Au centre du canapé, des bras des deux côtés du buste, des poignets cassés, des doigts touchant le tissu, elle a désigné le visiteur un fauteuil. Des gestes parfaits, un beau visage, de belles rides. Marie-Pierre Pruvot est une présence. Une entité dérangeante, maîtrisant la perfection de l’espace.
« Lorsque vous entrez dans la scène, vous libérez une présence naturelle. Gardez-la toute votre vie, c’est ce que vous avez en vous mieux », Ils seraient de ses débuts. Marie-Pierre Pruvot publie son autobiographie ces jours-ci, Bambi. Une vie ordinaire. L’important est le sous-titre Une vie ordinaire. Elle ne voulait qu’une seule chose, pour diriger une existence banale d’un peu de bourgeois. Elle a réussi, comme en témoigne son paisible professeur de lettres, avec ses étagères de littérature classique. Ce qui n’est pas banal, c’est sa trajectoire. Comment vivre une vie dans laquelle nous ressemblons? Comment un enfant né dans un village de la Grande Kabylia dans les années 1930 sous l’identité d’un garçon, Jean-Pierre Pruvot, a-t-il eu l’intestin de s’inventer du destin d’une femme?
Aujourd’hui, elle est Madame Pruvot, retirée de l’éducation nationale. Les yeux de notre temps le découvrent à travers des vues délimitées par des logiciels standard. Icône LGBTQI +. Figure transgenre. Trans Pioneer. Icône queer. Bizarre signifie « étrange », « bizarre », « anormal ». Tout ce qu’elle n’est pas. Elle ne se reconnaît pas dans ces titres désincarnés qui euphémisent la réalité et le vôtre