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« Brutus, Brutusses », le jardin dans la boue de Maxime Actis

« Brutus, Brutusses », le jardin dans la boue de Maxime Actis

C’est au R d’Éden que se retrouvent les Brutusses et les Brutus. Déplacés, réfugiés, en fuite ou simplement désireux « échapper à la pression des administrations ». Ils y arrivent, peuvent respirer. Ce nom, R d’Eden, est « Un mauvais jeu de mots, un plagiat tiré d’un souvenir grisant du propriétaire. L’emplacement d’origine s’appelait Domaine d’Eden « . Il s’agit d’une grande propriété qui était autrefois une aire de repos, où les automobilistes s’arrêtaient pour une pause déjeuner. Le propriétaire était l’un d’entre eux, mais il n’est jamais parti.

On ne sait pas comment il est devenu propriétaire des lieux, abandonnés suite à une catastrophe inconnue. Il maintient l’idée d’un accès gratuit. Il choisit un nom qui rappelle l’ancien : R d’Eden. « R pour racines », il a dit. Mais on pourrait aussi dire comme refuge, comme repos. Ou même aimer le dire.

C’est ce que font généralement les nouveaux venus, les Brutusses et les Brutus. On ne sait pas d’où vient ce nom, qui en latin signifie stupide, « c’est-à-dire personne et tout le monde, c’est-à-dire abîmé par le contact avec la réalité ». Individuellement, ils se nomment en attachant à Brutus ou Brutusse un mot qui peut désigner une chose, un état, voire un autre nom propre, un nombre ou rien du tout. On croise ainsi Brutus-Houe, Brutusse-Prestige, Brutus-Naomi, Brutusse-Abarr, Brutusse-17 ou encore Brutus-Gluc. Le propriétaire lui-même s’appelle Brutus-Dog, forme abrégée de Brutus-Dog sous la lune.

Un réalisme puissant qui contrecarre les effets étranges de la dystopie

Le roman est présenté sous la forme de 78 brefs chapitres décrivant le voyage vers R d’Eden et les conditions de vie qui y sont trouvées. Le climat s’est détérioré et la sécheresse a été remplacée par des pluies continues qui transforment tout en boue. Le roman de Maxime Actis met en avant un univers matériel bien présent, des corps qui le subissent et luttent. Un réalisme puissant qui s’oppose aux effets d’étrangeté de la dystopie qu’il propose.

Une étrangeté assez relative. L’auteur énumère explicitement les événements qui marquent les Brutus et les Brutusses. Les inondations de la Roya et des Hauts-de-France, les incendies de Grèce, de Gironde et des Landes, les passages, tentatives, routes migratoires du Briançonnais, d’Agadez, les camps de Thessalonique, de Calais, du Tchad, les soulèvements en Syrie, la fuite des Arméniens du Haut-Karabakh, la liste est longue, qui comprend la mort de Mahsa Amini, Hébron, Gaza, Rafah.

Tout raconté, revécu, passé par l’atelier d’écriture qui laisse, éclatant de clarté, cette évidence que nous sommes tous des Brutusses et des Brutus.

Brutus, Brutusde Maxime Actis, l’Ogre, 224 pages, 20 euros

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