« C’est très injuste » : la loi sur la mobilisation des soldats ukrainiens suscite une nouvelle controverse
Un texte controversé. Les députés ukrainiens ont entamé mercredi la deuxième lecture du projet de loi controversé sur la mobilisation, suscitant un nouveau tollé face à un changement d’avis sur le retour des soldats qui combattent depuis longtemps.
L’enrôlement de nouvelles personnes suscite le débat en Ukraine depuis plus d’un an, alors que l’armée manque d’effectifs et de munitions face aux forces russes offensives sur plusieurs fronts. Un projet de loi visant à faciliter le recrutement a été adopté par le Parlement ukrainien en première lecture en février après l’échec d’une première version préparée par le gouvernement l’année dernière, mais cette deuxième version a depuis été également fortement amendée.
Selon plusieurs députés, l’une des clauses clés de ce texte a notamment été supprimée : la démobilisation des soldats combattant depuis plus de 36 mois, une mesure pourtant très attendue dans un pays épuisé par plus de deux ans d’invasion russe. . . « Suite à un appel du chef de l’armée et du ministre de la Défense (…), la clause de libération du service militaire après 36 mois a été retirée », a expliqué Iryna Friz, membre de la commission de la Défense du Parlement. Plusieurs incitations financières destinées aux soldats ont également été supprimées, a-t-elle indiqué.
Mobilisation des condamnés
Au lieu de cela, le gouvernement sera chargé d’élaborer un autre projet de loi visant à « améliorer les mécanismes de rotation du personnel militaire ». Les députés ont également voté mercredi en première lecture un projet de loi permettant de mobiliser les détenus. « Il faut donner aux condamnés la possibilité de se battre », s’est défendu sur Telegram le co-auteur du texte, Oleksiï Goncharenko, tout en promettant que les condamnés pour meurtre ou viol ne seraient pas enrôlés.
La décision de supprimer la clause de démobilisation a immédiatement suscité une controverse, d’autant plus que le système d’enrôlement actuel est considéré par de nombreux Ukrainiens comme injuste, inefficace et souvent corrompu. Serguiï Gnezdilov, un militant des droits civiques actuellement dans l’armée, a dénoncé sur Facebook un « retournement cruel » qui a pris les militaires par surprise.
Yuri Goudymenko, militaire et homme politique, a pour sa part souligné que le projet de loi ne prévoyait désormais « ni de sanctions sérieuses pour les fraudeurs, ni d’avantages sérieux pour les nouveaux mobilisés ». « Cela n’aura donc pas le résultat escompté, à savoir un afflux de nouveaux combattants », a-t-il déclaré sur Facebook.
Pour le porte-parole du ministère de la Défense, Dmytro Lazoutkine, qui a reconnu que les troupes étaient « épuisées », une telle décision était rendue nécessaire par « l’impossibilité d’affaiblir les forces de défense » à un moment où « l’offensive (russe) se poursuit littéralement ». sur tous les fronts. » Selon lui, le gouvernement doit présenter d’ici huit mois un nouveau projet de loi sur les rotations dans l’armée.
» Très fatigué «
Les militaires interrogés par l’AFP se sont dits « choqués ». » C’est un désastre. C’est tout simplement brutal. Qu’est-ce qu’ils ont en tête ? « , a réagi Oleksandr, 46 ans, qui sert dans la région orientale de Donetsk. » Une personne qui sait quand elle sera libérée aura une attitude différente envers le service. Si nous sommes comme des esclaves, alors… cela ne mènera à rien de bon », a-t-il prédit.
Iévguén, parachutiste de 39 ans également basé dans cette région, est dans l’armée depuis un an et demi. Il n’a pas vu sa femme partie à l’étranger depuis deux ans et n’a eu que 10 jours de congé l’année dernière, qu’il a consacrés à se faire soigner. « Ces militaires qui se battent depuis longtemps (…). Ils sont très fatigués», constate-t-il. « 99 % des hommes veulent se reposer, faire une pause, vivre une vie normale. Vivre à la maison », dit-il.
Se disant « scandalisé », Iévguén explique que « de nombreux » militaires sont confrontés au divorce parce qu’ils ne peuvent pas voir leurs femmes. « Il y a des militaires qui ne sont pas rentrés chez eux depuis un an. C’est très injuste», dit-il.
Début avril, le président Volodymyr Zelensky avait déjà approuvé l’abaissement de 27 à 25 ans de l’âge de mobilisation pour élargir le vivier de recrues potentielles. Il avait affirmé en décembre 2023 que l’armée avait proposé d’enrôler jusqu’à 500 000 personnes supplémentaires, un chiffre revu depuis à la baisse par le nouveau commandant en chef de l’armée, Oleksandr Syrsky.
