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Batteries : comment Bolloré s’apprête à remporter un pari vieux de 25 ans

De grands cubes gris aluminium reflètent le ciel changeant de la zone industrielle de Quimper. A l’intérieur de ces bâtiments, aucune réception téléphonique et l’humidité est inexistante. Ce qui y est produit doit être protégé de tout, des éléments électromagnétiques, des intempéries bretonnes et des regards des curieux.

C’est ici que Blue Solutions, filiale de haute technologie du groupe Bolloré, prépare les batteries de demain pour les voitures électriques, dites batteries solides. Depuis un quart de siècle, il y investit à perte, ou presque. Le grand public connaît l’échec des Bluecars (Autolib) et a également pu voir deux bus électriques de la RATP brûler dans les rues de Paris en 2022.

Quelques semaines avant le lancement d’Autolib, en 2011, Vincent Bolloré expliquait la situation aux « Echos » : « Si ça marche, nous serons riches. Et si cela ne marche pas, nous serons riches aussi, car nous cesserons d’investir 200 millions d’euros par an.»

Le retour

Malgré l’échec de la Bluecar, le groupe breton, têtu et pugnace, n’a pas lâché son sujet. Elle a sécurisé ses processus et embauché des professionnels expérimentés de l’industrie automobile. Vendredi, la visite du ministre de l’Economie Bruno Le Maire et du PDG du groupe familial, Cyrille Bolloré, dans les locaux de Blue Solutions à Quimper, marque le grand retour du groupe sur le devant de la scène des batteries.

Après des années de R&D, Blue Solutions a confirmé lors de cette visite son projet d’usine de batteries de 2,2 milliards d’euros à Mulhouse, révélé par « Les Echos » le 30 avril. Celle-ci sera l’une des premières au monde à fabriquer des batteries dites « solides ». sur une grande Scale. Le nouveau Saint Graal que recherchent l’industrie automobile et les géants des batteries.

Cette technologie permettra d’atteindre 1 000 kilomètres d’autonomie, sera rechargeable en moins de 20 minutes et garantie plus sûre que les technologies liquides « lithium-ion » actuelles.

« Ce sont autant d’avancées concrètes pour les consommateurs, notamment les particuliers, donc de nombreux avantages par rapport à nos concurrents et des barrières levées à l’achat de véhicules électriques », s’est enthousiasmé Bruno Le Maire à Quimper.

30 ans de R&D

Le groupe Bolloré récolte les fruits de son entêtement. Lui qui, historiquement, produisait du papier carbone, du papier Bible et du papier à cigarette (OCB), a raté le tournant du photocopieur dans les années 1970. Il a cependant pu s’intéresser un peu plus tard au papier pour condensateurs d’énergie, que l’on retrouvait dans les flashs des appareils photo ou dans les réfrigérateurs.

« En travaillant sur les condensateurs, nous avons commencé il y a 25 ans à investir dans des stockages de plus grande capacité, les batteries », précise Cyrille Bolloré. Avec une technologie, le lithium métal, à contre-courant du lithium-ion que l’on retrouve désormais partout. » Pour quoi faire ? Parce que le lithium métal est produit en film très fin, spécialité du groupe depuis qu’il fabrique du papier.

Alors que tout le monde se tourne désormais vers les solides, Bolloré espère pouvoir récolter les fruits de 30 ans de R&D.

« Depuis les premières voitures électriques, l’industrie est parvenue à multiplier par 3 à 4 la densité des batteries lithium-ion », explique Richard Bouveret, directeur général de Blue Solutions, aux « Echos ». Mais nous avons atteint une asymptote. Il faut autre chose : des batteries « solides », qui permettent d’augmenter de 40 % la densité de l’énergie stockée. »

Technologie spéciale

Ce sont ses avancées technologiques récentes qui font que le groupe Bolloré sort de sa discrétion quant aux travaux menés dans ses centres de recherche. Il faut pénétrer au cœur de la conception des batteries à semi-conducteurs du groupe pour comprendre l’avance qu’il a pris sur la concurrence en persistant pendant trois décennies sur sa technologie si particulière.

Une batterie de voiture est constituée de la même manière qu’une batterie A3 : d’un côté un pôle positif (la cathode), et de l’autre un pôle négatif (l’anode). Entre les deux, une interface qui laisse passer les électrons afin de produire du courant. Cette interface est désormais liquide. Celui conçu par Blue solutions est solide, constitué d’un film polymère ultra fin.

Jusqu’à récemment, ce polymère ne laissait passer les électrons qu’à une température de 80 degrés. C’est acceptable pour un bus, mais trop pour une voiture. Depuis près de deux ans, Blue solutions teste un polymère fonctionnant à température ambiante.

« Il faut désormais passer à une production en grande série », explique Sriram Ramanoudjame, directeur de la stratégie marketing chez Blue Solutions.

Deuxième avancée, une anode lithium métal d’épaisseur infinitésimale. Blue Solutions a réussi à réduire de moitié son épaisseur par rapport aux batteries qu’elle produit pour ses bus, la portant à 20 microns. Quatre fois plus fin qu’un cheveu. C’est là que réside l’avance décisive de Blue Solutions sur la concurrence.

Le défi du micron

« Pourquoi ne fabriquons-nous pas de batteries à semi-conducteurs aujourd’hui ? Richard Bouveret fait semblant de s’interroger. Car il faut pouvoir produire industriellement des films polymères ultrafins, avec une marge d’erreur de plus ou moins 1 micron. Car il faut aussi savoir produire du lithium métal quatre fois plus fin qu’un cheveu, soit 20 microns. Le tout à grande vitesse. »

Sur les trois dernières décennies, la filiale du groupe Bolloré est l’une des seules au monde à avoir industrialisé la production de films 40 microns. Lorsqu’il aura validé une production à 20 microns d’épaisseur, il compte vendre ses bobines de lithium métal de 40 kilomètres de long à ses concurrents d’ici 2030. Les autres acteurs ne sont capables de produire que des films de 100 mètres.

Proposer ce produit aux concurrents pourrait leur faire gagner dix ans de développement et faciliter le développement du secteur des batteries à semi-conducteurs, espère Blue Solutions.

« Nous avons observé que le lithium métal se retrouve dans tous les business plans des autres acteurs des batteries, que ce soit SK ou BYD », note Richard Bouveret. C’est un matériau technologique à très haute valeur ajoutée. »

« Délai de mise sur le marché »

Pour le groupe Bolloré, produire en série ses batteries à l’état solide, voire certains de ses composants, est une condition sine qua non pour parvenir à l’équilibre économique de cette activité qu’il recherche depuis des années.

« Si nous ne fabriquons pas de batteries solides pour les particuliers et que nous restons sur le seul marché des transports en commun, nous ne serons pas compétitifs », explique Cyrille Bolloré aux « Echos ».

La demande doit aussi être là. Les groupes automobiles ne prévoient pas de modèles à batterie solide avant la fin de la décennie. Cela ne sert à rien d’avoir raison trop tôt. Une leçon tirée par le groupe de l’échec de la Bluecar.

Pour être sûr de développer un produit qui répondra aux attentes des industriels d’ici 2030, Blue Solutions a conclu des contrats de co-développement avec certains d’entre eux. BMW en premier lieu, mais aussi des marques françaises.

Reste également à trouver des financements. La gigafactory alsacienne nécessitera pas moins de 2,2 milliards d’euros d’investissements. L’État apportera 200 millions d’euros sous la forme du crédit d’impôt pour les industries vertes. Auxquels il faut ajouter un complément de France 2030. Le groupe recherche également des partenaires financiers et industriels. Il est désormais temps de partager les risques.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.

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