avec la présentation du budget, le plus dur commence pour Barnier
A la veille de la présentation du budget en Conseil des ministres, le locataire de Matignon se prépare à des discussions sous haute tension. Entre ministres mécontents, une gauche hostile, une coalition présidentielle qui voudra se faire entendre et un RN vacillant, les prochaines semaines s’annoncent tendues.
Une gauche renaissante, des députés du Rassemblement national qui ont fixé leurs lignes rouges et des macronistes déterminés à ne rien laisser passer Michel Barnier. Le Premier ministre devra affronter des journées très délicates suite à la présentation du budget ce jeudi après-midi.
« Nous allons entrer dans une période très difficile où chaque jour risque d’être pire que le précédent mais c’est le jeu », soupire un conseiller ministériel de BFMTV.com.
« Des voix dissonantes au sein du gouvernement »
Première étape : entrer dans le plus dur. Après avoir esquissé différentes pistes lors de son discours de politique générale, aidé par Bercy qui a évoqué publiquement certaines mesures, Michel Barnier dévoile ses cartes en révélant des arbitrages chiffrés sur le budget 2025. Au risque d’offenser.
« Nous aurons probablement des voix dissonantes au sein du gouvernement dans les heures qui viennent, certainement beaucoup plus que d’habitude », admet le député Renaissance David Amiel.
Certains ont déjà commencé, comme le garde des Sceaux Didier Migaud, qui s’est inquiété mardi devant les députés d’un « budget insatisfaisant ». Et pour cause : le garde des Sceaux a évoqué ce mardi devant les députés une réduction de 487 millions d’euros.
« Chacun voudra défendre son morceau de gras »
Si la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a voulu le rassurer ce mercredi matin sur BFMTV, en évoquant une « augmentation des effectifs » au ministère de la Justice, elle n’a pas fait semblant. « Il faudra aussi que chacun accepte de faire un effort », a-t-elle déclaré.
« Tout le monde va être mécontent de vouloir défendre son morceau de graisse. Et c’est assez logique. Nous allons devoir travailler sur l’un des budgets les plus durs de ces dernières décennies », reconnaît la députée socialiste Christine Pirès-Beaune.
« Quelqu’un que personne ne connaît et qui n’est pas content ne veut rien dire »
Parmi les ministères qui risquent de devoir faire de gros efforts budgétaires, on compte la Santé avec l’hypothèse sur la table de moins bien rembourser les consultations médicales. La ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, a déjà annoncé la couleur, assurant « ne pas être une fée » et ne pas pouvoir « faire de miracle ».
« La chance de Michel Barnier, c’est qu’à l’exception de Bruno Retailleau, il n’y a personne qui a du poids politique dans le gouvernement. Donc quelqu’un que personne ne connaît et qui n’est pas content ne pèse rien », banalise un sénateur LR.
Une équipe « baroque » au Comité des Finances
Autre pierre dans le chaussure : un duo à la tête de la commission des Finances bien décidé à se faire entendre avec d’un côté l’insoumis Éric Coquerel et de l’autre Charles de Courson (Liot), le rapporteur général du Budget qui, pour le premier à une époque de l’histoire de la Ve République, était issue de l’opposition.
De quoi rendre les discussions en amont des débats dans l’hémicycle particulièrement compliquées ?
« Le rapporteur, c’est celui qui met de l’huile dans les rouages, qui joue un peu le rôle de ministre de l’Économie à l’Assemblée, qui facilite les débats. On se prive d’un grand allié», regrette un député LR.
« Cela risque de faire quelque chose d’assez baroque », résume sobrement de son côté le député David Amiel.
« Trop d’impôts »
Le tout couronné par les doutes de la propre coalition de Michel Barnier. Déterminé à protéger le bilan de son camp qui a fait de la baisse d’impôts un totem, Gabriel Attal n’a pas hésité à organiser une conférence de presse ce mercredi matin, donnant le ton des semaines à venir.
« La crainte que nous avons déjà exprimée est que le budget qui semble se dessiner ne comporte pas assez de réformes et trop d’impôts, avec le risque de déstabiliser nos industries et la classe moyenne ouvrière », a déclaré le président des députés macronistes.
Quant à Gérald Darmanin, il n’a pas ménagé ses critiques ces dernières semaines, accusant Michel Barnier de préparer un « choc fiscal » qui pourrait « tuer la croissance ».
« Ils augmentent la pression mais elle va baisser. Les deux responsables de Bercy sont issus de nos rangs. Donc au final, nous les soutiendrons lors de leur tournée médiatique ce week-end», souligne un macroniste.
« Chacun voudra tirer la couverture pour lui-même »
Deuxième étape à haut risque : les débats à l’Assemblée nationale. Si le gouvernement a promis de reprendre les « bonnes idées », laissant entendre qu’il pourrait adopter certaines propositions d’autres partis politiques via des amendements gouvernementaux, les débats s’annoncent déjà cauchemardesques.
« Les débats budgétaires sont toujours des moments de tension. C’est un grand classique mais là aussi on est dans une Assemblée balkanisée donc chacun aura envie de se couper l’herbe sous le pied », soupire un habitué de l’Assemblée.
Mais si Renaissance pouvait croiser le fer avec le gouvernement, les députés de droite voudront aussi jouer leur rôle. A commencer par la question des retraités.
Les retraités, « boucs émissaires » de la droite
Les retraites pourraient être réindexées à l’inflation non pas en janvier, comme initialement prévu, mais en juillet prochain. Une ligne rouge pour Laurent Wauquiez qui a expliqué lors de la présentation de son pacte législatif en juillet prochain qu’il refusait de permettre la mise au travail des retraités.
« Notre souci, c’est que les retraités finissent comme boucs émissaires du ‘quoi qu’il en coûte' », a reconnu le président des députés LR ce mardi depuis la tribune de l’Assemblée, appelant « à trouver des pistes d’économies, en protégeant nos retraités ».
« Nous avons parlé de ce problème à Michel Barnier. Nous trouverons une solution, c’est certain», veut croire le député de droite Philippe Juvin. Avec le soutien du Sénat, dirigé par le centre et la droite.
« Le Sénat va être une chambre alliée. Le Premier ministre devra prendre les choses en main des sénateurs LR et on peut supposer que sur la question des retraités, ils seront aux avant-postes », juge Claude Raynal, le président socialiste de la commission des finances du Sénat.
L’ombre de 49,3
Dernière étape du chemin de croix et la plus dangereuse : celle d’un vote très hypothétique. Rares sont ceux qui imaginent que le gouvernement vote le budget sans majorité. Michel Barnier n’a pas fait semblant.
« Je souhaite que le budget soit adopté par l’Assemblée nationale », a assuré la semaine dernière le Premier ministre sur France 2. « Mais si nous n’y parvenons pas, nous utiliserons le 49.3, qui est un outil de la Constitution », a-t-il admis sans détour. .
Dans quelle mesure cet appareil sera-t-il utilisé ? La question est ouverte puisqu’Élisabeth Borne a dû tirer cette carte pas moins d’une vingtaine de fois sur les différents aspects du budget de l’Etat et de la sécurité sociale. Dans le scénario le plus favorable au gouvernement, seulement deux 49,3 seraient nécessaires dans le cas où les budgets seraient adoptés par la commission paritaire paritaire, cette instance qui réunit sénateurs et députés, et qui est dominée par la macronie et la droite.
Bonne nouvelle pour Michel Barnier alors qu’Élisabeth Borne sort épuisée physiquement et politiquement de sa litanie du 49.3.
« C’est très fatiguant, on reste assis jusqu’à minuit dans une ambiance électrique. C’est dur et ça symbolise la difficulté d’exercer le pouvoir », résume le député LR Philippe Juvin.
« Barnier ne peut pas tomber » sans le soutien du RN
« Moins de 49,3 a aussi moins de chance de tomber lors d’une motion de censure », reconnaît aussi un député macroniste. Un point positif pour le gouvernement puisque le député RN Sébastien Chenu a déjà expliqué que le RN « ne votera pas le budget ».
« On a soulevé le risque de la censure pendant des mois sans jamais le faire. J’ai l’impression que le RN va faire pareil. Et sans le soutien du RN pour le renverser, Barnier ne peut pas tomber », argumente cependant un député LR. proche de Michel Barnier.
Un élu du Modem se moque déjà et pointe le risque de démonétisation du Premier ministre à l’issue des débats. « Censure ou pas, on risque encore de voir à travers son costume à la fin du budget. »