Bassirou Diomaye Faye, un inconnu antisystème à la tête du Sénégal
Ce jour-là, Bassirou Diomaye Faye se prosterna devant son père, agenouillé à terre, avant de glisser son bulletin dans l’urne. C’était le 24 mars, un dimanche historique. « Il m’a demandé de prier pour lui, pour que les élections se passent bien », raconte le vieil homme en boubou blanc, assis sur les marches de la maison familiale, une bâtisse reconnaissable à ses murs roses. Il n’oubliera jamais ce soir de printemps où son fils fut élu chef de l’Etat. Tout comme le village de Ndiaganiao, fief de cette famille d’agriculteurs du centre-ouest du Sénégal : cette commune dont les modestes habitations se dressent de part et d’autre d’une unique route goudronnée a connu une effervescence mémorable. Il y avait tellement de visiteurs dans la cour de la maison rose que les enfants ont dû être enfermés dans une pièce « pour éviter qu’ils soient blessés ou écrasés par la foule »glisse Ibrahima Faye, l’un des frères du nouveau président.
Sous la tonnelle installée en période électorale, cette foule a suivi l’annonce des résultats à la radio et sur les réseaux sociaux. Au fur et à mesure que la nuit avançait et que les estimations devenaient plus précises, tout Ndiaganiao se mit à danser et à chanter. Bassirou Diomaye Faye, un des enfants de l’homme au boubou blanc, a fini par être élu avec 54,28% des voix. « Au premier tour ! » Notre pays n’a jamais connu cela »s’enthousiasme Samba Faye, animé par un « grande fierté » pour ce fils « calme, intelligent et travailleur », toujours prêt, autrefois, à aider sa mère aux travaux ménagers, à être actif dans les champs ou avec les animaux. Depuis, l’octogénaire, qui fut un militant socialiste et a contribué dans sa jeunesse à l’implantation régionale du parti du père de l’indépendance du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, prie pour que son Bassirou ne déçoive pas ses compatriotes. « Les attentes sont immenses »il prévient.
La carrière du plus jeune président de l’histoire du pays – 44 ans – a tous les allures d’une ascension fulgurante. Dans dix jours, du 14 au 24 mars, ce un quadragénaire réputé discret est propulsé de l’obscurité d’une cellule de prison aux lumières du palais présidentiel. Après des années passées dans l’ombre de son mentor, le tonitruant Ousmane Sonko, il a révolutionné la scène politique sur la base d’une promesse : renverser un système jugé clientéliste et incapable d’améliorer les conditions de vie de la majorité. Population. « Je suis conscient que les résultats des sondages expriment un profond désir de changement systémique. A travers mon élection, le peuple sénégalais s’engage sur la voie de l’édification d’un Sénégal souverain, juste et prospère., a-t-il déclaré, mardi 2 avril, lors de son investiture, sur la scène du parc des expositions de Diamniadio, en périphérie de Dakar. Son ami Sonko était alors assis au deuxième rang, derrière les huit chefs d’Etat africains présents. Il le nomme immédiatement Premier ministre.
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