La France parviendra-t-elle à sortir de l’impasse budgétaire ? Engluée dans le marasme des comptes publics et plombée par une dette de 110 % du PIB, la France est sous le feu des critiques. Entre les agences de notation, le Fonds monétaire international (FMI) et la Cour des comptes, les avertissements continuent de pleuvoir sur l’exécutif démissionnaire. Sur le départ, le ministre de l’Economie s’apprête à laisser les clés de son ministère après un septennat émaillé de crises.
Toujours à la barre du navire Bercy, Bruno Le Maire veut continuer à écrire ses livres et à enseigner. Attendu pour donner des conférences dans des universités européennes, l’ancien haut fonctionnaire ne s’est pas présenté aux élections législatives anticipées de juin dernier. En attendant la nomination d’un gouvernement, le ministre livre à La galerie ses traces pour tenter de résoudre le casse-tête budgétaire de l’Hexagone. La France va devoir engager des investissements considérables dans la transition écologique, la Défense et la Santé tout en redressant les comptes publics. De quoi donner des sueurs froides au prochain gouvernement.
Passer d’un État providence à un État protecteur
Jugée « préoccupante » par la Cour des comptes, la situation des finances publiques françaises risque de s’aggraver si Bercy refuse d’augmenter les impôts. Dans son programme économique, le Nouveau Front populaire prévoit notamment d’augmenter la fiscalité sur les grandes fortunes en créant un ISF climatique et de revoir le barème de l’impôt sur le revenu en le faisant passer de cinq à 14 tranches. Toujours attaché au totem de la baisse de la fiscalité, Bruno Le Maire propose de revoir complètement le modèle social français. « La France doit passer d’un État providence à un État protecteur. L’État doit protéger les plus faibles, « Mais il ne faut pas continuer à distribuer des chèques et des aides de manière aussi large. L’État doit se concentrer sur l’éducation, la décarbonation, la défense et la sécurité, et la réduction de la dette. Ce sont les priorités du XXIe siècle », a-t-il ajouté. il confie à La Tribune.
Mais cette proposition libérale risque de faire l’effet d’une bombe. Instaurée par les ordonnances de 1945, la Sécurité sociale, pilier de l’État-providence en France, met en place un système de protection collective pour les Français où le risque et la maladie sont détachés de l’individu. L’État-providence fonctionne sur une logique assurantielle inspirée du modèle bismarckien allemand. Son financement est assuré par un système de cotisations des employeurs et des salariés. Or, le modèle défendu par Bruno Le Maire repose sur une logique d’assistance aux plus vulnérables qui exclurait une partie des Français. Ce qui signifie que cette population devrait souscrire plus souvent à des systèmes d’assurance privés ou à des mutuelles pour se couvrir contre les risques et aléas. L’État reviendrait alors à ses missions plus régaliennes (Police, justice, défense) pour faire des économies.
Pouvoir d’achat : revoir les réductions de cotisations
L’autre piste mise sur la table par Bruno Le Maire concerne le pouvoir d’achat des Français. L’inflation a certes ralenti ces derniers mois en France (1,8 % en juin) mais la question de joindre les deux bouts pour de nombreux ménages reste d’actualité. En janvier dernier, le chef du gouvernement Gabriel Attal avait promis de s’attaquer à la « smicardisation » de la société. Le pourcentage de salariés au Smic a en effet atteint un niveau record (17,3 %) en 2023, selon la Dares.
Sur les bas salaires, la proposition du Nouveau Front populaire d’augmenter le salaire minimum à 1.600 euros net suscite depuis quelques semaines de vifs débats parmi les économistes. Dans les cercles dirigeants, les craintes se propagent rapidement. Le ministre démissionnaire de l’Economie fustige cette mesure portée par le camp de gauche. » Le débat politique est aujourd’hui déconnecté de la réalité » il critique. » Le débat ignore toute réalité économique et financière. Par exemple, sur le salaire minimum, Il y a des TPE, des PME, des indépendants et des artisans qui doivent payer leurs salariés. Si on leur demande de payer ces salariés 1 600 euros alors que la productivité baisse, ces entreprises vont licencier des salariés « , prévient l’ancien ministre de l’Agriculture sous Nicolas Sarkozy.
Pour les quinquagénaires, « La bonne solution pour augmenter le salaire net des salariés est de revoir complètement la pente des baisses de charges, de rétablir la dynamique salariale et de continuer à créer des emplois ». Là encore, remettre en cause les baisses de charges pourrait certainement réduire le coût du travail au risque de plomber les comptes de la sécurité sociale déjà dans le rouge. Missionnés par le Premier ministre Attal, les économistes Antoine Bozio (Institut de politiques publiques) et Etienne Wasmer (New York University) avaient également proposé dans un rapport intermédiaire de réduire la pente des baisses de cotisations qui pourraient « avoir un fort effet multiplicateur sur la formation professionnelle et permettre ainsi aux salariés de progresser jusqu’au niveau du salaire minimum ». Mais le rapport final, qui doit être remis à Matignon à l’été, pourrait être enterré tant l’incertitude politique est grande.