La proposition des quatre principaux partis de gauche dans un communiqué intervient une heure avant une interview du président de la République.
A gauche, beaucoup se demandaient si elle allait un jour s’en sortir. La fumée blanche est finalement apparue mardi soir. Les dirigeants du Nouveau Front populaire se sont finalement mis d’accord sur un nom à proposer à Emmanuel Macron pour Matignon. Il s’agit de la haute fonctionnaire Lucie Castets, une économiste issue du monde associatif, engagée pour la défense et la promotion des services publics. « C’est avec détermination et responsabilité que j’accepte la proposition du Nouveau Front Populaire. J’y mettrai toute mon énergie et ma conviction. »elle l’a annoncé sur X (ex-Twitter). La « candidate au poste de Premier ministre » du NFP s’est également engagée à mener l’abrogation de la réforme des retraites « . Une mesure phare de la coalition.
Mais à peine une heure plus tard, dans une interview sur France Télévision, Emmanuel Macron jetait un grand seau d’eau sur cette fumée blanche très fragile. « La question n’est pas un nom mais quelle majorité peut émerger à l’Assemblée pour qu’un gouvernement puisse faire passer des réformes et un budget »il a rejeté, considérant que le Nouveau Front Populaire n’avait pas « quelle que soit la majorité ».
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Outrés, les responsables de la coalition ont rapidement accusé le chef de l’Etat de ne pas respecter les résultats des urnes. « Le déni est la pire politique. Celle qui mène à la politique du pire. »a prévenu Olivier Faure, le premier secrétaire du PS. « Respecter le vote des Français »a exigé Jean-Luc Mélenchon, estimant que le président devrait « se soumettre ou démissionner »Comprendre : démissionner.
Castets travaille en étroite collaboration avec Hidalgo
La gauche n’a pas réussi son pari de tordre le bras au chef de l’Etat en tirant au sort un nom pour Matignon quelques minutes avant son intervention. Les négociateurs des différents partis étaient finalement parvenus à trouver un accord, bien que seize jours après leur victoire surprise aux législatives anticipées. Avec le recul, certains regrettent de ne pas avoir pu s’entendre au lendemain du second tour pour prendre Emmanuel Macron de court. « La gauche, quel gâchis ! Cela fait deux semaines qu’on n’arrive pas à donner un nom à Matignon »l’ancien Insoumis François Ruffin se lamentait encore dimanche. « Je suis en colère, je suis dégoûté, j’en ai marre. Je suis fatigué et je suis désolé du spectacle que nous donnons aux Français. »Marine Tondelier, la cheffe des Verts, l’a également regretté la semaine dernière sur France 2.
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Si l’idée d’un vote des députés du NFP avait été envisagée pour sortir de la crise, c’est finalement une décision « au consensus » qui a donné naissance au nom de Lucie Castets. Mardi soir, les responsables des quatre formations ont insisté sur son profil auprès de la » société civile « de rejeter l’idée d’une proximité avec un parti de coalition. L’économiste s’est déjà engagée en politique puisqu’elle était membre du PS, et avait même été candidate sur la liste du socialiste Nicolas Mayer-Rossignol aux élections régionales de 2015 en Haute-Normandie. « Elle a quitté le PS en désaccord avec l’orientation politique du quinquennat de François Hollande »Paul Vannier, député et stratège de La France Insoumise, tient à le souligner.
On dirait un jeu d’élimination, on se croirait dans « Koh-Lanta »
Un député PS
Lucie Castets travaille également en étroite collaboration avec Anne Hidalgo. La maire de Paris, très critique envers LFI, en a fait sa conseillère économique avant de la nommer au poste de directrice de la « Direction des finances et des achats » de la ville. « Elle a la confiance du maire pour assumer une responsabilité aussi importante. »souligne Patrick Bloche, premier adjoint d’Anne Hidalgo. Là encore, les Insoumis balayent toute appartenance politique. « Elle n’a rien à voir avec Anne Hidalgo. Son engagement en faveur du programme du Nouveau Front populaire est très clair. »répond Manuel Bompard, quand d’autres Insoumis affirment que « points de tension » existe entre les deux femmes.
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Si la route vers Matignon s’annonce complexe pour Lucie Castets, la gauche clôture néanmoins une interminable saga. Au fil des jours et des nuits, plusieurs personnalités avaient été évoquées pour hériter du flambeau. Mais dès qu’elles ont été révélées, les noms de chacun – Olivier Faure, Clémence Guetté, Huguette Bello, Laurence Tubiana… – ont été aussitôt évincés. « On dirait un match à élimination, on se croirait à Koh-Lanta » » , soupirait encore mardi un député PS.
Il faut dire que, derrière la personnalité, un débat crucial se jouait au sein de la coalition : la courte majorité du Nouveau Front populaire a-t-elle vocation à s’élargir ou non à gouverner ? Les Insoumis ont toujours martelé qu’ils ne participeraient à un exécutif que pour « appliquer tout le programme, rien que le programme »fermant ainsi la porte au moindre compromis. Au PS, beaucoup jugeaient au contraire qu’il était indispensable« ouvrir » pour consolider une majorité et éviter d’être « renverser » rapidement. La question sera posée à Lucie Castets. Mais en refusant de la nommer à Matignon, Emmanuel Macron ne devrait toutefois pas lui laisser l’occasion d’y répondre.