Bruno Le Maire alerte sur le risque d’un « naufrage économique et financier » pour la France
Dans une tribune du Figaro, celui qui est toujours ministre de l’Economie dresse le bilan de son passage à Bercy et alerte les Français sur l’obligation, selon lui, de redresser l’état des comptes publics après quatre années de crise.
Après sept ans à la tête de Bercy, Bruno Le Maire s’apprête à tourner la page. Au terme de son septennat marqué par des crises majeures (gilets jaunes, Covid, crise énergétique et inflation), celui qui est encore quelques jours ministre de l’Economie fait le point dans une tribune publiée par Le Figaro.
Il rappelle d’abord que lors de sa nomination, sa priorité avait été d’assainir les comptes publics en réduisant les dépenses.
« Ces mesures ont porté leurs fruits : la France est passée sous la barre des 3 % de déficit fin 2017, avant de sortir de la procédure de déficit excessif l’année suivante », rappelle-t-il. « Cela nous a donné des marges de manœuvre face à un avenir incertain. »
Le déficit public, qui a atteint 3,4 % du PIB en 2016, était en effet passé sous le seuil des critères de Maastricht en 2017 (2,6 % du PIB) avant de continuer à baisser en 2018 (2,5 %). Pour rappel, ce critère de 3 % est un seuil avancé pour la première fois par la France et plus particulièrement par les équipes de François Mitterrand en 1982 pour justifier le virage vers l’austérité, comme l’explique l’économiste Guy Abeille et ancien chargé de mission du ministère des Finances à l’Assemblée nationale. Tribune.
Un plafond qui a explosé depuis 2020 avec la crise sanitaire et le « quoi qu’il en coûte ». Une politique que Bruno Le Maire soutient pleinement.
« Le coût était élevé, mais il fallait épargner aux Français des conséquences économiques et sociales encore plus graves sur l’emploi, l’activité, la croissance et, in fine, sur les finances publiques », assure-t-il.
« Une spirale descendante »
En 2020, alors que l’activité économique a été mise à l’arrêt une bonne partie de l’année, le déficit public a culminé à un niveau record de 9,2 %. Cela a mécaniquement accru le niveau d’endettement de la France, qui a dû emprunter massivement sur les marchés pour financer le chômage partiel, les fonds de solidarité et autres prêts garantis par l’État. La dette publique des administrations publiques est ainsi passée de 98,1 % du PIB fin 2019 à 113,0 % fin 2021.
C’est aussi ce bilan sur la dette qui est mis en avant par les adversaires de Bruno Le Maire qui l’accusent d’être un mauvais gestionnaire.
« On nous annonce souvent un chiffre : mille milliards de dettes supplémentaires, un chiffre absurde, selon le locataire de Bercy. Ineptie financière : il faut rapporter la dette à la richesse nationale créée pendant la même période. Or, elle correspond en réalité à une augmentation de la dette de treize points de PIB entre 2017 et 2023, soit 350 milliards d’euros. Ineptie politique : quel aurait été l’état de notre dette si nous avions laissé mourir notre économie ? »
Maintenant que la page des crises est tournée, il est temps d’inverser la tendance des comptes publics. Alors que Bruno Le Maire avait inscrit sur sa feuille de route un objectif de 25 milliards d’euros d’économies sur l’année, les soubresauts politiques qui ont suivi la décision du chef de l’Etat le 9 juin compromettent sérieusement la trajectoire du redressement des comptes.
« Y a-t-il des alternatives à ce budget pour redresser les comptes publics ? Bien sûr. Il y a toujours des alternatives politiques, que seul le peuple décide, reconnaît le ministre. La première serait une augmentation massive des impôts. Une autre alternative serait de laisser courir les déficits et la dette. Je veux être tout aussi clair : les marchés ne laisseront pas faire. Cela entraînerait immédiatement la spirale infernale de l’explosion des taux d’intérêt, de l’incapacité à financer notre dette et de l’explosion du coût du crédit pour les ménages comme pour les entreprises. Ce serait tout simplement un désastre économique et financier pour la France. »
Une procédure disciplinaire pour déficit excessif devrait être officiellement ouverte le 16 juillet par la Commission européenne contre la France. Le pays aura ensuite jusqu’au 20 septembre pour présenter un plan budgétaire et structurel national à moyen terme afin de préciser sa trajectoire de dépenses publiques sur une période de quatre ans. Quel ministre sera aux commandes ? Quel plan sera présenté ? Le pays a deux mois pour répondre à ces questions.