Bourse Entreprise

Avec un salaire minimum à 1 600 euros, qu’advient-il des salaires proches du nouveau minimum ?

Une augmentation du salaire minimum à 1.600 euros net porterait le pourcentage de travailleurs payés au salaire minimum à près de 30%. Pour éviter l’effet de trappe à bas salaires, une revalorisation des grilles salariales est possible mais au prix d’ajustements coûteux.

Il s’agit de la mesure phare du Nouveau Front populaire. Une hausse significative du salaire minimum, qui passerait de 1 350 à 1 600 euros net. Cette hausse de 14,4 % serait supérieure à la hausse de 10 % accordée en 1981 sous le gouvernement Mauroy. Une telle hausse, appréciable pour les salariés et ouvriers payés au Smic, ne serait cependant pas sans impact sur ceux dont le niveau actuel de rémunération est proche de 1 600 euros.

Demain, tout le monde au SMIC ?

En 2024, 17,1 % des travailleurs étaient payés au SMIC, soit trois millions de salariés. Leur nombre a augmenté de 40 % depuis 2021, conséquence de l’indexation du SMIC sur l’inflation, les salariés payés légèrement au-dessus du SMIC ayant été rattrapés par ces dernières revalorisations.

Des salariés payés au SMIC, chiffres de la DARES – Marine Landau

De même, l’augmentation du salaire minimum à 1 600 euros net augmenterait numériquement le nombre de salariés qui devraient se contenter du salaire minimum. Ceux qui gagnent un salaire proche du nouveau salaire minimum viendraient grossir les rangs de ceux qui auraient bénéficié de cette hausse.

« Avec cette mesure, entre 25 et 30 % des salariés seraient payés au SMIC », quantifie Bertrand Martinot, expert associé à l’Institut Montaigne, spécialisé sur les questions d’emploi.

Une telle mesure irait donc à l’encontre d’une « dé-micardisation de la France » voulue par Gabriel Attal en janvier dernier lors de son discours de politique générale.

Pour les salariés déjà payés à des niveaux proches du Smic, dont la rémunération ne changera pas, l’impact psychologique devrait être important. « Celui qui est à 1 600, il n’est pas au Smic. Si le Smic passe à 1 600, il ne bouge pas et se retrouve au Smic. Psychologiquement ça a un impact », soulève Nicolas Doze lors d’un échange sur BFM Business. Cette analyse de l’impact des hausses successives du Smic est partagée par Thierry Pech, directeur de Terra Nova, qui notait en avril 2023 : « Ces hausses augmentent le nombre de salariés aux alentours du Smic. Cela provoque un malaise chez les salariés et accroît les tensions de recrutement. »

Une baisse de l’échelle salariale

Une augmentation du salaire minimum entraînerait mécaniquement une compression vers le bas des échelles salariales, en agrégeant de nombreux salariés autour de ce niveau de rémunération. Mais la compression serait aussi opportuniste, puisque les entreprises privilégient les niveaux de salaires au SMIC afin de bénéficier des taux de réduction de charges les plus élevés. C’est le fameux effet pervers du « piège des bas salaires », largement documenté par les économistes.

Pourrait-on imaginer, cependant, que les salaires proches du SMIC bénéficieraient également d’une augmentation, dans l’optique d’une hausse du SMIC créant un effet coup de pouce ?

Des négociations collectives pourraient être engagées afin de revaloriser tous les salaires, notamment ceux proches du SMIC ; c’est la « diffusion par le haut », défendue par le NFP. Une note de l’Institut de recherche économique et sociale (IRES) ajoute : « Il est généralement admis qu’une augmentation du SMIC a des effets plus diffus sur la grille des salaires et se propage aux niveaux de salaires supérieurs au SMIC. L’explication donnée est que les partenaires sociaux négocient de nouvelles grilles salariales – dans des accords d’entreprise ou des conventions collectives. »

« Quand on a une indexation du Smic sur l’inflation, effectivement, en général, les branches professionnelles et les entreprises renégocient pour respecter la hiérarchie des salaires », nuance Bertrand Martinot pour BFM Business. « Mais une augmentation de 14 % n’est pas absorbable de la même manière qu’une indexation du Smic sur l’inflation à 1 à 2 %. On demanderait aux entreprises de faire un double effort : l’augmentation des plus bas salaires, et l’augmentation générale des salaires qui s’en rapprochent. Le coût à supporter serait trop élevé ».

Vers un plafonnement des réductions de cotisations

Pour ne pas trop renchérir le coût du travail pour les entreprises, il faudrait alors faire glisser la fourchette de réduction des cotisations patronales sur les bas salaires. Autrement dit, décaler la réduction dégressive de 1 à 1,6 fois le Smic aujourd’hui au niveau du minimum porté à 1 600 euros. Non sans conséquences sur les comptes publics.

« Si on recalibre les baisses de charges, la facture est de 20 milliards pour l’Etat », calcule Bertrand Martinot.

Afin de limiter l’impact sur les finances publiques, une option avancée par la note de l’IRES serait alors « d’abaisser le seuil des exonérations. Selon nos estimations, plafonner les exonérations de cotisations sociales à 1,33 Smic permettrait de maintenir le « rendement » des cotisations sociales ». « En modulant les allègements et en les limitant à 1,33 Smic par exemple, la pente des salaires exonérés devient beaucoup plus raide. La dégressivité des allocations se resserre, la compression des salaires devient monstrueuse, et on crée une immense trappe à bas salaires », prévient Bertrand Martinot.

Le problème en France est moins celui du salaire minimum que celui du salaire médian.

Pour l’économiste, la France souffre moins d’un problème de niveau de salaire minimum que de salaire médian. « En France, le salaire médian est de 2.100 euros net. Ce qui veut dire que la moitié des Français travaillant à temps plein gagnent moins de 2.100 euros, un montant tout juste dans la moyenne des pays de l’Union européenne. »

Augmenter le Smic n’aurait pas d’effet miraculeux sur l’échelle des salaires, conclut Bertrand Martinot : « Augmenter le Smic n’augmentera pas le salaire médian. En effet, la rémunération est fonction de la quantité de travail, de son efficacité et de sa productivité. C’est ce triptyque qu’il faut changer pour éviter le risque d’une spécialisation de la France dans les emplois à bas salaires, notamment dans les services à faible valeur ajoutée. »

Les plus lus

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
Bouton retour en haut de la page