Difficile pour le gouvernement de s’orienter dans le débat budgétaire. Le projet de loi de finances 2025 (PLF) a été, vendredi, fortement augmenté ou supprimé des pans entiers, parfois même à l’initiative de sa propre majorité relative à l’Assemblée. Point culminant d’une journée riche en rebondissements sur cette partie « recettes » du PLF : les partisans du gouvernement ont voté avec le RN et les députés ciottistes la suppression de l’article sur la surtaxe temporaire sur les grandes entreprises.
Cette « contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises » était, en principe, destinée à compléter les 60 milliards d’économies que le gouvernement espère réaliser avec son budget 2025. Il devait être mis en place pour deux ans et rapporter huit milliards d’euros. en 2025 et quatre milliards en 2026.
Selon l’exécutif, elle devrait concerner environ 450 entreprises. Mais un amendement de gauche contre l’avis du gouvernement a brouillé les cartes. Il augmente le taux du prélèvement sur la première année, afin de le porter à 40 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre un milliard d’euros et moins de trois milliards d’euros et à 55 % pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à trois milliards. . D’emblée, Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a salué « une victoire idéologique de la gauche ».
Un coût supplémentaire de 13 milliards pour les entreprises
« Cet amendement va drainer nos entreprises de près de 13 milliards d’euros en plus de ce qui se fait. Aucune de ces entreprises ne resterait sur notre territoire », a dénoncé le ministre du Budget Laurent Saint-Martin après son adoption.
« Vous dites qu’il est insupportable de demander cet effort à des entreprises qui ont accumulé des milliards de bénéfices que vous avez exonérés d’impôts, je vous le dis, c’est irresponsable de demander aux salariés de ce pays deux années supplémentaires de leur vie pour travailler, » a répondu le président de la commission des Finances de LFI, Éric Coquerel.
De son côté, le socialiste Philippe Brun a dénoncé de « fausses allégations » sur la portée de l’amendement et a rejeté les accusations d’une mesure « confiscatoire », qui n’aurait été que « provisoire pour une seule année ».
« C’est plutôt une loi de finances mais une entreprise de démolition », a déclaré le député de droite républicaine (ex-LR) Philippe Juvin. Comme le reste de la coalition gouvernementale (EPR, Horizons, MoDem, DR), les députés du Rassemblement national et ceux du groupe UDR d’Eric Ciotti ont finalement voté pour rejeter l’article dans son intégralité, le retirant ainsi du texte.
Toutefois, la copie pourra encore évoluer lors de la navette parlementaire avec le Sénat ou via un 49.3.
Moins de crédits pour l’Europe
Encore des montagnes russes. Les députés ont fini par supprimer l’enveloppe de prélèvement de l’Etat dédiée à l’Union européenne (environ 23 milliards d’euros), après un coup de force réussi du RN. Le groupe de Marine Le Pen a obtenu un amendement réduisant ces crédits de 5 milliards d’euros.
Pris de court, le reste de l’Assemblée était divisé : la gauche et quelques centristes ont finalement fait rejeter l’article, tandis que les macronistes se sont majoritairement abstenus. Tout cela sur fond de polémique dans l’hémicycle, le RN accusant l’écologiste Sandrine Rousseau d’avoir levé le pouce. Elle a reconnu avoir « initié » le geste et présenté ses « excuses ».
L’augmentation du prix de l’électricité rejetée
Les oppositions ont également supprimé d’autres articles, comme celui prévoyant une réforme du tarif préférentiel pour l’accès à l’électricité nucléaire, a précisé Arenh, qui disparaîtra fin 2025. Avec une majorité confortable face à une quarantaine de députés soutenant le gouvernement. « Personne ne se sent respecté par le Premier ministre donc personne ne fait d’effort », constate un collaborateur parlementaire du groupe macroniste EPR. « C’est la perspective du 49.3 qui démotive les troupes », regrette un membre de la coalition.
En effet, avec 1.932 amendements encore au programme, et un examen qui doit théoriquement se terminer samedi soir avant un vote solennel prévu mardi, l’Assemblée semble se diriger vers une impasse calendaire. Le gouvernement pourrait utiliser le 49.3 pour l’adopter sans vote et réécrire le texte, mais aussi reporter la suite de l’examen à début novembre. Cela rapprocherait les débats d’une durée de 40 jours au terme de laquelle le texte irait directement au Sénat.
Il pourrait aussi tenter d’aller au vote, un rejet pourrait aussi permettre d’envoyer la copie initiale au Sénat. « Je veux que le débat continue », a encore déclaré vendredi Michel Barnier.
Quant à Emmanuel Macron, il s’est publiquement agacé à l’Élysée par les hausses d’impôts, et « qu’on résolve les problèmes de déficit public en revenant totalement à une politique macroéconomique cohérente », dans une pique au gouvernement et sur fond de dégradation de la situation française. perspectives de l’agence de notation Moody’s. Le gouvernement a également connu un revers sur son budget de la Sécurité sociale, rejeté à l’unanimité en commission, avant d’arriver à l’hémicycle lundi.