Avec « Born in the USA », Bruce Springsteen a écrit un blues contestataire autant qu’un hymne patriotique.
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Jusqu’en 1984, une pochette d’album montrant un bassin masculin en jean faisait référence à la Doigts collants (1971), Les Rolling Stones. Andy Warhol a même conçu une fermeture éclair qui s’ouvrait sur une photographie des sous-vêtements du mannequin, dont on a faussement dit qu’il s’agissait de Mick Jagger. Treize ans plus tard, le visuel de Né aux États-Unis propose au recto le verso de Doigts collants. Prise par Annie Leibovitz, devenue célèbre en tant que portraitiste de stars du rock pour le magazine Pierre roulanteL’image, cadrée sous les épaules et au-dessus des ischio-jambiers, met majestueusement en valeur le postérieur de Bruce Springsteen. Max Weinberg a fait rire ses camarades du E Street Band en faisant remarquer que cette vue du leader est la sienne depuis sa position de batteur.
Jean bleu, tee-shirt blanc et casquette rouge. Les deux dernières couleurs sont reprises par les bandes horizontales du drapeau américain en arrière-plan. Deux détails seront à l’origine de légendes urbaines. Dans la poche arrière du jean pend le couvre-chef du joueur de baseball. Certains se persuaderont néanmoins qu’il s’agit d’un bandana, en réalité porté à l’époque comme bandeau par Springsteen. Le malentendu leur permet de prétendre que le chanteur fait ici son coming out, en adoptant le « code du mouchoir » utilisé par les homosexuels pour indiquer leurs préférences sexuelles. « En y repensant, quand je regarde ces photos, je me dis que j’ai juste l’air gay., Cependant, Springsteen est d’accord dans son autobiographie Né pour courir (Albin Michel, 2016). Je suis sûr que j’aurais trouvé ma place dans n’importe quel bar cuir de Christopher Street.la rue de la fierté LGBT à New York.
Quant à la position du bras droit, la main cachée, elle est très suspecte : le rocker ne commettrait-il pas un délit d’outrage en se soulageant sur la bannière étoilée ? Une élucubration proprement surréaliste pour un album plus souvent dénoncé comme une exaltation virile du nationalisme américain… Sur deux bases : le symbole patriotique déployé et, surtout, une interprétation durablement erronée de la chanson-titre.
Des hommes mutilés et traumatisés
La genèse de Né aux États-Unis remonte à la lecture de Springsteen de Né le 4 juilletAutobiographie de Ron Kovic, vétéran de la guerre du Vietnam, publiée en 1976. Oliver Stone la portera à l’écran en 1989, avec Tom Cruise dans le rôle de ce marine, revenu dans son pays paraplégique en 1968 et devenu militant pour la paix. Toujours bouleversé par l’histoire, Springsteen rencontre Kovic par hasard à Los Angeles. Une amitié naît alors qui se prolonge à travers cette relation avec Bobby Muller, cofondateur de Vietnam Veterans of America.
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