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Boudée par l’Occident, la Russie compte sur ses réacteurs nucléaires pour asseoir son influence au Sud

Au sud du globe, la Russie noue des partenariats nucléaires stratégiques : des liens qui, à terme, pèsent comme des chaînes pour les pays en développement.

C’est un fait : la guerre déclenchée par Vladimir Poutine en Ukraine a fragilisé durablement les relations commerciales et industrielles entre la Fédération de Russie et l’Occident. En quelques années seulement, la part du gaz russe dans les importations de l’Union européenne est passée de 40 % à environ 15 % (gaz naturel et gaz naturel liquéfié confondus), rappelions-nous récemment. L’explosion sur Flux Nordet la fin imminente d’un contrat de fourniture de gaz à l’Europe via l’Ukraine et le gazoduc fraternité contribuent également à larguer, de gré ou de force, les amarres européennes vers la Russie.

Deuxième aubaine de Moscou, le pétrole qui regorge dans son sous-sol, n’est pas épargné par les sanctions européennes, et ne peut guère circuler directement vers l’Occident que dans les navires vétustes de la flotte noire russe, ou pour des prix inférieurs à 60 dollars le baril de brut. . Vladimir Poutine se tourne vers l’Est, mais les prix réalisables sont bien inférieurs à ses attentes, et le gazoduc qui doit relier la Russie à la Chine, Puissance de Sibérie 2, oblige Moscou à faire de nombreuses concessions sur son précieux gaz.

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Russie : sur la route du gaz, de la Caspienne à la mer Noire

Les installations nucléaires russes à profusion

Moscou mise donc sur des secteurs moins contraints par les sanctions occidentales : le GNL, importé par bateau et soumis seulement depuis le 24 juin à une sanction européenne modérée, et le nucléaire, emmené par son fleuron national, Rosatom. Dans cette dernière branche, la Russie a de belles cartes à jouer : en 2023, le pays était le premier producteur mondial d’uranium enrichi – un métal essentiel aux réacteurs nucléaires – avec 43% de la production mondiale en 2023, selon l’AFP. En 2023, les importations russes par la France représentaient encore l’équivalent d’un peu moins d’un tiers de la quantité d’uranium enrichi nécessaire au fonctionnement de ses 56 réacteurs, selon Mediapart.

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Mais l’étau se resserre : peu après le début de la guerre, Rosatom a perdu l’un de ses contrats en Europe, sur la centrale de Hanhikivi en Finlande, dont la construction devait débuter en 2023. En mai 2024, les États-Unis ont décidé d’interdire de l’uranium russe enrichi, expliquions-nous début juin, un embargo courageux, quand on sait que Washington importait encore 24% de son uranium de Russie en 2022.

Le chemin vers l’Ouest étant semé d’embûches, Moscou disperse ses réacteurs nucléaires au Sud. Ainsi, analyse le Financial Times, Rosatom a joué un rôle clé dans les efforts russes pour courtiser le « grand Sud » : l’entreprise a signé près d’une vingtaine de mémorandums d’accord sur la construction de réacteurs et de centrales avec des pays d’Afrique et d’Amérique latine, dont le Zimbabwe, le Mali, le Burkina Faso et le Brésil.

Le géant nucléaire public russe construit les premières centrales nucléaires du Bangladesh et de la Turquie. Il y a quelques mois, Moscou et l’Ouzbékistan ont signé un accord pour construire un petit réacteur modulaire d’une capacité de 330 MW – une première pour Rosatom, qui introduit la prochaine génération de technologies nucléaires hors de Russie. Malgré les sanctions, la Fédération reste un exportateur inégalé de centrales nucléaires, résume le Financial Times. Pour cause : il participe à plus d’un tiers des nouveaux réacteurs actuellement construits dans le monde.

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Réacteurs « chevaux de Troie »

En partenaire appliqué et impliqué, Moscou soigne ses alliances. Au cours des deux dernières années, le directeur général de Rosatom, Alexeï Likhachev, s’est rendu dans les pays « hôtes » des installations nucléaires russes presque autant de fois que pendant toute la période allant de sa nomination en 2016 à 2022.

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Pour Vladimir Poutine, qui a usurpé aux dirigeants soviétiques les discours sur « l’approche coloniale » des États-Unis, de l’Union européenne et de leurs alliés « impériaux », le parc nucléaire de Rosatom n’est rien de moins qu’un autre levier d’influence, qui permet à la Russie de fermement ancrée au Sud et aux pays en développement. « Il s’agit d’une relation sans fin dans laquelle ils (les pays acceptant les établissements Rosatom) s’engagent »Ali Riaz, politologue et spécialiste du Bangladesh à l’Université d’État de l’Illinois, a déclaré au Financial Times.

Ainsi, la construction d’une centrale nucléaire prend environ 10 ans, avec une durée de vie du réacteur de 60 ans pour les centrales les plus récentes. Les préparatifs du déclassement, y compris l’élimination des pièces radioactives, prendront encore 10 à 20 ans, a déclaré aux médias britanniques Vladimir Slivyak, coprésident du groupe environnemental russe Ecodefense, qui étudie le secteur de l’énergie nucléaire du pays depuis des décennies.

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« La présence russe représente un engagement à très long terme pour un pays. Il ne s’agit pas seulement de la construction elle-même. Il s’agit de l’ensemble de l’écosystème. », ajoute Darya Dolzikova, chercheuse sur le programme de politique nucléaire au Royal United Services Institute, le groupe de réflexion sur les études de défense et de sécurité basé à Londres. Rosatom est en mesure de proposer un financement à 90 % des projets nucléaires, avec des remboursements étalés sur plusieurs décennies à des taux d’intérêt minimes.

La manne étrangère de Rosatom a de beaux jours devant elle : en 2023, Rosatom a gagné 16,2 milliards de dollars grâce à ces projets, contre 11,8 milliards de dollars en 2022, rappelle le Financial Times. D’ici 2030, le chiffre d’affaires total de Rosatom devrait atteindre plus de 56 milliards de dollars. Compte tenu des difficultés qu’éprouve encore l’Europe à se libérer de sa dépendance au gaz russe, le voyage du « grand Sud » pour se débarrasser du nucléaire russe nous projette dans un avenir assez lointain.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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