« Le mal n’existe pas » est une expérience sensorielle et plastique fascinante qui parle de la nécessité et de l’urgence de préserver l’équilibre de la nature.
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Après Conduire ma voiture en 2021, le réalisateur japonais Ryūsuke Hamaguchi propose un nouveau long-métrage puissant et unique, né d’un projet avec le compositeur Eiko Ishibashi. Le mal n’existe pas, Lion d’argent de la 80e édition de la Mostra de Venise, sort en salles le 10 avril.
Takumi vit seule avec sa fille au milieu d’une forêt près d’un village près de Tokyo. « Homme à tout faire », il mène une vie simple avec les autres membres de la communauté, en harmonie avec la nature qui l’entoure et qu’il connaît bien. Un projet de « Glamping » (camping glamour) dans la région va bouleverser la vie de Takumi et de tout le village, alors qu’en filigrane, il y a un drame.
Le film s’ouvre sur un très long travelling sous les arbres, la caméra tournée vers le ciel, accompagné d’une musique envoûtante, composée de boucles qui s’enchaînent à l’infini. Puis le son s’arrête brusquement, pour laisser apparaître une petite fille, petit chaperon bleu dans les sous-bois, qui court pour rentrer chez elle.
On ne sait pas quoi, ni quand, mais dès les premières images, et dès les premières notes, on sait qu’un drame se prépare. Puis le scénario nous entraîne sur une autre piste, celle d’une chronique sociale et écologique, dans laquelle deux mondes s’opposent : celui des citadins, de leur arrogance et de leur cupidité, et celui d’une communauté vivant au plus près. la nature, dans le respect de la faune, de la flore et de l’eau de source qui alimente tout le village et permet à l’un des habitants de confectionner les meilleures soupes udon de la région.
Ce qui descend irrémédiablement de l’amont vers l’aval, le chemin des cerfs, les équilibres à préserver… Tandis que Takumi se charge de montrer à quoi ressemble la vie du village aux deux agents du projet « Glamping » venus tenter de convaincre de l’intérêt du projet, le drame finit par arriver, alors qu’on ne l’attend plus.
Un projet musical
Ce dernier film du réalisateur japonais est né d’un projet avec Eiko Ishibashi, le compositeur de la musique de son précédent film, Conduire ma voiture. Hamaguchi a créé des images pour cadeau, un concert live d’Ishibashi, puis ces images ont alimenté le nouveau long métrage de Hamaguchi, dont la bande originale a été composée par Ishibashi.
Cette genèse particulière, mais aussi tant d’autres choses savamment orchestrées, donnent une texture extrêmement singulière à ce nouveau film de Ryūsuke Hamaguchi qui, dès les premières images et sons, nous enveloppe et nous plonge dans un état presque hypnotique.
Tanaki accomplit les gestes ancestraux du quotidien – aller chercher de l’eau, couper du bois – avec la minutie et la lenteur qui s’imposent, tandis que sa fille s’ébattre dans les bois, insouciante. Hamaguchi filme cette vie simple, la lumière et la beauté de la nature, comme s’il s’agissait d’un monde précieux, à préserver, un monde presque irréel, déjà presque disparu.
Le réalisateur construit son film comme une partition musicale augmentée d’une ligne pour les images, composant un tout parfaitement orchestré par un montage à la précision métronomique, avec ces notes diaboliques posées jusqu’au drame sur les images d’un paradis perdu.
Fable écologique d’une beauté saisissante et thriller implacable, dont l’issue, sèche comme une hache, est laissée à l’interprétation du spectateur, ce nouveau film de Ryūsuke Hamaguchi est une merveille, offrant au spectateur une nouvelle sorte d’expérience cinématographique.
La feuille
Genre : Drame
Directeur: Ryūsuke Hamaguchi
Acteurs: Hitoshi Omika, Ryo Nishikawa, Ayaka Shibutani
Pays : Japon
Durée : 1h47
Sortie : 10 avril 2024
Distributeur : Distribution Diaphana
Synopsis : Takumi et sa fille Hana vivent dans le village de Mizubiki, près de Tokyo. Comme leurs aînés avant eux, ils mènent une vie modeste en harmonie avec leur environnement. Le projet de construction d’un « camping glamour » dans le parc naturel voisin, offrant aux citadins une évasion confortable dans la nature, mettra en péril l’équilibre écologique du site et affectera profondément la vie de Takumi et des villageois. .