avec le RN, la peur d’une contre-révolution culturelle
Le monde de la culture est en panique. Cela se voit sur les visages. Beaucoup le disent. « Un marteau »chuchote un dirigeant de l’industrie. « Nous n’osons même pas en parler entre nous parce que nous sommes tellement terrifiés. », ajoute un autre. Créateurs « terrifié » d’imaginer, dans quelques jours, une figure d’extrême droite devenir ministre et s’asseoir à la place d’André Malraux ou de Jack Lang.
Tout le monde a peur d’imaginer tel patron de théâtre viré, telle subvention réduite. Que deviendra, parmi cent autres sujets, le projet de loi sur la restitution des biens culturels à l’Afrique ? « Je ne vois pas comment un texte reconnaissant la culpabilité de la France dans la dépossession coloniale pourrait passer »murmure le sénateur communiste des Hauts-de-Seine, Pierre Ouzoulias.
La culture panique pour une raison simple. Depuis la création du ministère en 1959, le secteur connaît tant bien que mal un consensus entre droite et gauche sur deux actions à mener : protéger le patrimoine et défendre la création. En s’appuyant sur des experts. Une rupture se profile, tant le Rassemblement national (RN) est hostile à un secteur réputé pour la gauche et producteur d’art de gauche, qu’il juge bien-pensant et abstrus. En retour, le monde culturel présente l’extrême droite comme un diable censeur. A partir de là, construire ensemble devient compliqué.
La culture a peur, car le RN pourrait agir vite et fort s’il arrive au pouvoir, « faire sensation et affirmer ses idées », résume François Lecercle, vice-président de l’Observatoire de la liberté créative. Il n’est pas nécessaire d’avoir de l’argent pour mener un combat qui portera avant tout sur l’identité. C’est la voie tracée par Giorgia Meloni dans La Botte : imposer des Italiens à la tête de musées ou d’opéras et privilégier des œuvres promouvant un « un nouvel imaginaire national ».
Campagne de séduction
En France, il existe des précédents. Dans les années 1990, Jean-Marie Le Pen répétait qu’il fallait couper tout financement pour « enculturateurs »et le théoricien culturel du mouvement, Bruno Mégret, a confié à Monde qu’à « terrorisme intellectuel de gauche » il fallait s’opposer au triptyque « racines, tradition, identité ». C’est avec ce bréviaire que les maires Front national (FN, ancêtre du RN) de Toulon, Marignane (Bouches-du-Rhône), Vitrolles (Bouches-du-Rhône) et Orange (Vaucluse), au milieu des années 1990, détruit le paysage culturel de leur ville. L’impact a été énorme – surtout à Paris. La subvention des Chorégies d’Orange a été supprimée, alors qu’il s’agissait du festival d’opéra le plus populaire de France. A Vitrolles, le directeur du cinéma municipal a été licencié, la subvention du café-concert Le Sous-Marin a été supprimée et sa porte a été murée. A Toulon, le directeur du théâtre de Châteauvallon a été licencié pour avoir, entre autres, accueilli le groupe de rap NTM, et une fontaine conçue par l’artiste René Guiffrey a été rasée au bulldozer. On estime que plusieurs dizaines d’associations culturelles ont été liquidées dans ces quatre villes.
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