

Collectif 7 octobre Côte d'Azur
Laura Blajman-Kadar, rescapée du massacre du 7 octobre, sur les marches de CannesCollectif 7 octobre Côte d’Azur

On découvre également le top model et trans israélien Talleen Abu Hanna, dont le père, arabe israélien musulman et chauffeur de bus, est d’une rare humanité. Un film argentin qui raconte que Ruben, le plus jeune fils de la famille Singman, prépare sa Bat Mitzvah au lieu de sa Bar Mitzvah, peut-il prétendre au chapitre d’Israël ? Ainsi, le film « Transmitzvah » de Daniel Burman est également à mettre au crédit de la présence israélienne à Cannes. Et le court métrage « Ce n’est pas l’heure de la pop », d’Amit Vaknin, l’histoire d’une jeune fille qui ne veut pas célébrer son père, tué à la guerre, à Yom Hazikaron.

Mais à part tout cela (tiré par les cheveux), probablement peu d’humains de Ben Gourion auront fait le déplacement pour tenter de vendre, acheter ou proposer un film, un tournage, une coproduction, un scénario réalisé en Eretz. Et compte tenu du climat de haine mondial (surtout dans les milieux éclairés), le moindre projet issu du Pavillon israélien au marché du film ou de la société Film for Israel, également présente à Cannes cette année, sera crédité de nombreux miracles. accompli par le Seigneur pour son peuple. Cette année il n’y a ni les moyens ni l’envie de mixer le flonflon, tapis rougedu champagne et de l’art, mais surtout il n’y a aucune volonté du monde du cinéma pour l’Etat juif.

On se retrouve à regretter la tenue militante de l’ancienne ministre de la Culture Miri Regev sur le tapis rouge

Cette année, pour le pays, c’est zéro. Comme à Lille pour le festival Séries Mania, comme à Cannes pour Cannes Séries. Il y a quelques éditions, c’était « Ahed’s Knee » de Nadav Lapid, « Les Cahiers Noirs » de Shlomi Elkabetz, le dessin animé « Où est Anne Frank » ou « Tre Piani » de Nanni Moretti, tirés d’un roman d’Eshkol Nevo, qui un enthousiasme accru pour Israël. Il y a eu les rencontres (inimaginables aujourd’hui) Israël/Emirats Arabes Unis, il y a eu des tables rondes autour de l’animation. Au Festival de Cannes 1967, Oded Kotler remporte même le prix du meilleur acteur pour « Trois jours et un enfant ». On se retrouve à regretter sur le tapis rouge la tenue militante de l’ancienne ministre de la Culture Miri Regev et ses voyages coûteux, le film « Babi Yar. Contexte » sur le massacre de Babi Yar (du moins on parlait des juifs sur la Croisette, sic).

On aimerait presque encore le scandale rauque de l’équipe arabe israélienne de « There Was a Morning » d’Eran Kolirin, qui a refusé en 2021 de monter les marches pour protester contre l’occupation (alors que le film en Israël obtenait tous les prix Ophirs avec ladite équipe dans la salle). Où sont Menahem Golan et Yoram Globus qui ont signé un contrat avec Jean-Luc Godard sur une nappe en papier ? Même de lui, on rêve de lui. Où est passé Israël à Cannes ? Comment l’attentat meurtrier du 7 octobre lui a-t-il valu d’être ostracisé et donc presque de sa faute ?

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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