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bilan d’une Palme d’Or magique

CENDRILLON-ANI

Magique et tragique, drôle et émouvant, fantastique et réaliste… c’est un peu le Sean Baker en vérité, cette capacité à passer du rire aux larmes à travers les parcours de ses personnages. Dans mandarines, il fait face à une série de situations grotesques au cœur d’un environnement particulièrement difficile. Dans Le projet Florideil nous faisait sourire autant avec sa petite fille espiègle que lui, autant que nous étions émus par sa condition sociale. Dans Fusée rougeil suivait les folles aventures d’un ancien acteur porno tout en offrant une puissante satire de la toxicité masculine.

Avec Anorail continue donc habilement à jouer les trouble-fête. Et Anora commence comme une fête. Son héroïne Ani est strip-teaseuse dans un club de Brooklyn, passe ses nuits à séduire les clients et vit sans paillettes avec sa sœur dans un petit appartement de Brighton Beach.

« Troène krasavchik ! » »

Pour cette jeune Américaine d’origine ouzbèke, la vie de rêve est loin… jusqu’au soir où elle prend en charge le fils d’un oligarque russe prêt à dépenser sans compter pour ses beaux yeux (et pas seulement). Le travail acharné dans son club de strip-tease a-t-il enfin porté ses fruits ? Ani semble en être convaincue.

Quitter sa vie de strip-teaseuse en acceptant d’être exclusive avec Ivan (contre paiement évidemment), elle touche au rêve américain tant attendu dans cette villa de luxe. Un aller-retour à Vegas plus tard et les voilà, mari et femme, pour le meilleur et pour le pire…. ou plutôt pour le pire et seulement pour le pire.

Ce qui se passe à Las Vegas ne reste pas à Las Vegas

Le projet Nevada

A l’image de sa filmographie, Sean Baker continue de déconstruire le rêve américain avec son Anora et son histoire d’amour cache des desseins bien plus tristes et plus sombres. L’énergie joyeuse et positive des débuts deAnora prend une forme beaucoup plus ironique au fur et à mesure que l’histoire avance. Alors que le Prince Charmant s’était frayé un chemin jusqu’à elle, c’est elle qui devra finalement le retrouver, sous la contrainte, dans une course-poursuite effrénée à travers New York, des discothèques de Manhattan jusqu’aux planches de Coney Island.

Avec une fluidité fascinante, Anora puis jongle entre la comédie noire à la Coen (cette longue séquence où les gorilles russes arrivent à la villa, ce petit « noo » discret et hilarant en plein baptême…) et le thriller plus tendu à la Safdie (la longue quête nocturne, le crescendo de la tension), le tout énormément influencé par une sorte de montée et de descente très scorsésienne.

Mark Eydelshteyn et Mikey Madison dans Anora
Un coup de poker

A 2h18, le défi aurait vite pu se solder par un échec. Sauf qu’avec une mise en scène ultra rythmée et une utilisation savoureuse de la musique, Sean Baker parvient au contraire à dynamiter sans cesse son histoire avec des punchlines hilarantes (dont un savoureux pied de nez à l’encontre de la mère russe), des séquences grisantes (une bagarre, une petite crise de colère) et des événements impromptus (ce vomi). Une extravagance revigorante dans laquelle Sean Baker n’oublie pas d’injecter une vraie profondeur.

Il raconte la façon horrible dont les élites jouent avec le petit peuple et les dynamiques de pouvoir inhérentes aux classes sociales, explore la naïveté des jeunes générations et le manque de responsabilité des fils de riches (et du milieu aristo en général) . ) croyant que tout est permis, Anora met le doigt sur la tête sans jamais marteler ses intentions. Tout ce qui fait le cinéma américain, l’humour et la folie cachant toujours une réalité douce-amère, prend dans Anora.

Adieu classe moyenne, bonjour élite aristocratique

reine A

Sa mélancolie progressive est accablante et jusqu’à ses dernières secondes, Anora arrache le coeur notamment grâce à l’interprétation du génial Mikey Madison. Bien sûr, le casting est absolument parfait de bout en bout entre le délirant Mark Eydelshteyn, le bras droit Karren Karagulian ou encore le déchiré Yura Borisov – incontestablement l’un des meilleurs acteurs de notre génération, déjà redoutable dans Le capitaine Volkonogov s’est échappé Et Compartiment n°6.

Cela dit, en accord logique avec le titre, c’est avant tout Mikey Madison qui donne corps à Anora et c’est son âme. Les amoureux de De meilleures choses Elle ne sera pas surprise par l’étendue de son talent, mais chez Sean Baker, l’actrice déploie une palette de jeux inédite dans sa jeune carrière.

Ani (joué par Mikey Madison) dansant dans un club
Une étoile est née

Plus encore, on l’entend surtout pour de bon à Hollywood, un peu comme si ses cris mémorables dans les climax de Il était une fois… à Hollywood Et Crier la version 2022 avait enfin été entendue. Dans Anora, » crie également l’actrice dans une scène mémorable où son personnage finit bâillonné et ses soufflets réduits au silence. Sauf que cette fois, contrairement à ses personnages de Tarantino et Crier (plus ou moins tués après leurs cris), cela n’empêchera pas la jeune femme de hausser le ton.

Non seulement Ani devient le symbole de l’insoumission féministe (au cœur d’un système qui muse encore trop les femmes) et dans la continuité, Mikey Madison devient le visage d’une génération en quête de considérationdésireuse d’être reconnue à sa juste valeur ou à la hauteur de son talent. Et elle le fait avec une telle puissance qu’après le Rêve cannois (où elle aurait pleinement mérité un prix d’interprétation si le film n’avait pas remporté la Palme d’Or), elle pourrait bien vivre son propre rêve américain. , lors des prochains Oscars.

Anora France Poster

Cammile Bussière

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