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« Avec la fast fashion, on se dirige vers un mur »

« Avec la fast fashion, on se dirige vers un mur »

Dans la Manche, l’association Tri Tout solidaire implore les donateurs de reporter leurs versements. La chaîne de collecte est encombrée de tissus de mauvaise qualité. La crise est internationale : les trieurs ne trouvent plus assez de débouchés pour nos vêtements qui vieillissent trop vite.

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A Saint-Lô, les sacs s’entassent à l’entrée de la déchetterie. C’est une montagne vertigineuse de vêtements. Tout trier La solidarité est débordée. « Ça fait un mois que ça dure, c’est la première fois que ça dure à ce point »indique Elisa Loupil qui est en charge de la communication.




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A la déchetterie de Saint-Lô (Manche)



©France Télévisions

L’association s’est donc adressée à ses donateurs sur les réseaux sociaux. Elle leur demande de reporter les dons jusqu’à ce que la situation s’améliore. L’entreprise Gebetex, chargée d’enlever les sacs à vêtements, n’arrive pas à suivre le rythme. « Nous recevons trop de dons, calcule Elsa Loupil. Notre partenaire ne peut plus tout récupérer car il n’y a pas assez de débouchés ».

« À Saint-Lô, j’évacue le même volume qu’avant, mais il y a beaucoup de petites associations et de trieurs qui ont arrêté leur activité. Tout va dans les bacs de récupération et ça s’accumule », explique Paul-Antoine Bourgeois, le gérant de Gebetex. L’entreprise basée à Vernon (Eure) collecte 20 000 tonnes de textiles par an dans toute la France.

Fast fashion et ultra-fast fashion : toujours moins cher, toujours plus volumineux

La plupart des structures de l’économie sociale et solidaire sont confrontées à la même congestion. A Caen, « il y a un gros problème en ce moment avec le textile »reconnaît Chiffo. L’association se débrouille comme elle peut pour ne pas se laisser déborder. Le président de Chiffo relaie cependant que «les tonnages collectés au cours de l’été ont augmenté de 40 %. Christine Juillet note que «tous les particuliers de la région qui ne trouvaient plus acheteur pour leurs textiles les jetaient dans nos points de collecte. »

« La crise est internationale », explique le directeur de Fil & Terre, la déchetterie du Cotentin. Matthieu Giovannone préside également le réseau Tissons la Solidarité qui regroupe 70 structures d’économie sociale et solidaire.

« Sur tous les textiles déposés dans les points de collecte, nous récupérons 10 %. Ce sont les vêtements de seconde main que nous vendons dans nos magasins. Le reste est envoyé vers les plateformes de tri. Une partie est recyclée, l’autre est exportée. pour être réutilisés en Afrique, mais ce marché est en diminution. Nous avons eu des chiffres des douanes. Les exportations de vêtements d’occasion diminuent d’année en année.

Le gérant de Gebetex le confirme : « Les marchés africains ferment. Nos vêtements de seconde main sont en concurrence avec les vêtements neufs chinois. Paul-Antoine Bourgeois se rendra au Togo dans les prochains jours pour mieux comprendre la problématique.

Quand on demande 1 euro pour un vêtement, les Chinois vendent le neuf à 30 centimes. Nous ne savons pas d’où il vient ni comment il est fabriqué. Zéro transparence.

Paul-Antoine Bourgeois

Gérant de Gebetex

« Nous arrivons à la fin d’un schéma, estime Mathhieu Giovannone. Il faut se dire qu’on ne va plus pouvoir continuer à exporter des vêtements pour les réutiliser”. En France, une éco-contribution est prélevée sur la vente de chaque vêtement neuf afin de financer l’entretien des produits en fin de vie. « Cet argent doit soutenir le recyclage des textiles. Nous sommes techniquement capables de transformer la fibre en tissu.

Sur le marché du recyclage, Gebetex doit également faire face à la concurrence chinoise. « Nous récupérons le tissu en coton. Nous le vendons à une entreprise qui fabrique des chiffons. Vous réalisez que les nouveaux chiffons d’essuyage chinois coûtent désormais moins cher ! L’entreprise qui m’a acheté des t-shirts à 14 centimes le kilo avant l’été me les reprend aujourd’hui à 4 centimes.« .

Gebetex dispose désormais de son propre centre de tri. Une nouvelle usine est actuellement en construction près de Vernon. Cela permettra de mieux répondre aux besoins, même si le métier est parfois décourageant. « Sur internet, les gens achètent des t-shirts à 2 euros. C’est jetable. Le problème quand on le récupère, c’est qu’on a trop de doutes sur la composition du tissu. C’est souvent du synthétique. On ne peut rien faire avec. Je il faut payer pour qu’il soit transformé en carburant… »

A Saint-Lô, pour contourner les embouteillages sans pénaliser votre magasin, Tri Tout Solidaire suggère de « faire don de vêtements de BONNE qualité directement à la friperie ». Elsa Loupil insiste sur la « bonne qualité ». Depuis plusieurs années en effet, dans les sacs que déposent les donateurs, la proportion de vêtements en bon état ne s’améliore pas.

« Avant, les gens donnaient ce qu’ils ne portaient plusobserve Matthieu Giovannone. Aujourd’hui, nous sommes concurrencés par leboncoin et Vinted. Maintenant, ils nous disent : je vous le donne parce que je n’ai pas pu le vendre. ». Ce qui reste n’est pas le premier choix.

« Il y a une surconsommation de vêtements avec la fast fashionnote Elsa Loupil de Tri Tout Solidaire. Et c’est de mauvaise qualité. ». Le gérant de Gebetex est d’accord : « La fast fashion déséquilibre l’amont et l’aval du commerce textile. Nous les avons laissés s’emparer de tout le marché sans que rien ne se passe et nous nous sommes heurtés à un mur.»

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