A quoi servent les compléments alimentaires, cocktails de vitamines, minéraux et plantes ? Comment les prendre ? Comment repérer les promesses infondées ? Réponses de Mathieu Bouarfa, biologiste et biochimiste spécialisé en santé naturelle, fondateur de Nutrastream et auteur de Compléments alimentaires – Votre révolution santépublié chez Marabout fin septembre 2024.
Pourquoi Docteur : Pourquoi les compléments alimentaires sont-ils nécessaires aujourd’hui selon vous ?
Mathieu Bouarfa : Un complément alimentaire (CA) a deux objectifs. D’une part, il a un rôle nutritionnel, à savoir combler une carence supposée ou avérée. Des études montrent qu’ils sont nombreux au sein de la population française : 80 % manquent de vitamine D par exemple. En revanche, il a un rôle physiologique : on ne manque pas de tel ou tel micronutriment mais on le prend pour limiter les inconforts, booster l’organisme, soutenir l’organisme, etc. Les AC sont indispensables dans cette démarche de prévention, car l’alimentation actuelle est rarement suffisant pour apporter de bons niveaux de vitamines et de minéraux : les fruits et légumes sont cueillis avant leur maturité, l’agriculture intensive privilégie le rendement, la quantité plutôt que la quantité. la qualité… Il existe aussi des médicaments, qui font appel aux vitamines et minéraux, ou encore le microbiote intestinal, qui absorbe moins bien les vitamines et les minéraux lorsqu’il est déséquilibré. Sans parler du stress ! Même si nous avons une bonne hygiène de vie et une alimentation parfaite, être stressé au quotidien puise beaucoup de vitamines et de minéraux. Le magnésium, notamment, est sécrété par la sueur. Les CA ont donc leur place pour prendre soin de leur santé.
Comment reconnaître les carences en tel ou tel nutriment ?
Il existe plusieurs solutions. Le médecin peut interroger le patient sur ses habitudes alimentaires : s’il ne mange jamais de fruits de mer ou ne sale pas ses plats, il peut avoir une carence en iode (comme 70 % de la population), ce qui est dangereux pour le patient. système nerveux, peau, thyroïde… Certains signes comme la fatigue peuvent indiquer un manque de magnésium, mais d’autres ne sont pas spécifiques, comme les paupières tombantes, qui peuvent être dues à un manque de magnésium, mais aussi de calcium ou de sommeil. Enfin, la prise de sang peut être pertinente mais seulement pour certains AC, comme le cuivre, le fer ou encore le calcium. Ceux-ci ont un rôle strictement nutritionnel, visant à combler les carences : utiliser ces AC n’a aucun sens si vous n’en manquez pas. Mais ce que j’essaie de souligner, c’est qu’il ne faut pas attendre d’être carencé pour agir, car lorsqu’on est carencé, il est parfois extrêmement difficile de faire monter les taux avec le dosage du CA, notamment de la vitamine B ou du fer.
Rien ne remplacera les trois piliers que sont l’alimentation, le sommeil et l’activité physique, mais l’AC peut être un patch et soutenir l’organisme.
Ils agiraient sur le sommeil, la digestion, l’immunité, le stress, la peau… Comment les AC peuvent-ils améliorer le quotidien ?
Rien ne remplacera les trois piliers que sont l’alimentation, le sommeil et l’activité physique, mais l’AC peut être un patch et soutenir l’organisme, alors qu’il faut du temps pour corriger les causes profondes (problèmes alimentaires par exemple), ou quand on a des moments de précipitation et de stress. , quand on a du mal à dormir… Il est nécessaire d’avoir une bonne base d’AC : magnésium et vitamine D, mais aussi multivitamines et minéraux, notamment pour booster l’immunité avant l’hiver. Le zinc et les vitamines B agissent sur le stress, la vitamine C sur les articulations et le sommeil (elle aide à dormir, contrairement aux idées reçues), la vitamine E sur le stress oxydatif…
Pour aller plus loin, vous pouvez ajouter d’autres CA selon vos besoins, notamment des usines. Pour le sommeil, je recommande la valériane, qui favorise un sommeil de qualité et réduit le stress. La mélatonine peut également être efficace pour vous aider à vous endormir. En cas de stress, ou quand on manque d’énergie, je vous conseille la rhodiola, une plante anti-stress qui agit plus rapidement que les autres. Concernant la beauté de la peau, le zinc agit sur les imperfections, les inflammations, le stress oxydatif, mais aussi les cheveux. Le collagène peut aussi être intéressant. Les oméga 3, présents dans les petits poissons gras, vont également hydrater la peau. Mais il est compliqué d’atteindre un niveau suffisant avec l’alimentation : neuf personnes sur dix sont carencées en France, d’où l’intérêt des compléments alimentaires.
Comment passer les CA ? Vaut-il mieux se supplémenter tous les jours de l’année ou plutôt prendre des cures de quelques mois ?
Pas besoin de compléter tous les jours, toute l’année. On peut déjà faire des cures de 3 mois d’AC essentielle : avec le magnésium et la vitamine D, vous résolvez 90% des problèmes. Ce sont les deux plus grosses carences, et ce sont aussi les micronutriments qui ont le plus besoin d’être ensemble pour fonctionner : la vitamine D permet au magnésium de rester dans les cellules (il sera moins excrété lorsque l’on est stressé) et le magnésium aide à activer la vitamine D, que ce soit vient de la nourriture, du soleil, des ampoules ou du courant alternatif.
Concernant la vitamine D, l’ampoule n’agit pas vraiment sur le long terme. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) recommande plutôt de fournir quotidiennement de la vitamine D, à des doses plus faibles. Une ampoule d’un ou deux mois peut être nécessaire lorsque vous êtes en carence sévère, pour la corriger très rapidement, ou lorsque vous souffrez d’ostéoporose. Mais l’ampoule de trois mois est carrément problématique, car la durée de vie de la vitamine D est très courte : au bout de deux ou trois semaines, la moitié est déjà dégradée.
Quant au magnésium, certaines formes sont meilleures que d’autres, comme le bisglycinate de magnésium ou le glycérophosphate de magnésium… Mais l’oxyde de magnésium, présent dans le magnésium marin, n’est absorbé qu’à hauteur de 10 %. Le magnésium marin coûtera 6 euros par mois, contre 20 pour le bisglycinate : les formes de qualité coûtent plus cher.
À force d’assainir les environnements et de consommer des aliments ultra-transformés, notre microbiote intestinal est de plus en plus déséquilibré.
Qu’en est-il des compléments alimentaires à base de probiotiques ?
Nous avons en nous des milliards de micro-organismes, notamment dans l’intestin : c’est un équilibre naturel entre les bonnes et les mauvaises bactéries. Les bonnes bactéries sont les probiotiques, que l’on retrouve dans les AC, les médicaments et les aliments fermentés (kéfir, kombucha, lait fermenté, cornichons, etc.). Ils favorisent une meilleure digestion ou une meilleure assimilation des vitamines et des minéraux. Ils vont également produire pour nous des substances, comme certaines vitamines B ou le gaba, un neurotransmetteur qui joue un rôle clé dans le contrôle de l’anxiété. Ils ont donc un effet indirect sur notre stress et notre humeur. C’est l’axe intestin-cerveau : l’intestin communique avec le cerveau via ces micro-organismes notamment. Or, aujourd’hui, à force d’assainir les environnements et de consommer des aliments ultra-transformés, notre microbiote intestinal est de plus en plus déséquilibré. Pour en prendre soin, je recommande de manger des aliments fermentés tout au long de l’année, avec peut-être une cure de gélules de probiotiques deux à trois mois par an. Toutefois, il faut savoir que la digestion peut être compliquée si l’on consomme des gélules de probiotiques ou des aliments fermentés, tout simplement parce que notre intestin n’y est plus habitué.
Pourquoi trouvez-vous l’appellation « compléments alimentaires » inappropriée ?
De mon point de vue, un complément alimentaire se situe entre l’alimentation et le médicament : le terme est trompeur. Et la réglementation n’est pas du tout adaptée au produit. L’UE est actuellement bloquée sur les allégations de santé sur les plantes. Pourquoi la mélatonine est-elle un complément « alimentaire », alors qu’il s’agit d’une plante, donc de phytothérapie ? Les AC devraient être appelés produits de santé naturels, comme au Canada.
Quels sont les freins à une politique publique de supplémentation ?
Quand j’étais jeune, je me souviens de voir davantage de campagnes de prévention, pour le préservatif, contre le tabac… Mais le secteur public s’est appauvri et la prévention n’est plus la priorité politique aujourd’hui. Les intérêts publics se mêlent désormais aux intérêts privés, avec d’un côté l’industrie pharmaceutique, qui vend des médicaments, et de l’autre, l’industrie agroalimentaire, qui vend des aliments ultra-transformés. À côté, les secteurs de la prévention, comme les CA, ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan. On l’a vu avec les Jeux Olympiques de Paris : à part donner l’envie de faire du sport, on a vu peu de messages publics préventifs comme « manger des fruits et légumes », mais plutôt des encarts pour de grandes marques, notamment alimentaires.
Les risques de surdosage existent et peuvent être dangereux, notamment en vitamine D, en fer ou en calcium, mais seulement si la personne ne respecte pas les instructions.
De nombreuses fausses promesses circulent autour des CA, notamment sur les réseaux sociaux… Comment décrypter le vrai du faux ?
Il y a encore peu de promesses excessives, et la plupart viennent de l’étranger. Et si une marque annonce par exemple que le collagène peut soigner l’arthrose, elle sera vite rattrapée en cas de contrôle, avec des amendes très élevées. Il faut savoir que la communication sur les bienfaits des AC sur la santé est encadrée par les allégations de l’UE. Elles ont le mérite d’exister mais certaines sont, à mon avis, beaucoup trop strictes. On a le droit de dire par exemple que le magnésium aide à réduire la fatigue, mais pas qu’il a un lien avec le sommeil – même si l’on sait que le magnésium joue un rôle dans le sommeil. Cette réglementation pose aussi un problème socio-économique : les marques américaines font de la publicité sur les réseaux sociaux alors qu’elles devraient être soumises à la réglementation européenne. De ce fait, nous privilégierons toujours un marché extérieur…
Quel est le risque de surdosage en CA ?
Depuis 2009, la France a mis en place un système de nutrivigilance qui permet d’identifier les effets indésirables graves des AC. Le problème vient principalement d’une mauvaise utilisation : les surdoses de vitamine D, par exemple, peuvent s’expliquer par le fait que les gens n’ont pas écouté leur médecin ou respecté ce qui était écrit sur l’emballage. Les risques de surdosage existent et peuvent être dangereux, notamment en vitamine D, en fer ou en calcium, mais seulement si la personne ne respecte pas les instructions.
Si une personne prend des AC toute sa vie, est surveillée pour avoir systématiquement les bons niveaux de micronutriments dans l’organisme, en complément d’une hygiène de vie très saine, peut-elle espérer ne plus être malade et battre des records de longévité ?
Il faut revenir à l’essentiel : qu’est-ce que le vieillissement et pourquoi les maladies apparaissent-elles ? Tout cela est dû à l’inflammation, au stress oxydatif et simplement au stress. Si nous avions des niveaux optimaux de vitamines et de minéraux dans le corps, je pense que nous pourrions aller très loin, nous booster, être en quelque sorte des surhumains, et surtout vieillir en bonne santé.