Baltique : l’OTAN lance l’opération multidomaine « Baltic Sentry » pour prévenir les actes de sabotage

Aux dernières nouvelles, l’enquête sur le sabotage des gazoducs NordStream 1 et NordStream 2 dans la mer Baltique avançait vers une direction ukrainienne. C’est du moins ce que laisse entendre un mandat d’arrêt européen, émis en juin 2024 par le parquet fédéral allemand, chargé de cette affaire. Mandat qui n’est pas terminé à ce jour…

Pourtant, interrogé par écrit sur ce sabotage du député Aurélien Saintoul, le ministère des Armées s’est montré très prudent. « A ce stade, seule l’Allemagne poursuit son enquête. Elle n’a cependant pas fourni de détails supplémentaires. Outre le fait que les services de renseignement susceptibles d’avoir accès à l’information sont étrangers, c’est la nature même des services de renseignement de garder secrètes à leur niveau toute information classée secrète », a-t-il souligné dans une réponse publiée le 3 décembre dernier.

Il a ajouté que, « étant donné que les infrastructures sous-marines critiques revêtent une importance majeure et qu’elles sont exposées, le Danemark s’engage à maintenir un haut niveau de vigilance pour assurer leur protection. »

Cependant, cette « vigilance » danoise n’a pas réussi depuis à empêcher de nouveaux incidents. Ainsi, en octobre 2023, le gazoduc Balticconnector a été endommagé par l’ancre du cargo chinois Newnew Polar Bear. Était-ce intentionnel ? Sans pouvoir monter à bord du navire en question pour les besoins de l’enquête, nous ne le saurons probablement jamais. A moins de prendre au pied de la lettre les déclarations de Pékin, qui parlait d’un « accident ».

Un an plus tard, un autre cargo chinois, le Yi Peng 3, jetait également son ancre à proximité de câbles sous-marins de télécommunications reliant la Finlande à l’Estonie et à l’Allemagne. Sauf que contrairement à Newnew Polar Bear et pour une raison encore floue, il est ensuite resté immobilisé près d’un mois dans le détroit de Cattegat, sous la surveillance des garde-côtes danois.

Après avoir été inspecté par des « représentants des autorités chinoises », accompagnés d’enquêteurs suédois ayant le statut de simples observateurs, le Yi Peng 3 a pu repartir sans être dérangé. Il navigue actuellement vers Fangcheng, en Chine.

A noter que la position où ce cargo est resté au mouillage dans le détroit de Cattegat semble intéresser la marine russe : les remorqueurs « Sergey Balk » et « SB123 » y sont restés plusieurs jours au début de ce mois, selon les données de l’AIS.

Puis, le même mode opératoire a été suivi par le pétrolier Eagle S, battant pavillon des Îles Cook et soupçonné de faire partie de la « flotte fantôme » russe, pour endommager l’interconnecteur Estlink 2, reliant la Finlande à l’Estonie, le jour de Noël. Cette fois, ce navire a été immédiatement arraisonné par les garde-côtes finlandais. Il a ensuite été remorqué jusqu’au port de Kilpilahti pour les besoins de l’enquête.

Si l’on prend en compte les perturbations récurrentes des signaux GPS dans la région, de tels incidents ne sont sans doute pas le fruit du hasard… Mais il a fallu attendre que l’interconnecteur Estlink 2 soit endommagé pour que l’OTAN réagisse enfin.

En effet, ce 14 janvier, à l’occasion d’un sommet sur la mer Baltique, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Mark Rutte, a annoncé le lancement d’une nouvelle opération « multi-domaines » visant à renforcer la protection des infrastructures critiques et à améliorer la « capacité des Alliés à répondre aux actes déstabilisateurs ».

« Je ne vais pas entrer dans les détails sur le nombre exact de navires, car il peut varier d’une semaine à l’autre, et nous ne voulons pas rendre l’ennemi plus averti qu’il ne l’est déjà », a affirmé M. Rutte lors d’une conférence de presse : « Ce qui compte, c’est d’utiliser les bons moyens militaires aux bons endroits et au bon moment pour dissuader de futurs actes déstabilisateurs », a-t-il soutenu.

« Cette activité militaire s’inscrit dans le cadre de nos efforts continus pour renforcer notre présence maritime et la surveillance des zones clés de notre alliance » avec des frégates et des avions de patrouille maritime », a ajouté l’ancien Premier ministre néerlandais. Et de préciser que des drones navals de surface seraient également déployés « afin d’améliorer la surveillance et la dissuasion ».

Par la suite, le Commandement allié des opérations (ACO) a annoncé qu’il venait de lancer l’opération « Baltic Sentry » dans la mer Baltique, avec pour objectif de « dissuader toute tentative future d’un acteur étatique ou non étatique d’endommager les infrastructures sous-marines critiques dans cette région ».

Cette « activité multi-domaines, qui se poursuivra pour une durée indéterminée, fait suite aux dommages causés aux câbles sous-marins reliant l’Estonie et la Finlande le 25 décembre », précise le communiqué.

« Bien que Baltic Sentry soit une nouvelle opération, les forces de l’OTAN maintiennent une présence permanente en mer Baltique, effectuant des patrouilles régulières et des exercices conjoints pour améliorer leur préparation », a également rappelé l’ACO. « Les navires de guerre, sous-marins et avions alliés, soutenus par une technologie avancée de surveillance maritime, surveillent les eaux de cette région et au-delà », a-t-il conclu.