Depuis l’attentat de janvier 2015, la chorégraphe et danseuse Nadia Vadori-Gauthier se filme et danse une minute par jour. Une performance visible sur internet où l’on peut découvrir quotidiennement une nouvelle vidéo.
« Ça va faire dix ans que je danse une minute par jour »: depuis l’attentat à Charlie Hebdo, la chorégraphe et danseuse Nadia Vadori-Gauthier a lancé en 2015 un « acte de résistance poétique », devenu une œuvre au long cours, ouverte et « témoin de notre temps« . Cette performance est visible depuis ses débuts sur le site www.uneminutededanseparjour.com et sur les réseaux sociaux où l’on peut découvrir quotidiennement une nouvelle vidéo : 3.643 ont été postées.
Des extraits de cette œuvre seront présentés mardi lors d’une soirée d’hommage à la rédaction de l’hebdomadaire décimée, à Chaillot-Théâtre national de la danse à Paris : solo de son initiatrice, performances chorégraphiques avec une dizaine de danseurs, installations vidéo, lectures dansées, musique, etc.
« Le 7 janvier 2015, passée la stupeur du choc, je me suis demandée ce que je pouvais initier pour faire de la vie », raconte Nadia Vadori-Gauthier à l’AFP. La Franco-canadienne, la cinquantaine aujourd’hui, est alors artiste associée à l’Université Paris 8 et vient de finir une thèse en recherche-création dans le champ de la danse portant sur les relations entre l’art et la vie.
Après avoir dansé au lendemain du drame quatre heures place de la Concorde à Paris pour « manifester sa solidarité », l’idée lui vient de « danser pour que le jour vaille », s’inspirant d’une « citation du philosophe Nietzsche qui dit +Et que l’on estime perdue toute journée où l’on n’aura pas dansé au moins une fois ».
Quelques jours plus tard, devant une petite caméra sur pied, voilà la « minute » lancée, avec l’inspiration du moment – ici des gestes doux et amples, là des jeux de pieds, sans ou avec musique. Rue, boulangerie, boutique, laverie automatique, fontaine, RER, forêt, Nadia Vadori-Gauthier place son travail, les premières semaines, « dans l’interstice du quotidien ».
Avec les attentats du 13 novembre 2015, l’actualité vient « se tisser » à la performance. Sa « minute » sera ce jour-là une danse de mains sur fond noir. « J’ai commencé à aller aux manifestations », « à témoigner pour les environnements naturels, pour la planète, pour la défense des sites, pour le droit à la différence », explique-t-elle. Après la crise sanitaire, on la voit dans des services hospitaliers, des Ehpad…
En 2020, au premier jour du confinement, elle ouvre son « protocole » (quelques règles qu’elle a édictées pour réussir sa minute) à tout le monde. Et reçoit, le premier mois, quelque 5.000 vidéos de « gens de tout âge, hommes et femmes, d’adolescents à personnes âgées », qu’elle archive et poste sur internet. Certains continuent encore, s’émerveille-t-elle.
En 2023 et 2024, la chorégraphe a aussi invité des pairs à s’emparer du projet: une quarantaine a répondu, tels Ambra Senatore, Kaori Ito, Meg Stuart. Cette expérience a été l’occasion de mettre au point sa méthode de danse, « le corps sismographe », qu’elle partage via des ateliers.
Le projet se poursuit jusqu’au 14 janvier. Fin de l’histoire ? « Je pense que j’arrête là », dit la danseuse, qui confie avoir « des raisons pour continuer » et d’autres « pour s’arrêter ». Le livre racontant les dix années de cette aventure, qui paraît lundi (éditions Les Presses du réel), devrait l’aider à mettre un terme, pense-t-elle.
Enseignante au Conservatoire de Paris, Nadia Vadori-Gauthier est aussi chorégraphe d’une compagnie intitulée « Le prix de l’essence ». D’autres projets l’attendent: une pièce de danse dans les musées « restée en suspens », un solo qui questionne son identité, ou encore une pièce chorégraphique sur la Terre.