Avec le paracyclisme, les Jeux arrivent enfin en banlieue
Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, est le théâtre des épreuves de paracyclisme sur route, du mercredi au dimanche.
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Il aura donc fallu attendre la deuxième semaine paralympique pour que la promesse des Jeux de Paris et de sa proche banlieue soit enfin tenue. Hormis le Stade de France et le centre aquatique, tous deux situés à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), les Jeux paralympiques ne s’étaient pas encore aventurés dans le 93, et encore moins dans ses rues. C’est désormais chose faite avec les épreuves sur route de paracyclisme à Clichy-sous-Bois entre mercredi 4 et dimanche 8 septembre, en attendant le paramarathon, qui s’élancera de La Courneuve dimanche.
Autour du complexe sportif Henri-Barbusse, entouré d’un collège, d’une école primaire et d’une célèbre chaîne de fast-food, nous étions loin des décors du Paris de carte postale. « Cela change définitivement de la Tour Eiffel et du Grand Palais. »sourit Pedro, un photographe mexicain un peu perdu alors qu’il prenait le RER E-Tramway T4 pour se rendre au départ. Perdu, mais lucide : « C’est aussi agréable de sortir du Paris cliché et de découvrir la vraie vie qui l’entoure. »
Un point de vue partagé par beaucoup, dont Marie Patouillet, alors qu’elle descendait de son vélo de contre-la-montre ce jeudi matin : « C’est vraiment cool que les Jeux olympiques se soient déroulés devant des monuments parisiens et devant tout le public parisien, comme l’ont fait le triathlon et le paratriathlon. Mais je trouve aussi que c’est bien qu’on soit là aujourd’hui pour faire découvrir le handisport en banlieue parisienne. »
En effet, nul besoin d’un grand monument historique pour qu’un site soit le cadre idéal d’une épreuve des Jeux. Avec ses 15 km tracés dans les forêts de Bondy et de Bernouille, le parcours sur route du paracyclisme a été une réussite. Et, à en juger par les acclamations qui s’élevaient le long des barrières et la foule massée au pied du podium, la ferveur populaire était également au rendez-vous, même si la vie quotidienne continuait aux alentours.
Les premiers coups de pédale avaient à peine été donnés au petit matin qu’une mère et son fils, cartables sur les épaules, s’impatientaient à un point de contrôle du circuit. « Nous devons aller à l’école maintenant, nous allons être en retard. »la mère a dit à un bénévole québécois, qui a répondu : « Je sais, madame, mais un athlète va prendre le départ, vous allez suivre. De nombreuses communications ont été faites pour vous prévenir. Gardez le sourire, ce sont les Jeux ! »Quelques secondes plus tard, l’écolier pouvait continuer son chemin.
Dans la matinée, les élèves du collège Romain-Rolland, que longe la course, ont profité d’une pause pour regarder passer les coureurs. Malgré les trois jours de courses prévus, l’établissement restera ouvert jeudi et vendredi, assure le gardien. L’avantage de mercredi : les collégiens étaient libres à midi.
Certains se sont dirigés vers le célèbre fast-food installé sur le trottoir d’en face, mais comme il était pris d’assaut par les journalistes, les employés et les spectateurs, ils ont renoncé à leur traditionnel burger du mercredi. A l’intérieur, Sarah, employée depuis 15 ans, avait les yeux écarquillés : « On est bouleversés, je n’ai jamais vu ça depuis 11 ans ! Et ça va durer jusqu’à samedi ? » la serveuse s’inquiète en désignant une file interminable de spectateurs, non pas là pour déguster les frites, mais pour squatter les toilettes.
Comparé à d’autres sites, la zone de départ et d’arrivée de Clichy-sous-Bois a clairement été moins bien entretenue que d’autres. Ce site, l’un des deux exclusivement paralympiques de ses Jeux, se distingue par son côté désordonné, avec des para-athlètes perdus dans les zones médias, et à l’inverse, tout centré autour de la tribune vétuste du stade Henri-Barbusse, ce qui donne au lieu des airs de foire. Exiguës, les installations temporaires ne sont pas à la hauteur de la ferveur qui règne autour des courses.
Car derrière les barrières, les para-athlètes découvrent une foule compacte, de tous âges. « Malgré l’heure matinale, j’ai vu des hommes et des femmes courageux. Certains se sont levés tôt pour venir ici. »Marie Patouillet savoure. La championne paralympique de poursuite n’aurait échangé ce parcours contre celui des Jeux olympiques, à Montmartre, pour rien au monde : « Parce que je crois en l’héritage des Jeux. Parce que bien sûr, c’est très beau de concourir dans ces quartiers, mais ce sont des quartiers qui bénéficient quand même de certains privilèges et ont accès à beaucoup de choses auxquelles d’autres quartiers n’ont pas accès. »
« Je suis extrêmement fière de venir faire découvrir le sport paralympique aux banlieues parisiennes. Car ce ne sont pas elles qui ont accès aux structures qui peuvent accueillir des enfants handicapés ou même des adultes en situation de handicap. »
Marie Patouilletà franceinfo : sport
« Et si, juste là, à leur fenêtre, sur leur balcon ou au bord de la route, les parents ou les enfants se disaient mais en fait ok, j’ai un handicap, mais je peux quand même aller faire du sport… En fait, je trouve ça génial »« Sourit Marie Patouillet, pourtant sans médaille autour du cou pour la première fois de ses Jeux. Mais qu’importe, l’essentiel était ailleurs avec un spectacle paralympique au départ de la capitale, et agrémenté d’une moisson de médailles françaises pour couronner le tout.