Bercy menace de mettre son veto à la cession de Biogaran (Servier) à un industriel indien
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Bercy menace de mettre son veto à la cession de Biogaran (Servier) à un industriel indien

Bercy menace de mettre son veto à la cession de Biogaran (Servier) à un industriel indien

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L’éventuelle cession sous propriété étrangère du leader français des médicaments génériques inquiète.

La vente pourrait perturber la production de médicaments en France. Biogaran, leader français de la production de génériques, risque de passer aux mains d’acheteurs indiens. Le laboratoire, qui produit 32% des génériques en France, a été mis en vente l’an dernier par la maison mère Servier. Malgré un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros en 2023, l’entreprise se retrouve désormais en difficulté. Quatre candidats seraient en lice pour son rachat, dont deux producteurs indiens de médicaments génériques : Torrent Pharmaceuticals et Aurobindo Pharma. L’Inde est considérée comme « la pharmacie du monde » avec près de 45% des médicaments, notamment génériques, fabriqués dans le pays. Face à ces acteurs indiens se trouvent deux fonds d’investissement européens, dont BC Partners et un fonds en tandem avec un industriel français.

Pour Frédéric Bizard, président de l’Institut de la santé, cette configuration était « prévisible puisque la maison mère avait annoncé vouloir céder sa filiale pour investir notamment en oncologie ou en tout cas dans des spécialités innovantes ». Servier assume ces projets et précise que, « comme dans toute entreprise, des revues stratégiques sont régulières pour maximiser le potentiel de nos activités ». Le groupe affirme « qu’aucune décision n’a été prise concernant Biogaran ».

Cette potentielle reprise par des producteurs étrangers pourrait mettre à mal la souveraineté de la France car « Le Biogaran, c’est environ un médicament sur six consommé par les Français »note Frédéric Bizard. « C’est un enjeu stratégique pour la question de son empreinte industrielle, puisque ce groupe emploie une quarantaine de producteurs en France. Elle a donc une empreinte industrielle indirecte puisqu’elle ne dispose pas d’usine mais emploie des sous-traitants..

« Une arme » pour s’opposer à la vente

Du côté du gouvernement, nous sommes conscients que cette question est hautement inflammable. La classe politique s’est rapidement emparée du sujet, à l’image de Xavier Bertrand, président LR du conseil régional des Hauts-de-France, qui a demandé « Au pouvoir de l’exécutif de s’opposer à cette vente. » « Ils ont les moyens », assure l’élu, « il y a des emplois à avoir ». Biogaran représente en effet 240 emplois directs et plus de 8 000 emplois indirects chez ses sous-traitants. Un appel qui semble avoir été entendu ce mercredi après-midi par le ministre de l’Industrie, Roland Lescure, qui assure « avoir une arme ». « Nous avons en France une procédure d’investissements étrangers que nous pouvons mobiliser. Nous pouvons poser des conditions à ces occasions, voire les refuser. »souligne le ministre.

Concrètement, cette procédure permettrait « d’imposer des conditions nécessaires et proportionnées pour garantir des éléments : à la fois l’empreinte industrielle (que les acteurs restent sur le territoire national) et la souveraineté sanitaire de la France (la commercialisation des médicaments sur le marché français) »détaille le cabinet du ministre. « Nous examinerons les dossiers de très près comme nous le faisons pour tous les dossiers de rachat dans des secteurs stratégiques, évidemment le secteur pharmaceutique en fait partie », indique Roland Lescure. Son discours coïncide avec celui du président Emmanuel Macron, qui rappelait en juin dernier que « l’objectif » était de « produire en France les médicaments indispensables à nos vies ».

Malgré la possibilité de cette procédure, cette situation est toujours jugée « cauchemardesque » par Frédéric Bizard sur France Info. « Tout cela est lié à la crise du système de santé où il n’y a pas de pilote dans l’avion, nous n’avons pas de stratégie nationale de santé. Nous n’avons pas de composante stratégique dans l’industrie pharmaceutique”fait-il remarquer. « Nous n’avons pas de visibilité à long terme, une bureaucratie qui retarde l’accès au marché et enfin une réglementation comptable où l’on ne régule les prix qu’en fonction des économies que l’on veut générer, sans se soucier de la viabilité économique de certains produits. Il n’y a pas besoin d’être économiste pour comprendre que nous n’attirons pas beaucoup de monde. ». Deux solutions à long terme s’offrent désormais à l’État, explique Frédéric Bizard : « Soit la France nationalise son industrie pharmaceutique et dit : « je ne regarde pas mon prix de revient parce que c’est une production publique », mais évidemment, on en est très loin et nous sommes incapables de la mettre en place. Soit vous acceptez l’économie de marché qui a besoin de générer des profits et vous avez des prix qui le sont. Pour le spécialiste, le risque est d’être « balayés de la production pharmaceutique dans les dix prochaines années si nous ne nous réveillons pas ».

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