Burkina/Santé : « La plupart des calculs urinaires sont liés à une alimentation trop riche, mal équilibrée… », Dr Aïssata Ouédraogo, chirurgienne urologue
Les calculs urinaires touchent de nombreuses personnes à travers le monde et au Burkina Faso. Dans cet entretien qu’elle nous a accordé, le Dr Aïssata Ouédraogo, chirurgienne urologue au CHU Régional Universitaire de Ouahigouya, souligne que les calculs urinaires peuvent être responsables de complications qui peuvent être graves et aller jusqu’au décès. Elle passe en revue les causes et les symptômes des calculs urinaires et donne quelques conseils pour les éviter.
Lefaso.net : Qu’est-ce qu’un calcul urinaire ?
Dr Ouédraogo : Un calcul urinaire est la présence dans les voies urinaires (cavités rénales, pyélon, uretères, vessie, urètre) de concrétions cristallines, minérales, organiques ou médicinales (corps solides). C’est une pathologie multifactorielle qui peut survenir à tout âge.
Avez-vous une idée du nombre de personnes qui souffrent de calculs urinaires dans votre service ?
Oui, de nombreuses personnes souffrent de calculs urinaires. Au niveau mondial, 4 à 18 % de la population mondiale en souffre. Au Burkina Faso, le professeur Kaboré et ses collègues ont constaté une prévalence de 12,5% à Ouagadougou. Au service d’urologie du centre hospitalier universitaire de Ouahigouya, au cours des trois dernières années, nous avons opéré 58 patients et certains ont bénéficié d’un traitement médical pour expulser le calcul par les voies urinaires naturelles et d’autres sont sous surveillance.
Quelles sont les causes des calculs urinaires ?
La plupart des calculs sont liés à une alimentation trop riche, mal équilibrée et à une diurèse (quantité totale d’urine émise sur 24 heures) insuffisante. On dit que cette maladie consiste à manger trop, à manger mal et à ne pas boire suffisamment.
De nombreux facteurs peuvent influencer la formation d’un calcul dans les voies urinaires. Nous avons des facteurs alimentaires, notamment une alimentation riche en produits laitiers, en protéines animales et en sel, favorisant l’hypercalciurie ; chocolat, fruits secs, épinards, oseille, thé, bonbons riches en oxalate ; purines (abats, charcuterie), sucres rapides (fructose) ; réduire la consommation de fibres alimentaires (fruits, légumes, haricots secs, riz, etc.).
La réduction de la consommation d’eau est également un facteur contributif, notamment dans les pays chauds et lorsque l’on travaille dans un environnement surchauffé avec une consommation d’eau insuffisante.
Il y a aussi des facteurs familiaux. Il y a des familles qui font des calculs. Cela est dû à une maladie appelée cystinurie qui est une maladie génétique provoquant l’accumulation d’acides aminés dans l’urine responsable de la formation de calculs.
Les infections urinaires sont également un autre facteur contributif. En effet, certains germes, comme Proteus mirabilis, Klebsielle et Pseudomonas possèdent une enzyme, l’uréase, qui dégrade l’urée en une matrice protéique sur laquelle les sels minéraux précipitent pour former des calculs.
À cela s’ajoutent des anomalies du pH urinaire. Le pH urinaire normal est de 5,4. Lorsque le pH urinaire se situe autour de 5 ou 7, cela peut favoriser la formation de calculs urinaires.
Certains médicaments favorisent également l’apparition de calculs. Il s’agit de l’Indinavir, de l’Atazanavir qui sont des médicaments utilisés dans le traitement du VIH, du Cotrimoxazol, de l’Allopurinol, de l’Amiodarone, des diurétiques thiazidiques, de la vitamine D.
Les anomalies anatomiques congénitales telles que la polykystose rénale, les reins en fer à cheval, les sténoses calycéennes, pyéliques, urétérales, le syndrome de la jonction pyélo-urétérale, le méga-uretère sont également des facteurs favorisant la survenue de calculs urinaires.
A cela s’ajoutent des facteurs acquis, notamment des obstacles sous-vésicaux tels que les colopathies vésicales, les hypertrophies prostatiques, les fistules vésico-vaginales, les fistules utéro-vaginales, les sténoses acquises caliceales, pyéliques et urétérales.
Quels sont les symptômes des calculs urinaires ?
Les symptômes dépendent de la localisation du calcul. Vous pouvez avoir des coliques néphrétiques, qui constituent le mode de manifestation le plus courant. Il s’agit d’une douleur dans le bas du dos qui irradie vers le bas, le long des cuisses et vers les organes génitaux externes. Des douleurs lombaires qui persistent, des brûlures pendant la miction (douleur lorsque vous urinez), une hématurie (sang dans les urines) sont également des symptômes de calculs urinaires. La pollakiurie (augmentation de la fréquence des mictions), les efforts de poussée, les écoulements d’urine et la sensation de ne pas bien vider sa vessie, ainsi que la rétention d’urine qui se traduit par une impossibilité totale ou partielle d’uriner, sont également des symptômes des calculs urinaires.
Quelles sont les complications des calculs urinaires ?
Les calculs urinaires peuvent entraîner des complications qui peuvent être graves et même entraîner la mort. Il existe différents types de complications. Nous avons des complications infectieuses, notamment une pyélonéphrite obstructive aiguë, une pyonéphrose, un choc septique/une septicémie et une infection récurrente des voies urinaires.
Les complications des calculs urinaires peuvent également être mécaniques comme des douleurs, une rétention vésicale, une anurie qui entraîne une insuffisance rénale sévère en cas de calculs bilatéraux ou sur un seul rein anatomique ou fonctionnel, une rupture du bassinet rénal et/ou de l’uretère. et rupture de la voie excrétrice.
Comment traite-t-on les calculs urinaires ?
Il faut savoir que le but du traitement des calculs urinaires est de soulager le patient, favoriser l’expulsion du calcul, extirper le calcul, prévenir les complications et les récidives et éviter les récidives. Pour ce faire, plusieurs moyens sont disponibles.
Il s’agit tout d’abord de mesures hygiéniques et diététiques. Ils sont applicables à tous les patients atteints de lithiase urinaire.
Avoir une diurèse (quantité d’urine émise par 24 heures) supérieure à 2 000 ml est le premier objectif.
Il est également conseillé au patient de boire beaucoup de liquides tout au long de la journée et d’éviter les douleurs, ainsi que d’avoir une alimentation équilibrée.
Quant aux médicaments, il faut savoir que la douleur est traitée avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Une injection ou un comprimé de kétoprofène est prescrit aux patients en fonction de l’intensité de la douleur.
Des antibiotiques sont parfois prescrits en cas d’infection urinaire ou des alcalinisants urinaires pour tenter de dissoudre les petits calculs.
Il existe également des moyens instrumentaux. Il s’agit le plus souvent de moyens utilisés pour soulager le patient en attendant un traitement radical ultérieur. Cela implique la pose d’une sonde double J., la pose d’une sonde de néphrostomie ou encore la dialyse en cas d’insuffisance rénale sévère.
Les calculs urinaires peuvent également être traités chirurgicalement. Le traitement chirurgical a ses indications.
Cela pourrait être :
– Lithotripsie extracorporelle (Fragmentation extracorporelle des calculs par ondes de choc). C’est le traitement de première intention pour les calculs mesurant moins de 2 cm ;
– la néphrolithotomie percutanée dont le principe est l’extraction des calculs rénaux à travers un tunnel de néphrostomie créé de manière transcutanée, permettant ainsi le passage d’instruments endoscopiques capables d’extraire, d’écraser ou de pulvériser les calculs. C’est le traitement de référence des calculs rénaux > 2 cm, coralliformes ou complexes ;
– Urétéroscopie qui consiste à introduire par les canaux naturels de manière rétrograde, un urétroscope permettant la visualisation et le travail au contact du calcul. Extraction de calculs à l’aide de pinces ± fragmentation laser. Elle est indiquée en cas de calculs résistants au LEC et situés au niveau de l’uretère pelvien.
– La chirurgie ouverte qui conserve encore ses indications dans notre contexte mais a peu d’indication aujourd’hui dans les pays développés.
Si une cause organique est trouvée, elle doit être traitée en même temps que le calcul.
Comment prévenir l’apparition de calculs urinaires ?
Pour éviter l’apparition de calculs urinaires, vous devez boire suffisamment d’eau pour diluer votre urine et réduire le risque d’apparition de calculs urinaires. Il est recommandé de boire 2 litres d’eau répartis tout au long de la journée.
Il faut également avoir une alimentation équilibrée et normale en sodium, c’est-à-dire éviter de manger trop salé et éviter les aliments salés, surtout ne pas ajouter de sel à la table ; un régime normo-calcique, c’est-à-dire éviter une alimentation riche en calcium. Un apport de 800 mg à 1 gramme de calcium par jour est recommandé.
Il faut avoir une alimentation normale en protéines, c’est-à-dire éviter la consommation excessive de viande, de poisson et d’œufs. Un apport de 100g de viande ou 100g de poisson ou 2 œufs par jour.
Il faut également éviter les aliments riches en oxalates (fruits secs, chocolat noir, épinards, oseille, thé, sucreries, betteraves…)
Vous avez besoin d’une alimentation riche en citrate (jus d’orange, citron, pamplemousse et légumes) et vous devez prévenir et traiter efficacement les infections urinaires.
Entretien réalisé par Justine Bonkoungou
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