Cancer du sein : trois femmes face à la maladie
En France, chaque année, 78 000 personnes sont touchées par le cancer du sein ; 20 000 morts. Dans le Cher, à l’occasion d’Octobre Rose, cette fois dédié à la prévention et au dépistage, trois femmes parlent de leur cancer. Et le soutien qu’ils ont trouvé auprès de l’association OncoBerry.
Lorsqu’elle parle de sa gynécologue, Christelle Villotte-Meynard croise les mains : « Elle m’a sauvé la vie. » La jeune femme – 45 ans – a appris qu’elle était atteinte d’un cancer du sein l’année dernière. Une semaine avant les vacances d’été. « Par hasard », grâce à un rendez-vous de routine chez son gynécologue. « Elle s’intéresse beaucoup à la prévention. Même si je n’avais pas encore 50 ans, elle m’a prescrit une mammographie, suivie d’une échographie. Je suis allé à la réunion avec une arme pointée sur la tête. » Il n’y a aucun cas dans sa famille, rien d’inquiétant à la palpation.
« Rassemblez vos forces pour affronter la bataille à venir »
Sur la mammographie, le radiologue ne voit rien. « À l’écho, qu’il n’a fait que parce que c’était prescrit, il a perdu le sourire », se souvient le cadre bancaire basé à Trouy. Il m’a dit qu’il avait besoin d’une biopsie très rapidement. » Elle l’obtient en 48 heures. «J’étais groggy. Lors de la biopsie, ils ont placé les clips pour identifier la tumeur, en mode « comme ça, ça sera fait ». Là, j’ai compris. »
« Après une maladie, il faut savoir qu’on ne peut pas retrouver la vie qu’on avait avant. C’est une autre vie devant nous. Cela peut être déstabilisant pour les autres. Nous voulons prendre du temps pour les choses prioritaires, pour la vie”
Christelle Villotte Meynard (45 ans, cadre bancaire)
En attendant les résultats, « à part mon mari », elle n’en parle à personne. Puis le gynécologue appelle. « Quand elle veut vous voir à 19h30 un vendredi, ce n’est pas bon signe. » Christelle ne se souvient que de bribes de conversation. « C’est un grade 2 », « c’est envahissant ». La tumeur est petite, neuf millimètres. «C’est ma chance. » Il ne s’agit cependant pas « d’un petit cancer ». « Pire que l’annonce, c’est de le dire à ses proches », se souvient-elle. A mes parents, à mes enfants de 6 et 10 ans. »
La campagne de dépistage du cancer du sein auprès des femmes de 50 à 75 ans a été lancée en 2004. Photo illustration Remi Dugne
Les médecins veulent opérer le plus vite possible, en été. « Avec une prime que j’avais gagnée, nous avons prévu un voyage en famille. Ils nous encourageaient quand même à partir, à en profiter : « Rassembler des forces pour affronter la bataille à venir ». »
Christelle Villotte-Meynard a été opérée à son retour, le jour de son anniversaire. « Durant le mois d’août à l’hôpital de Bourges, j’ai été chouchouté. »
« La nouvelle fait mal »
Noëlle
a 62 ans. Son cancer du sein est réapparu il y a deux ans. «C’est un tsunami qui s’est abattu sur moi», explique doucement La Berruyère. Celle qui refuse d’utiliser le mot « malade » – « J’ai banni ce mot de mon vocabulaire » – a eu son premier cancer à 37 ans. « On m’a enlevé une partie du sein, j’ai eu une radiothérapie. Trois mois d’arrêt et je reviens au même rythme. Même si j’étais très fatigué. »
Il y a deux ans, elle sentait que quelque chose n’allait pas. «Ça m’a dérangé. C’était comme un crabe tirant mon mamelon vers l’intérieur. » Noëlle appelle son gynécologue remplaçant à l’hôpital de Bourges – le sien est à la retraite. « Il n’a jamais répondu. J’ai fini par aller chez mon médecin généraliste pour passer une mammographie. Ces déboires m’ont fait perdre trois mois. »
Le résultat est : un cancer très agressif, très invasif. « Un triple négatif », une des formes les plus graves de cancer du sein (10 à 15 % des cas). « Sa particularité est qu’elle peut récidiver sur n’importe quelle partie du corps et à tout moment. C’est une épée de Damoclès. La nouvelle fait mal. »
Impossible de la soigner à Bourges. « C’est Paris ou Clermont-Ferrand, j’ai choisi Clermont. L’oncologue a été très attentif et clair sur les traitements. » Très vite chimiothérapie, puis intervention chirurgicale.
« Mon arme de défense est de communiquer. Ma compagne, ma mère, ma belle-fille, mes amis…, explique Noëlle. Quand on a ce type de diagnostic, soit on abandonne, j’ai rencontré beaucoup de femmes dans cette situation, soit on se bat. J’ai décidé de me battre, mais je puise la mienne dans l’énergie des autres. »
« C’est un cancer, c’est 33 euros »
Margaux
avait 34 ans lorsqu’on lui a diagnostiqué son premier cancer du sein en 2016. « J’avais rendez-vous pour un contrôle gynécologique. J’avais une petite boule au sein et je me suis dit : il faut que je pense à lui dire. Mon gynécologue m’a prescrit une mammographie et tout s’est bien passé. »
Un vendredi soir, le radiologue qui a pratiqué la biopsie m’a appelé : « Il faut que tu voies ton gynécologue au plus vite. » Elle n’est pas joignable. Margaux va chez son médecin généraliste. « Il m’a dit : « C’est un cancer, c’est 33 euros. » Comme ça ! » « J’ai dû dire aux enfants que j’étais malade, avec des mots qu’ils comprenaient. Sans les paniquer. »
Margaux
(Souffrant d’un cancer génétique depuis 2016)
Son gynécologue la recevra autour d’un café avec son compagnon. « Pour mes soins, elle a tout organisé avec le centre d’oncologie Saint-Jean, à Saint-Doulchard. Mon sein était déjà touché. Ils ne pouvaient rien garder. J’ai eu une radiothérapie, une chimio, j’ai eu une ablation. » Ses enfants avaient 3 et 8 ans. « J’ai dû leur dire que j’étais malade, avec des mots qu’ils comprenaient. Sans les paniquer. »
L’année suivante, en 2017, son compagnon insiste pour qu’ils se marient, comme prévu. « Une belle année », sourit Margaux, dont les cheveux courts reflètent la récente chimio. En 2018, récidive. « À Clermont, on me dit que seule la génétique peut expliquer mon cancer. Les tests montrent que ma mère est également porteuse du gène. Heureusement, ma sœur ne l’est pas. »
Son cancer est récidivant chaque année jusqu’en 2020. « J’ai cherché sur Google le meilleur centre de lutte contre le cancer de France. En tête de liste je lis « Institut Curie ». J’ai appelé. J’ai rencontré un médecin extraordinaire qui m’a proposé de participer à une étude. Cela a fonctionné pendant deux ans, puis plus. » Depuis dix-huit mois, Margaux est soignée au centre Saint-Jean. Elle vient de subir une chimio « très forte ». « A chaque soin, j’appelle Curie, pour m’assurer qu’ils sont sur la même ligne que Saint-Jean. »
Suivi, sophrologie, shiatsu…
« C’est aussi important que le traitement »
Trois cancers, trois parcours et un point commun, tous les trois ont contacté l’association OncoBerry pour obtenir du soutien. L’association prodigue conseils, propose un soutien psychologique et des ateliers (lire ci-dessous). « La cancérologie n’existe pas sans soins de support, résume la bénévole Marie-Ange Fontanille.
Cette année, les Foulées Roses Harmonies Mutuelles du Berry, co-organisées par le Berry Républicain, la Ville de Bourges et l’association OncoBerry, ont lieu à Bourges, les 19 et 20 octobre, à Bourges. Illustration photo Pierrick Delobelle
« Être accompagné en dehors du traitement est très important », confirme Noëlle. Vous devez être acteur de votre traitement. Veiller à votre bien-être physique et psychologique, être vigilant sur l’esthétique (peau, ongles). En sophrologie par exemple, on travaille sur la pensée positive. Cela aide. »
La sophrologie, c’est ce qui convient à Margaux. « J’ai vu un psychologue il y a huit ans, et encore récemment, mais ce n’est pas pour moi. Je n’ai pas besoin de parler. Avec mon mari, c’est pareil, je sais qu’il est là si j’en ai besoin, mais pas question de parler tout le temps de cancer. Ma mère dit que je suis dans le déni. Pour elle, ce n’est pas normal que je ne pleure pas tout le temps. » Avec la sophrologie, elle a cliqué. « Une séance d’essai. Pas besoin de parler. Je savais que c’était pour moi. » « Ce qui m’a fait tenir, c’est la perspective de réaliser une étoile de mer dans l’eau. Je m’accroche à ça, à mes ateliers bien-être, à mes amis… C’est un peu ennuyeux. Je n’ai pas encore franchi la ligne d’arrivée. »
Noëlle
(62 ans, atteint d’un cancer récurrent)
Lorsqu’on lui a diagnostiqué un cancer l’année dernière, Christelle Villotte-Meynard était persuadée qu’elle n’avait besoin de personne. « J’ai vite changé d’avis, j’étais tellement dépassé. C’est en fait aussi important que le traitement. Consultations avec le psychologue, sophrologie… J’ai découvert le shiatsu avec OncoBerry, maintenant je continue seule. Cela m’apporte un tel bien-être que je pleurais en sortant d’une séance. »
Elle a été convaincue d’essayer la médiation équine et ne regrette rien. « Ils m’ont dit : ‘Tu verras, on ne peut pas tromper un cheval.’ Efficacement. Il ne vous suit que si vous êtes en phase avec vos émotions. Cela m’a appris à lâcher prise, à me recentrer. J’ai fait trois séances et cela continue de faire effet sur moi. »
Noëlle a terminé ses vingt mois de traitement. «J’étais dans un tunnel. Ce qui m’a fait tenir, ce sont les vacances que nous avions prévues avec mon mari et la perspective de fabriquer des étoiles de mer dans l’eau. Je m’accroche à ça, à mes ateliers bien-être, à mes amis… C’est un peu ennuyeux. Je n’ai pas encore franchi la ligne d’arrivée. »
La vie d’avant ?
Christelle suit un traitement hormonal depuis cinq ans. « Un soin qui remplace le mot fatigue par épuisement. Sans parler des sautes d’humeur. » Elle a pu reprendre le travail à temps partiel sur le plan thérapeutique. Fonctionnaire, Noëlle ne peut pas travailler à nouveau pour le moment, Margaux non plus. «Je travaille dans l’expertise. Mon oncologue ne veut pas que je recommence trop vite, à cause du stress. »
« Après la maladie, il faut savoir qu’on ne peut pas retrouver la vie qu’on avait avant », tient à souligner Christelle Villotte-Meynard. C’est une autre vie devant nous. Cela peut être déstabilisant pour les autres. Avec les rendez-vous médicaux, la maladie n’est jamais loin. Nous voulons prendre du temps pour les choses prioritaires, pour la vie. »
Marie-Claire Raymond, elle a souhaité rester anonyme.