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Bruno Retailleau proactif sur l’exécution des OQTF

A peine investi ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau a souligné sa volonté de faire respecter les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Invité au « journal de 20 heures » sur TF1, lundi 23 septembre, l’ancien patron des sénateurs républicains a annoncé qu’il allait « réunir les préfets des dix départements où il y a le plus de désordre migratoire pour leur demander d’expulser plus et de régulariser moins »Ce discours fait suite à une interview donnée à CNews et Europe 1 dans laquelle il a assuré vouloir « augmenter considérablement le taux d’exécution des OQTF » En France.

Depuis plusieurs années, les OQTF font partie intégrante du vocabulaire politique. Elles reviennent sur le devant de la scène avec la nomination de Bruno Retailleau à la place Beauvau. « C’est une sorte de châtaigne politique d’entrée au ministère de l’Intérieur », analyse Olivier Cahn, professeur de droit pénal à l’université de Cergy et chercheur au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (CESDIP). Brandie par la droite et l’extrême droite comme la solution pour enrayer la délinquance, l’exécution totale des OQTF est-elle vraiment envisageable ?

10% des OQTF exécutées

Héritée d’une loi de 2006, l’OQTF est une mesure administrative d’éloignement des étrangers. « Elle peut être délivrée pour diverses raisons, comme le rejet d’une demande d’asile, explique le chercheur. Mais ce qui semble particulièrement intéresser le nouveau ministre, ce sont les situations impliquant des étrangers ayant été condamnés pour un crime sur le sol français et donc susceptibles de constituer une menace pour l’ordre public. »

« C’est ignorer la dimension géopolitique de ce sujet qui nécessite d’avoir des laissez-passer consulaires », réagit une source de sécurité. En d’autres termes, « obtenir des autorités étrangères la reconnaissance de l’individu comme ressortissant et qu’elles acceptent de le reprendre »décrypte Olivier Cahn.

Avant Bruno Retailleau, son prédécesseur Gérald Darmanin avait déjà fait de l’exécution des OQTF un pilier de sa politique. En novembre 2022, il a demandé aux préfets « d’appliquer plus fermement les obligations de quitter le territoire français à tous les étrangers en situation irrégulière, et pas seulement aux étrangers délinquants »Mais malgré le volontarisme de Gérald Darmanin, le taux d’exécution des OQTF reste faible.

Début 2024, dans un rapport détaillé sur la « politique de lutte contre l’immigration clandestine »La Cour des comptes a estimé que seulement 10% des OQTF émises ont été exécutées. En 2022, 134 280 OQTF ont été émises mais seulement 11 406 personnes ont été expulsées. « Ce décalage entre le nombre de mesures d’éloignement prononcées et leur exécution effective démontre les difficultés de l’État à faire appliquer, même sous la contrainte, ses décisions particulièrement nombreuses »,a observé la Cour des comptes.

Une dépendance au contexte géopolitique

Ainsi, une annonce du nouveau ministre de l’Intérieur ne suffira pas à exécuter davantage d’OQTF. « La négociation des laissez-passer est essentielle sur ce sujet, poursuit la même source sécuritaire. Mais cela se fait dans l’ombre, il est contre-productif de s’exprimer. »

En agitant le torchon de l’OQTF, Bruno Retailleau risque par exemple de s’attirer les foudres des autorités algériennes. En 2023, 2 562 ressortissants algériens ont été expulsés, « grâce à une meilleure coopération avec les autorités algériennes »note dans son rapport annuel la Direction générale des étrangers en France, du ministère de l’Intérieur.

Cette coopération pourrait être freinée par le contexte géopolitique récent. Fin juillet, en soutenant le plan marocain pour le Sahara occidental, Emmanuel Macron a refroidi les relations avec son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune. « Pour satisfaire ses statistiques, le danger est que le nouveau ministre demande aux préfets de se concentrer sur des pays comme le Maroc avec lesquels on sait que des laissez-passer consulaires sont délivrés », souligne Olivier Cahn.

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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