A peine nommé à Matignon, où il a promis « des changements et des ruptures », le nouveau Premier ministre Michel Barnier doit désormais s’atteler à former un gouvernement capable de démontrer sa capacité à rassembler et à s’affranchir d’Emmanuel Macron. Et maintenant, « mettons-nous au travail ». Le cliché qui conclut tous les discours sur la passation de pouvoir avait des allures de défi pour Michel Barnier, jeudi dans la cour de Matignon.
Chargé par le président de la République de « former un gouvernement rassembleur au service du pays », le Savoyard de 73 ans sait déjà qu’il est en sursis et devra trouver les bons équilibres pour éviter de tomber à la première motion de censure. Vendredi matin, il a reçu son prédécesseur Gabriel Attal, président du groupe macroniste Ensemble pour la République (EPR) à l’Assemblée, puis les dirigeants de son propre parti, Les Républicains (LR), pour examiner les conditions de participation à sa future équipe.
« Certaines personnalités de gauche » ont également été contactées et d’autres discussions devaient suivre, notamment avec La France Insoumise et le Rassemblement national, car « il veut rassembler tout le monde et les respecter ». Le nouveau Premier ministre lui-même a proposé une aide dans son premier discours : « Il faudra beaucoup d’écoute » et « respecter toutes les forces politiques qui sont représentées » au Parlement. Car de son point de vue, « le sectarisme est un signe de faiblesse, quand on est sectaire c’est qu’on n’est pas sûr de ses idées ».
Les siennes restent à préciser. Il vient d’assurer que « l’école restera la priorité du gouvernement », au même titre que d’autres chantiers parmi lesquels « l’accès aux services publics », « la sécurité au quotidien », « la maîtrise de l’immigration », ou encore le travail et le pouvoir d’achat. Une feuille de route a priori consensuelle, même si Michel Barnier a promis « des changements et des ruptures » et laissé entrevoir des choix difficiles avec la volonté affichée de « dire la vérité » sur la « dette financière et écologique ».
Reste à savoir qui acceptera de monter à bord. Pas la gauche en tout cas. « Aucune personnalité du PS ne sera dans son gouvernement, je n’en doute pas », a assuré Olivier Faure. Il a confirmé que la gauche déposerait une motion de censure car « le choix qui a été fait par le chef de l’Etat est de se mettre au barycentre de la droite et de l’extrême droite », ce qui est « une trahison démocratique » par rapport au résultat des législatives.
Le RN ne votera pas cette censure sauf si « le Premier ministre s’écarte terriblement de nos attentes dans son discours de politique générale » sur le pouvoir d’achat, l’immigration, l’insécurité ou l’instauration de la proportionnelle, selon Sébastien Chenu. « Nous le traiterons comme un adversaire politique, mais sans plonger le pays dans le chaos », a-t-il déclaré sur France Info.
Restent donc les membres de l’ancienne majorité, qui seront « nombreux à aider » le nouveau Premier ministre, selon l’un de ses prédécesseurs Edouard Philippe. Pas vraiment idéal toutefois pour incarner les « ruptures » annoncées. Michel Barnier, toujours membre des Républicains (LR), peut aussi compter sur sa famille politique. « C’est quelqu’un de notre pays, on va pouvoir dialoguer avec lui facilement », se réjouit la secrétaire générale du parti de droite, Annie Genevard.
Les députés du groupe centriste Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer, Territoires) affichent également de la bonne volonté envers ce « politique à forte expérience » qui « correspond en partie au profil » qu’ils souhaitaient, à condition que « la composition du futur gouvernement et (ses) orientations marquent un changement de méthodes et de direction ». Le nouveau locataire de Matignon a ses propres critères. « Il veut des ministres solides, compétents et efficaces », indique son entourage, et « il aura la liberté » de les choisir. Tout comme pour son directeur de cabinet, un poste éminemment stratégique : « Ce sera Michel Barnier seul et lui-même qui décidera ».
Les deux hommes se retrouveront vendredi à midi à l’Elysée pour discuter du casting du gouvernement qui devra boucler un budget 2025 à haut risque. Et inventer une relation inédite, non pas de cohabitation mais de « coexistence exigeante », selon l’entourage du président.
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