BFM INFOS AFFAIRES. Back Market accuse Cdiscount de fraude à la TVA de 500 millions d’euros
Le site de smartphones reconditionnés dénonce les pratiques illégales des vendeurs chez son rival auprès du fisc. La guerre fait rage entre les deux plateformes de e-commerce.
Certains vivent au cœur de Paris, place Vendôme, entre hôtels de luxe, bijoutiers et… le ministère de la Justice. Comme un pied de nez aux autorités françaises. D’autres préfèrent les pays périphériques d’Europe : Chypre, Pologne ou Estonie. Derrière ces sociétés écrans ou simples boîtes aux lettres se cachent des vendeurs d’iPhone reconditionnés qui inondent les plateformes de e-commerce.
Sauf que ces derniers mois, le spécialiste du Back Market subit la concurrence de Cdiscount, qu’il juge « déloyale ». En début d’année, l’entreprise a mis son rival en demeure de « se conformer à la réglementation TVA ». A défaut d’avoir été entendue, elle a adressé fin octobre un courrier à la Direction générale des finances publiques (DGFIP) pour dénoncer ces agissements.
Dans ce courrier obtenu par BFM Business, Back Market « soupçonne que les smartphones reconditionnés proposés par la société Cdiscount sont le résultat d’une fraude à la TVA ». Elle estime que cela génère un manque à gagner de 500 millions d’euros pour les finances publiques.
Pas de TVA pour des prix inférieurs
L’entreprise a passé plusieurs mois à espionner le site de son concurrent pour trouver des vendeurs illégaux. Ils sont implantés en Europe au travers de sociétés écrans ou de sociétés de domiciliation. Les vendeurs se déclarent européens auprès des plateformes de e-commerce, qui n’ont donc aucune obligation de percevoir la TVA auprès d’eux. Mais de leur côté, ils ne le paient évidemment pas. « Le non-paiement de la TVA permet à ces vendeurs d’afficher des prix plus bas », explique Laurent Lamoureux, président du syndicat interprofessionnel du reconditionnement du matériel informatique et télécom (Sirrmiet). Les prix des iPhone les plus vendus sont 20 à 30 % moins chers que sur Amazon, la Fnac ou Back Market.
Ces vendeurs profitent d’un vide juridique. La loi oblige les plateformes à facturer la TVA à celles basées en dehors de l’Union européenne. En revanche, ceux qui sont domiciliés en Europe sont tenus de le verser directement au fisc lorsqu’ils vendent en France. Cette réglementation ouvre la voie à la fraude. Contactée, la DGFIP ne nous a pas répondu et Back Market n’a pas souhaité faire de commentaires au-delà du contenu de sa missive.
« La politique de Cdiscount en matière de perception de la TVA est en totale conformité avec la réglementation en vigueur, défend un porte-parole de la plateforme. En cas de suspicion de fraude à la TVA, nous demandons au vendeur concerné de justifier de sa conformité fiscale, à défaut de quoi, nous facturerons automatiquement la TVA sur ses ventes.
Les ventes Cdiscount augmentent
Tout le problème est là, Back Market reproche à Cdiscount de ne pas vérifier si le vendeur est bien européen. En début d’année, le fisc a rappelé à l’ordre tous les acteurs du e-commerce pour leur demander de renforcer leurs contrôles. Amazon, Fnac et Back Market ont « fait le ménage », explique un bon connaisseur en la matière. Le site téléphonique reconditionné demande désormais des justificatifs : factures, déclarations Urssaf ou baux de leurs bureaux. Il a « expulsé » plusieurs vendeurs qui se retrouvent aujourd’hui en partie chez Cdiscount, ce que dément le site de e-commerce.
« Un dirigeant généraliste français joue avec les lignes et devra finalement respecter les règles, reconnaît Laurent Lamoureux. La profession se bat pour que les marketplaces collectent la TVA auprès de tous les vendeurs quelle que soit leur nationalité ». Cdiscount assure également être « favorable à ce système ».
Ces derniers mois, Back Market a perdu 10% de part de marché en France… que Cdiscount semble avoir récupérée. La filiale Casino a enregistré une étonnante hausse de 8% de son chiffre d’affaires au troisième trimestre pour ses activités marketplaces. Ils ont baissé de 4% au premier trimestre et de 2% au deuxième. Le marché des smartphones reconditionnés est en pleine croissance. Trois à quatre millions sont officiellement vendus chaque année en France. Le marché parallèle pèserait entre 25% et 30% et l’Etat serait le grand perdant.