C’est un dénouement qui n’est pas vraiment inattendu mais qui devrait annoncer ce lundi à l’ouverture de la Bourse un signal fort aux investisseurs de la société Atos qui traverse de graves difficultés financières depuis un an. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a annoncé dimanche sur LCI avoir adressé au géant français de l’informatique « une lettre d’intention en vue d’acquérir l’ensemble des activités souveraines du groupe ». L’objectif du patron de Bercy est d’éviter que des activités stratégiques pour la France « ne passent entre les mains d’acteurs étrangers », a-t-il déclaré sur LCI.
« Je suis le dossier de très près. Pour quoi ? Parce qu’il y a chez Atos un certain nombre d’activités stratégiques pour la nation française, stratégiques pour notre souveraineté, stratégiques pour notre défense, en termes de cybersécurité, en termes de supercalculateurs, en termes de nucléaire », a expliqué Bruno Le Maire, estimant que « ces activités souveraines doivent rester sous le contrôle exclusif de la France ».
Atos, en pleine tourmente financière, possède notamment des supercalculateurs utilisés pour la dissuasion nucléaire et des contrats avec l’armée française. Les activités concernées par la lettre d’intention sont hébergées au sein de la filiale BDS d’Atos et couvrent notamment ces supercalculateurs, les serveurs participant à l’intelligence artificielle (IA) et à l’informatique quantique ou encore les produits de cybersécurité, a-t-on appris auprès du cabinet du ministre. Ce périmètre génère un chiffre d’affaires annuel d’environ 900 millions d’euros, sur un total de près de 11 milliards d’euros pour l’ensemble du groupe Atos, et regroupe 4.000 salariés, principalement basés en France, précise la même source. Contacté par l’AFP, Atos n’a pas souhaité réagir dimanche soir.
Dans ce dossier éminemment politique, l’État s’est déjà engagé à prêter 50 millions d’euros à l’entreprise pour l’aider à stabiliser sa situation financière et a acquis une « action préférentielle » qui lui permet d’opposer son veto à certaines opérations chez Bull, filiale d’Atos qui construit ses supercalculateurs.
Pour cette lettre d’intention, action qui n’a aucun caractère contraignant, c’est l’Agence des Participations de l’Etat qui mène l’opération sous l’autorité de Bruno Le Maire, a souligné ce dernier. Le ministre a cependant dit espérer que « l’État ne serait pas seul » et espérer rallier d’autres acteurs français pour cette opération. Sans donner leurs noms, il a expliqué qu’il pourrait s’agir d’entreprises opérant dans les domaines de la défense ou de l’aéronautique. Selon son bureau, des « discussions » sont en cours « depuis plusieurs semaines » avec un certain nombre d’industriels « qui auraient du sens au regard du développement de ces activités ».
Concrètement, alors que les marchés doutent du plan de redressement stratégique d’Atos, cette intervention de l’État vise à protéger les activités les plus stratégiques du géant de l’informatique. La lettre d’intention ouvre la possibilité d’une nationalisation complète de ces activités mais n’interdit pas la construction d’une solution française dans laquelle l’État serait minoritaire au sein du BDS, avec le soutien d’autres grands groupes notamment Thalès et Dassault. dans les activités militaires.
L’action Atos a chuté de près de 10% jeudi dernier après que le groupe a indiqué vouloir réajuster son plan d’affaires pour la période 2024-2027, ce qui pourrait entraîner un besoin accru de liquidités. Les revenus du groupe informatique ont chuté de 11% au premier trimestre. Cette situation a poussé Atos à reporter au 3 mai la date limite fixée à ses créanciers pour formuler des propositions de refinancement.