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« Avec « Les Odyssées », j’ai voulu rêver grand pour les enfants. »

La Croix L’Hebdo : Qu’est-ce que « L’École des Odyssées », lancée cet automne ?

Il s’agit d’un concours de création de podcasts pour les élèves de CM2. Classes inscrites avant le 30 septembre1 choisissez un personnage ou une aventure collective à raconter, et nous les accompagnerons pour créer leur « odyssée » d’ici avril. La classe gagnante sera invitée en juin à la Maison de la Radio pour voir son épisode enregistré et diffusé par France Inter. Ce projet pédagogique associe tous les savoirs et valorise tous les élèves : ceux qui aiment écrire, ceux qui aiment faire des recherches, ceux qui aiment jouer avec les sons, incarner des personnages, faire des blagues…

Comment est née « Les Odyssées » ?

J’ai découvert la radio à 29 ans, lors d’un stage à France Inter. J’ai eu un coup de cœur pour ce média, tout m’a plu ! J’ai fait des chroniques, proposé des programmes qui ont été refusés, puis un projet de magazine pour enfants composé de différentes séquences : une interview, le décryptage d’un tube, un récit historique… Dans la maquette, ce récit retraçait la découverte du tombeau de Toutankhamon. Cette séquence a séduit la direction et a donné naissance au podcast « Les odyssées ».

Créé en 2019, le podcast a rencontré un tel succès (plus de 30 millions d’écoutes) qu’il a été adapté en livres et en adaptations théâtrales, où vous incarnez plusieurs personnages. Une revanche, pour vous qui rêviez depuis longtemps de devenir actrice ?

Plutôt une joie immense. Je voulais faire ma vie sur scène depuis quelques années, mais c’est à la radio que j’ai eu l’impression d’avoir trouvé ma place. La première fois que j’ai parlé dans un micro, j’ai ressenti quelque chose… d’incroyable ! Je jouais à l’époque dans une troupe de théâtre et, lors d’une tournée, nous avons été interviewés par une web radio. Au micro, j’ai ressenti un plaisir de parler qui était très nouveau pour moi. Enfant, j’avais beaucoup de problèmes d’articulation, personne ne me comprenait. Et là, il y avait quelque chose de naturel, un plaisir presque instinctif que je n’avais jamais ressenti.

Vous avez depuis longtemps envie de parler aux enfants ?

C’était inconscient, je crois. L’enfance était là, tapie au fond de moi, mais prête à éclater ! J’ai rencontré une femme à la radio qui m’a dit : « Nous créons la radio qui nous convient. Ecouter une émission, c’est comme entrer dans la maison de quelqu’un. » « Les Odyssées » racontent des histoires sur des personnages historiques très éloignés de moi et, en même temps, proches de qui je suis. Les écouter, c’est comme ouvrir mon cerveau et regarder à l’intérieur ! D’ailleurs, les blagues sont celles que je fais dans la vraie vie… Lorsqu’il a été décidé que je ferais un podcast pour les enfants, j’ai eu envie d’imaginer un très grand projet pour eux. Dans les productions qui leur étaient destinées, on sentait qu’il n’y avait pas assez de moyens, le message était un peu ringard… Avec « Les Odyssées », j’ai voulu m’adresser aux enfants avec la même ambition qu’aux auditeurs adultes. J’essaie d’écrire pour eux les histoires les plus merveilleuses, les plus fortes et les plus complexes. Les meilleures histoires, en d’autres termes !

Quels sont les ingrédients d’une bonne « odyssée » ?

Il faut des enjeux forts, beaucoup d’émotions, de l’espace pour respirer, de bons dialogues et des blagues ! La réalisation est aussi très importante. Quand on a lancé le podcast, je voulais créer une sorte de dessin animé pour les oreilles. Que la puissance du son emporte nos auditeurs. Les réalisateurs font un travail délicat sur les bruitages, les ambiances, la musique, pour que les enfants, en écoutant, aient l’impression de voir de quoi je parle.

Comment choisissez-vous les personnages des « odyssées » ?

Laure Grandbesançon : « Avec « Les Odyssées », j’ai voulu rêver grand pour les enfants »

Je recherche la diversité pour emmener les auditeurs à toutes les époques, sur tous les continents, dans des histoires menées tantôt par un individu, tantôt par un collectif. Je pars avant tout d’une envie d’écrire : raconter une aventure dans la glace, une découverte scientifique… Certains sujets sont suggérés par les auditeurs.

Vous retracez le parcours d’individus audacieux qui osent sortir des sentiers battus. Est-ce un aspect qui vous tient à cœur ?

Je suis partante ! J’espère que ces personnages inspireront les enfants. Mon objectif est de leur donner envie de partir à l’aventure. Qu’un jour, ils prennent leur sac à dos, racontent à leurs parents « Au revoir! » et s’en vont vivre leur vie.

Les histoires racontées sont extraordinaires, mais les personnages ne sont pas parfaits et leurs aventures ne finissent pas toujours bien…

Il faut raconter l’histoire telle qu’elle est, sans lisser les aspérités ni craindre de montrer les contradictions. Je me permets de déconstruire les héros, de raconter l’histoire de la peur par exemple. C’est une manière de transmettre aux enfants l’idée que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité d’avancer avec elle. Les personnages d’explorateurs ont souvent beaucoup d’égo – on peut en parler, les égratigner un peu. C’est humain et ça les rend attachants.

Comment procéder lorsqu’un sujet historique comporte des zones d’incertitude ?

Je précise cela en partant du principe que les enfants sont capables de saisir cette complexité. Je trouve fabuleux de travailler sur du matériel historique, justement parce que l’histoire est complexe et que la complexité fait de bonnes histoires. Je veille à ce que les intrigues historiques des épisodes soient super concrètes en les faisant valider par des historiens. Si un aspect du sujet est débattu, s’il subsiste des incertitudes, je peux le mentionner. Je prends aussi le parti de ne pas cacher ce qui s’est réellement passé. Quand, par exemple, on raconte l’histoire d’Irena Sendler, une catholique polonaise qui a sauvé des enfants du ghetto de Varsovie, il faut pouvoir raconter l’horreur, mais sans horrifier, jamais. L’équilibre est délicat et se recherche dans l’écriture et la réalisation de chaque épisode.

Vous n’avez aucune formation d’historien…

J’ai étudié la philosophie, ce que j’ai adoré ! Cela m’a donné l’impression de découvrir la partie invisible du monde. J’ai été émerveillée de voir ce que la pensée humaine peut produire de beau. J’ai pris goût à l’histoire dès l’enfance, grâce aux récits de ma mère qui l’avait étudiée, de mon grand-père qui était aviateur de guerre, de mon père, médecin qui racontait ses aventures avec beaucoup d’humour… Il y a surtout la vie de ma grand-mère chinoise, pour moi la première « odyssée » !

Pour quoi ?

Elle m’a beaucoup raconté sa vie, une existence individuelle prise dans la grande histoire. Ma grand-mère est née à Shanghai, à l’époque tripartite avec les Anglais, les Français, les Russes, une ville cosmopolite qui semblait complètement folle ! Elle m’a décrit Le Grand Monde, un lieu de spectacles où elle accompagnait sa sœur chanteuse d’opéra. L’opium, le mah-jong… Et aussi les combats entre Chiang Kai-shek et Mao Zedong, la guerre contre le Japon, les bombardements, les kilomètres qu’elle devait parcourir pour trouver de la nourriture. Puis, elle a quitté son pays avec son mari militaire, s’est retrouvée en Algérie, puis au Bénin, puis en France. A chaque fois, elle a découvert une nouvelle culture, une nouvelle langue… Comprendre que sa grand-mère a vécu une telle vie ouvre de larges horizons ! J’ai envie de transmettre le goût de ces histoires hautes en couleur.

1. Sur franceinter.fr, tapez « école des odyssées » dans la barre de recherche.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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