Pour économiser 60 milliards d’euros dans le prochain budget, Michel Barnier veut mettre à profit le transport aérien en augmentant la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA). Un amendement déposé il y a quelques jours par le gouvernement vient d’en préciser les termes.
De 2,63 euros à 9 euros le billet pour les vols nationaux et en Europe
« Cette taxe, qui existe déjà, est prélevée sur chaque vol au départ de France, quelle que soit la compagnie. Il sera multiplié par quatre si l’on voyage en France ou en Europe, par deux pour les vols de moins de 2 500 km et par 6 pour les autres destinations internationales », explique Franck Goldnadel, président du conseil d’administration d’Aéroports de la Côte d’Azur.
Pour les vols nationaux et intra-européens, cette taxe passera de 2,63 euros par billet à 9,50. Pour les longs trajets, en classe économique, de 7 à 40 euros. L’aviation d’affaires sera également concernée : la taxe passe de 70 à 120 euros sur les vols long-courriers.
Franck Goldnadel, qui déplore que la France soit « l’un des pays d’Europe qui taxe déjà le plus lourdement son secteur aérien », craint que « Cette nouvelle taxe, parce qu’elle en est une, n’entraîne pas de perte de compétitivité pour les compagnies aériennes françaises et pénalise l’attractivité de la destination France. »
Une inquiétude partagée par Bertrand Godinot, le directeur général d’EasyJet France, première compagnie aérienne niçoise qui dessert depuis l’aéroport Nice Côte d’Azur neuf destinations nationales.
« C’est un coût direct sur le pouvoir d’achat des Français car cela se répercute sur le prix des billets : une augmentation de plus de 7 euros de taxe sur un vol intérieur. (à l’intérieur du territoire), techniquement, c’est une augmentation de 10% sur le prix de nos billets. Cette augmentation empêchera essentiellement les ménages de la classe moyenne d’accéder au transport aérien.»
Impact sur l’attractivité économique du territoire
« Mais cela a aussi un impact sur l’attractivité de tout un territoire. compléter Bertrand Godinot: si les clients anglais ou néerlandais doivent payer plus cher leur billet d’avion depuis la France, ils seront obligés de choisir une autre destination européenne comme l’Espagne ou le Portugal. A terme, cela pourrait entraîner des suppressions de lignes en raison d’un manque de rentabilité, entraînant une baisse de l’attractivité de la zone et un risque de réduction de l’activité touristique qui affaiblirait le dynamisme de l’économie locale.
Idée fausse écologique
Outre les recettes fiscales supplémentaires qu’elle apporterait – l’année dernière, le TSBA a apporté 450 millions d’euros au budget national – cette augmentation vise indirectement un autre objectif : limiter la croissance du transport aérien afin de contenir les émissions de gaz à effet de serre.
Mais pour le directeur d’EasyJet France, ce serait « contreproductif ». « Aujourd’hui, il ne s’agit pas de ne plus voler, mais de voler mieux, avec des avions de nouvelle génération. A ce titre, EasyJet a réduit son intensité carbone de plus d’un tiers en 20 ans et souhaite poursuivre « Cette augmentation lui enlèvera les moyens d’investir dans de nouvelles technologies de décarbonation ».
D’autres contradictions existent pour le patron de cette entreprise : « C’est le risque de privilégier à la fois les vols long-courriers, pourtant émetteurs plus de CO, et les passagers en correspondance alors qu’un vol moyen ou long mais direct émet moins de CO que deux vols successifs.
« En prenant cette décision, l’Etat n’a réalisé aucune étude d’impact et ne se rend pas compte, depuis Paris, de l’impact de cette mesure sur un aéroport comme le nôtre », poursuit Franck Goldnadel. Le secteur aérien n’est pas opposé à la décarbonation, mais cette nouvelle taxe touchera tout le monde sans pour autant favoriser les investissements en ce sens. Pire, l’augmentation du TSBA aura aussi un impact économique sur tout un territoire par rapport aux autres pays européens qui n’ont pas fait ce choix. »
Selon eux, « Vingt des vingt-sept pays de l’Union européenne n’ont pas du tout de taxe nationale applicable au transport aérien. Et un pays comme la Suède vient d’y renoncer, car il a pris conscience de l’impact qu’elle avait sur son territoire. »