« Ça rend fou ! » : les automobilistes racontent leur été infernal plombé par le scandale des airbags Takata
En colère, inquiets, épuisés, parfois soulagés, les habitants d’Occitanie racontent leurs déboires de l’été. Midi Libre a reçu près d’une centaine de réponses d’Occitanien(ne)s après avoir lancé un appel à témoignages sur le scandale des airbags Takata, qui ruine la vie de dizaines de milliers de personnes depuis le printemps.
Officiellement, les choses suivent leur cours. Dans un point fait en début de semaine, le 22 juillet, Stellantis indiquait que quatre mois après les premiers rappels de Citroën C3 et DS3 équipées d’airbags Takata défectueux, 50 000 véhicules ont été réparés, sur le parc de 600 000 voitures concernées. Le constructeur, qui exhorte les 81 000 propriétaires concernés à effectuer les démarches administratives nécessaires, a annoncé une autre bonne nouvelle : deux nouveaux parkings de courtoisie ouvrent dans les régions de Lyon et Toulouse, une semaine après celui de Toulouse.
Pour les propriétaires concernés, dont certains sont engagés dans une action collective, via Myleo avec l’équipe de l’avocat Christophe Lèguevaques pour les plus connus, l’affaire est loin d’être terminée. En cet été où ils planifiaient vacances, voyages, jardinage… ils vivent un enfer. « Votre gestion est désastreuse »Accusée, le 24 juin, par Marie-Amandine Stévenin, présidente nationale de l’UFC Que Choisir, qui estime que le scandale est encore plus grave, 100 millions d’airbags Takata hypersensibles à la chaleur et à l’humidité ont été installés dans des véhicules à travers le monde avant la faillite de l’entreprise japonaise en 2017, et une dizaine de marques sont concernées. L’Argus a fait le point sur toutes les marques et modèles concernés.
Que choisir, interrogé par Midi Libre, renvoie à la rentrée de septembre pour d’éventuelles nouveautés, et Stellantis ne va pas au-delà des communiqués officiels. Selon Auto Moto, le groupe remplacerait les airbags défectueux par des airbags utilisant la même technologie.
« En colère », « inquiet », « épuisé »et parfois « soulagé »Des automobilistes témoignent. Midi Libre a reçu près d’une centaine de réponses d’habitants d’Occitanie après avoir lancé un appel à témoignages.
Stéphanie, Nîmes : « Un nœud au ventre »
« Mon fils, jeune conducteur, a acheté comme premier véhicule une Citroën DS3 qui était concernée par ces problèmes d’airbags défaillants. Lorsque nous avons appris cela il y a trois mois, nous avons immédiatement pris rendez-vous en ligne chez Citroën Nîmes. En arrivant le jour J, la dame nous a informé qu’il n’y avait pas de rendez-vous, car il fallait monter tout un dossier, attendre de recevoir un code, et attendre encore d’être convoqué. Notre rendez-vous avait été proposé par erreur… il allait falloir attendre, longtemps. Obtenir un véhicule de prêt n’était pas possible. Lorsque je lui ai dit que je ne pouvais pas laisser mon fils en danger avec le risque que l’airbag explose à tout moment, elle a souri et m’a expliqué que ce problème concernait surtout les pays chauds, qu’elle ne pouvait rien faire, mais « faire attention quand même »…
A ce jour nous n’avons toujours pas eu de code, j’ai appelé plusieurs fois, j’étais soit disant mis sur une liste d’attente et depuis plus de nouvelles.
Je suis extrêmement en colère, mais aussi très inquiète car hier encore (NDLR : le 23 juillet) on a vu qu’un airbag Takata dans une Toyota a causé un décès. C’est une honte de laisser des gens risquer leur vie. Mon fils ne peut plus aller travailler sans véhicule. Il l’utilise tous les jours avec la boule au ventre. »
Cécilia, Sète : « Enfin une rencontre »
« J’ai enfin eu un rendez-vous pour changer mes airbags ! » Cécilia Soller n’en revient pas. Ce mercredi 24 avril, tout est bien qui finit bien après des semaines de tâtonnements. Une lettre de Citroën datée du 30 avril lui demande « arrêter immédiatement » pour conduire désormais sa C3 équipée des pièces défectueuses. S’ensuit une bataille quasi quotidienne : « J’ai reçu le code nécessaire à la commande des airbags plus d’un mois plus tard, et j’ai immédiatement appelé la concession Citroën pour effectuer le changement. La personne en charge de la commande des airbags était en vacances, et personne d’autre ne pouvait s’en occuper… Après avoir envoyé de nouvelles informations demandées par le garage, j’ai relancé les 5, 10, 17 et 20 juin, je n’ai jamais reçu de réponse. J’ai également envoyé des lettres recommandées au service client Citroën à Paris et à la concession début juillet, sans réponse. »
Le 9 juillet, Cécilia Soller apprend qu’un seul airbag est arrivé et qu’il lui faudra attendre le deuxième. Sans voiture de prêt, elle tente en vain de faire reprendre sa voiture défectueuse pour acheter une nouvelle C3. Échec. « J’espère que la publication de ce témoignage pourra apporter des changements positifs »écrivait il y a une semaine la native de Sète, qui avait prévenu ses interlocuteurs qu’elle était en contact avec la presse. C’est gagné, après près de trois mois de « shopping en ligne »et de « se déplacer à vélo ou à pied ».
Elle pourra également partir en vacances dans sa famille dans l’Aude à la fin du mois d’août. Ouf !
Yves, Alès : « Toujours avec un véhicule de prêt »
« Mon dossier a été enregistré le 14 mai à Alès, il est toujours en cours, mais j’ai reçu un appel la semaine dernière me disant qu’une solution était imminente ! »
A Alès, Yves Bourgade, 83 ans, patiente : « Dans mon malheur, j’ai de la chance, je ne suis plus dans l’urgence »admet le retraité, qui a obtenu un véhicule de prêt le 5 juillet dernier, en forçant le destin : « J’allais très régulièrement dans mon garage, j’arrivais à un moment où ils venaient de recevoir deux ou trois véhicules. »
Un soulagement : « Ne pas utiliser ma voiture était impossible. »
Mireille, Palavas : « Une amie de ma fille est décédée »
« J’ai reçu un message ce matin (Note de l’éditeur : 24 juillet) en me disant que j’avais enfin un numéro de code ! Ils vont commander les airbags… » Ce fut aussi un soulagement pour Mireille Gobbi, habitante de Palavas, qui craignait que son statut de retraitée la condamne à être parmi les dernières à être servie. « Je commence à voir la lumière au bout du tunnel, après trois mois sans voiture »espère l’Héraultaise.
Elle utilise son C3 occasionnellement, avec beaucoup d’appréhension à chaque fois, sans minimiser le danger : « Il y a trois ou quatre ans, une amie de ma fille est morte sur le coup après l’explosion de l’airbag de sa voiture. Je n’imaginais pas que je serais un jour touchée par ce drame. »
Cyril, Toulouse : « Ma situation est absurde »
« Ma situation est absurde » : Cyril, un Toulousain, n’a pas d’autres mots pour décrire sa situation. Alerté mi-mai, il a passé « De nombreux appels lunaires à la hotline qui un jour m’a promis un véhicule de prêt dans l’heure sans jamais donner suite, puis m’a envoyé dans un garage qui était censé avoir des véhicules disponibles, ils n’en avaient pas. »
« J’ai dû compter sur la solidarité familiale pour obtenir un véhicule à deux heures de chez moi pour partir en vacances le 12 juillet sans me ruiner en location de voiture de dernière minute. J’ai provoqué une cascade de dégâts dans la vie personnelle des proches qui me prêtent ce véhicule, mais je ne pouvais pas annuler trois semaines de locations. Pour l’instant, je n’ai aucune solution pour rentrer de vacances. La communication de Stellantis qui dit donner les moyens est une vaste blague. »proteste le Toulousain.
Marie, Montpellier : « Ça rend fou ! »
« Le lendemain de ma demande sur SignalConso, le site de service public à destination des consommateurs, j’ai reçu un mail de Stellantis m’indiquant que j’avais reçu un code fin juin, c’était impossible. Je l’ai reçu une semaine plus tard, le 24 juillet… entre-temps, je l’avais obtenu en appelant le 0800, l’airbag a été commandé, j’attends le rendez-vous »affirme Marie Demion, une mère de famille montpelliéraine inscrite dans la procédure collective Myleo, qui devrait, en théorie, « arrêter immédiatement » d’utiliser son véhicule depuis le 21 mai.
Ses appels au 0800, « des heures au téléphone »sont épiques : « Quand j’ai quelqu’un au téléphone, parce que souvent, ils raccrochent ou vous laissent dans le noir, ils vous raccrochent au nez après avoir dit « je ne vous entends pas madame », ou encore « vous avez quelque chose pour écrire ? » et même « je vous ai trouvé un véhicule ». Ça rend fou !
« Je dois prendre ma voiture pour aller au travail, transporter mes enfants, faire mes courses, et si je me fie au courrier que j’ai reçu, je mets ma vie et celle de mes enfants en danger. Ce n’est pas très rassurant et c’est culpabilisant.« , s’insurge le Montpelliérain.
Elle « Je trouve scandaleux que l’entreprise se protège par cette lettre, rejette la faute sur nous, tout en nous laissant impuissants. Pire encore, nous nous sentons ignorés. »
Lucien, Ganges : « C’est inacceptable »
« J’ai immatriculé le véhicule de mon beau-frère, qui était un peu perdu dans les démarches, le 7 juin, afin de recevoir le code pour commander les airbags. À ce jour, je n’ai toujours pas reçu le code. Ce n’est vraiment pas grave. Mon beau-frère habite à Ganges, il a besoin de sa C3 pour aller dans son potager… il ne peut plus s’en occuper, j’essaie d’économiser ce que je peux quand je vais dans les Cévennes. Mais j’habite à Vic-la-Gardiole, ce n’est pas tous les jours… Heureusement, il n’habite pas très loin d’un supermarché. Sa vie s’est arrêtée du jour au lendemain. C’est fou. Il est complètement démuni, et vu son âge, il ne veut pas faire de démarches judiciaires. Mais cette situation est inacceptable », déplore Lucien Thévenin.