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Caen, la ville qui a déjà annulé des projets immobiliers par peur de la montée des eaux

« Si la mer monte d’un mètre, il y a des inondations ici chaque semaine ». Le vaste projet immobilier sur le « péninsule » Caen (nord-ouest de la France), bande de 17 km entre l’Orne et le canal qui relie la ville à la mer, ne verra pas le jour, une décision rare prise en prévision de la montée des eaux.

Conçu au début des années 2010, le programme immobilier « Nouveau Bassin » était de créer 2 300 logements et 35 000 m2 de locaux commerciaux sur une friche industrielle appartenant aux Charbonnages de France.

Il « ça n’arrivera pas »déclare le directeur général de la société publique de développement local (SPLA) « Presqu’île de Caen » responsable du projet, Thibaud Tiercelet.

A la place, une promenade est en cours de construction en attendant une étude de la dynamique hydraulique sur l’ensemble de l’estuaire de l’Orne, s’intéressant à la montée du niveau de la mer en aval et au débit de l’Orne en amont.

En 2023, alors que tous les permis ont finalement été obtenus pour démarrer les travaux, M. Tiercelet a été alerté par une assemblée d’experts chargée de déterminer l’impact du changement climatique sur la région (appelée « Norman IPCC »(sans rapport avec le groupe d’experts sur le climat mandaté par l’ONU).

L’urbaniste a demandé à rencontrer Joël Bruneau, alors maire de Caen et président de la communauté urbaine de Caen-la-mer, pour lui présenter les données.

« Pour nous, la référence c’est le GIEC : en 2017 l’estimation de la montée du niveau de la mer était de 20 cm d’ici 2100, en 2020 c’était 60 cm, en 2023 on était passé à 1 mètre »se souvient Thibaud Tiercelet.

Le GIEC prévoit une élévation probable du niveau de la mer de 40 à 80 cm d’ici 2100, tout en avertissant que des facteurs mal connus n’ont pas été pris en compte, comme la fonte des calottes glaciaires, qui pourrait amplifier considérablement le phénomène. Dans tous les cas, le GIEC recommande aux villes d’anticiper au-delà des intervalles les plus probables.

La fin d’un modèle

Caen, la ville qui a déjà annulé des projets immobiliers par peur de la montée des eaux

Actuellement, le quai ne se trouve qu’à 70 cm au-dessus de l’eau du canal. « Si la mer monte d’un mètre, il y a des inondations ici chaque semaine »le réalisateur décide.

Quant au niveau du canal, il est aujourd’hui régulé par une écluse, « qui n’a plus que 50 cm d’eau à marée haute »note M. Tiercelet. Dans quelques décennies, il ne remplira plus son rôle.

La priorité devient « protéger les zones urbaines sans créer de nouvelles difficultés »il explique.

Emmanuel Renard, vice-président en charge de l’aménagement et du foncier de la communauté urbaine de Caen-la-mer, estime que le délai pour ce type d’investissement est « cent ans » et s’appuie donc sur la « hypothèses élevées et très probables ».

Selon l’élu, l’eau va monter « au moins un mètre, ce sera en 2070, en 2100, en 2120, personne ne peut le dire »Les climatologues soulignent qu’il existe une incertitude quant à l’ampleur et au rythme de l’élévation du niveau de la mer, mais qu’elle se produira.

Le président de la communauté urbaine, Joël Bruneau, a donc décidé d’arrêter le projet, ainsi que le prolongement du tramway et une passerelle d’accès, rappelle M. Renard, considérant que « Tout arrêter deux ans plus tard aurait coûté cher ».

Pour remplacer le projet « Nouveau Bassin »le directeur de la société publique d’aménagement imagine « Un urbanisme transitoire de 40 ans avec des occupations temporaires » comme des logements étudiants ou des ateliers d’artisanat sur ces terrains où des entrepôts désaffectés attendent d’être détruits.

Avec la montée de plus en plus fréquente des eaux de mer, par l’estuaire ou les nappes phréatiques, cet écosystème d’eau douce va progressivement se saliniser.

Les essences d’arbres qui seront bientôt plantées autour de la promenade, actuellement en cours de décontamination, ont été choisies pour s’adapter à ce nouvel écosystème.

« C’est la fin d’un modèle vieux de 170 ans, de l’explosion technologique qui a permis l’ère des grands travaux, de la maîtrise de notre environnement, il va falloir désormais s’adapter »conclut Thibaud Tiercelet.

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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