Avocats, enseignants, médecins dans leurs pays, les réfugiés sont victimes de déclassement professionnel en France

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En Afghanistan, Qurbanali Akhlaqi était un professeur reconnu de physique. « J’ai passé 17 ans à étudier. J’ai eu beaucoup de diplômes. Tout le monde savait que j’enseignais bien., il dit. En 2019, il a subitement dû quitter son pays à cause d’un mariage interreligieux. Depuis, le père de famille de 39 ans ne se tient plus devant les élèves. En France, il fait des petits boulots : peintre en bâtiment, intérimaire, réparateur de lave-linge… Tout ce qui lui tombe sous la main.
Qurbanali n’est pas seul dans cette situation. Selon l’association Singa, qui aide à l’intégration des réfugiés en France, plus de 40 % d’entre eux subissent un déclassement professionnel. Cela signifie qu’ils sont surqualifiés par rapport au travail qu’ils exercent dans leur pays d’accueil. Pour ceux qui ont un diplôme de l’enseignement supérieur, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) parle même de 60 % de surqualification. « Un réfugié met en moyenne 10 ans pour retrouver sa situation d’origine », souligne Myriam Nouicer, directrice de la communication de Singa. L’association a mis en place une campagne de sensibilisation sur cette question du déclassement, dans le but de réhumaniser les personnes qui en souffrent.
La barrière de la langue
« Ils rencontrent des obstacles comme la longueur des démarches administratives, mais surtout la barrière de la langue », note Myriam Nouicer. La capacité des réfugiés à parler français contribue indéniablement à leur taux d’emploi. Selon une étude de l’Institut français des relations internationales (Ifri) publiée en 2022, 4,3 % des hommes et 17 % des femmes qui maîtrisent le français sont inactifs, contre respectivement 17 % et 78 %. pour ceux qui ont un faible niveau.
Nagla Mohamed Ali, 53 ans, ne connaît que très bien cette difficulté. Au Soudan, pendant 22 ans, elle a été avocate spécialisée en droit international et droit de la famille. Elle était également bénévole dans une association de défense des droits de l’homme. Après avoir été arrêtée à plusieurs reprises par le régime d’Omar el-Béchir, elle a fui son pays en 2018, et est arrivée en France dans la foulée. « Je veux passer l’examen du barreau ici. J’ai réussi à obtenir un premier certificat d’études en droit mais pour continuer je dois améliorer mon français » elle respire.
« Lors des cours dispensés par l’Office des Etrangers, tous les niveaux sont mélangés : A1, A2, B1… C’est dur pour nous »
Qurbanali Akhlaq
La quinquagénaire n’a donc pas ouvert son cabinet en France. Faute de mieux, elle a dû se résigner à suivre une formation de vendeuse dans un supermarché via Pôle emploi. Une activité qu’elle valorise « trop physique » compte tenu de son âge. « Je suis très déçu de ne plus exercer mon métier. Avec mes qualités et mes expériences, j’ai tout pour être avocatregrette Nagla. J’ai essayé de chercher du travail dans une association de défense des droits de l’homme, mais la barrière de la langue m’en a empêché. »
Même constat du côté de Qurbanali. Il déplore également la manière dont le français est enseigné aux réfugiés. « Lors des cours dispensés par l’Office des Etrangers, tous les niveaux sont mélangés : A1, A2, B1… C’est dur pour nous », déplore-t-il. L’autre obstacle majeur rencontré par l’ancien professeur de physique reste la lourdeur administrative. « Personne ne nous écoute ni ne nous aideaccuse Qurbanali. Je suis en France depuis plus de quatre ans et je n’ai toujours pas réussi à trouver un emploi ou une formation stable. »
1 emploi sur 5 fermé aux étrangers non européens
Les rendez-vous à Pôle Emploi n’arrangent pas forcément les choses. « Les conseillers ne savent pas quoi proposer aux personnes ayant un diplôme universitaire obtenu dans leur pays »témoigne un enseignant de Turquie dans l’étude de l’Ifri.
Aujourd’hui, de nombreux réfugiés constatent avec amertume qu’ils ne pourront pas retrouver leur emploi. Et pour cause : selon l’Observatoire des inégalités, 5,4 millions d’emplois ont été fermés aux étrangers non européens en France en 2019. Soit un emploi sur cinq. Ils n’ont pas accès à l’administration de l’État. Ils ne peuvent pas non plus exercer la profession de buraliste ou de notaire. Parfois, un diplôme français est nécessaire, comme pour devenir infirmier hors hôpital ou ambulancier.
« Ce sont des talents qui ne peuvent pas être utilisés au profit de l’économiecondamne Myriam Nouicer. La solution pour eux est donc soit d’obtenir un diplôme, soit de se faire naturaliser. Mais les procédures sont complexes et longues. Vous rencontrez beaucoup de gens qui sont obligés d’abandonner leur ancien travail et de faire autre chose. » Nagla, quant à elle, ne peut se résoudre à abandonner son combat. Elle soupire : « J’espère toujours pouvoir redevenir avocat un jour. »
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