A la préfecture maritime de Brest, nous prenons le sujet très au sérieux. « Oui, les câbles sous-marins font l’objet d’une surveillance particulière et continue de notre part », confirme le préfet maritime de l’Atlantique, Jean-François Quérat. Depuis le début de la guerre russe en Ukraine, les câbles sous-marins n’ont jamais été aussi étroitement surveillés dans la Manche et dans l’Atlantique. Tout navire russe qui transite autour de la Bretagne fait l’objet d’un contrôle et d’une surveillance rigoureux, parfois médiatisés par la Marine nationale française, qui cherche à le faire savoir au plus vite.
Si l’écoute d’un câble, pour l’information qu’il véhicule, n’a qu’un intérêt relatif, il y a bien d’autres avantages à s’approcher de ces puissantes autoroutes de l’information.
Les nouvelles technologies permettent, via ces câbles immergés, d’écouter l’activité de la colonne d’eau. Bref, connaître l’état du trafic maritime et, notamment, la présence des sous-marins de la force de dissuasion. C’est là qu’entre en jeu le pouvoir discrétionnaire des sous-marins nucléaires lance-missiles (SSBN), censés se fondre dans les profondeurs océaniques. L’accès et la possibilité d’écouter la colonne d’eau, via ces câbles, pourraient faciliter le suivi et l’identification des sous-marins porteurs d’armes nucléaires. « Mais, pour l’instant, pas au-delà de répéteurs de câbles positionnés tous les 80 km », précise un spécialiste. Mais de quoi inquiéter les acteurs de la force de dissuasion.
Menace de sabotage
Et le risque de sabotage ? Attaquer certaines branches de cet immense réseau de communication reviendrait à déstabiliser les systèmes et les États pour un temps donné. « En cas de rupture d’un ou plusieurs câbles, la densité du réseau (redondance) serait suffisante pour rediriger l’acheminement du flux par d’autres chemins », assure Jean-Luc Le Roux, directeur des réseaux internationaux d’Orange. groupe. Même si d’autres rappellent, à cette occasion, la question inquiétante du réacheminement de ces données via des régions ou des pays moins favorables… Autrement dit, la potentielle captation de données transitant par des pays hostiles.
« Il faudrait réussir à endommager simultanément un grand nombre de câbles pour perturber durablement un État », observe un spécialiste de la stratégie militaire. « L’objectif serait plutôt de déstabiliser un pays pendant quelques heures, le temps de mener un attentat par exemple. »
Alors, les Russes seraient-ils capables de saboter les principaux câbles arrivant en Bretagne ? Le scénario est sérieusement envisagé par les militaires français qui restent sur leurs gardes et intensifient la surveillance des bateaux suspects, notamment des navires scientifiques ou de pêche étrangement suréquipés au large des côtes françaises. Des navires se délocalisaient aussi régulièrement devant Kaliningrad, l’enclave russe de la mer Baltique…
Alors que la surveillance des câbles sous-marins s’est considérablement intensifiée en Manche et en Atlantique, la France a récemment décidé de renforcer ses moyens déployés dans les grandes profondeurs.
Drôle de sous-marin russe…
« Nous avons déjà observé, dans l’Atlantique, un sous-marin militaire russe équipé d’un sous-marin plus petit qui lui est rattaché, capable de mener des opérations spéciales », rappelle un ancien parlementaire du Finistère marqué par un reportage de ce type dans le golfe de Gascogne. C’était juste au dessus d’un câble dit sensible, on était un peu avant les années 2000.»
Avons-nous trouvé des charges explosives placées le long de ces câbles ou des dispositifs factices pour augmenter la pression ? Les autorités militaires ne confirment aucune découverte de ce genre à l’approche des côtes bretonnes. Mais, caché au plus profond du secret Défense, le sujet reste très opaque.
Qu’en est-il des câbles sous-marins purement militaires ? Ils sont beaucoup moins nombreux que les câbles civils. Leur position se veut encore plus discrète. Leur sabotage, à un moment stratégique clé, fait également partie des scénarios envisagés.