«Je me souviens très bien du 28 février (2024). Dans l’après-midi, la rédaction a été convoquée à une réunion extraordinaire. On s’est dit : « Ça doit être quelque chose de grave ». A aucun moment nous n’avons envisagé la possibilité que nous soyons informés de notre acquisition par LVMH. » Sept mois plus tard, Pierre (son prénom a été modifié à sa demande) n’a pas oublié le soulagement qu’il a ressenti ce jour-là. Changer de propriétaire signifiait avant tout quitter le giron de Vivendi, auquel appartenait le titre (avec Le journal du dimancheEurope 1, Europe 2) puisqu’en 2020 Vincent Bolloré est devenu le premier actionnaire du groupe Lagardère – avant de le racheter.
Participer à la transformation de Paris-Matchd’un magazine d’information populaire et people de 75 ans, en un organe au service de l’idéologie catholique et ultra-conservatrice de l’industriel breton lui paraissait chaque jour plus insurmontable. mardi 1euh En octobre, le magazine est devenu un « Maison à part entière » du groupe LVMH, comme l’écrit Bernard Arnault dans un communiqué. Soit une entreprise indépendante des autres titres de presse qu’elle détient, et une marque du groupe de luxe au même titre que Berluti ou Dom Pérignon. Jean-Jacques Guiony, le directeur financier du groupe, en est le président.
Après avoir vu dix journalistes activer la clause de transfert depuis 2022 (le chiffre d’une trentaine de départs, plus ou moins volontaires, ces quatre dernières années reste invérifiable), la rédaction d’environ quatre-vingts personnes devrait, selon nos informations, s’étoffer rapidement, grâce aux nouvelles embauches et au recours à des écrivains prestigieux. Trois personnes de l’ancienne équipe sont confirmées à leurs postes. L’actuel directeur général de la rédaction, Jérôme Béglé, devient également directeur de la publication, et devrait garder à ses côtés Stéphane Albouy, directeur adjoint. Pierre-Emmanuel Ferrand, en charge du digital et du marketing, conserve également son titre de directeur général.
Avec Philippe de Villiers en Une, le dernier numéro de l’ère Bolloré, bouclé au moment où les 120 millions d’euros convenus par l’acquéreur étaient transférés au vendeur, ressemble à l’ultime provocation. Jusqu’au bout, l’angoisse d’avoir à nouveau honte du journal n’a pas quitté bon nombre de journalistes. « Il ne reste que dix jours »nous disions-nous, en interne, lorsque l’édition du jeudi 19 septembre portait en couverture les religieuses du monastère du Blanc, dans l’Indre.
Depuis le tapis rouge déroulé au cardinal ultraconservateur Robert Sarah, en juillet 2022 – qui avait fait perdre son poste à l’ancien rédacteur en chef Bruno Jeudy, porteur de la protestation unanime de la rédaction –, la fréquence des front les pages consacrées à la religion catholique ont attristé les équipes. Le profil des auteurs retenus pour rédiger ces articles (le rédacteur en chef de l’extrême droite catholique Nicolas Diat, le présentateur d’« En quête d’esprit », sur CNews, Aymeric Pourbaix) et la qualité journalistique très relative de certains textes (le récit de la crèche de Noël, racontée à l’hiver 2023 par l’essayiste catholique traditionaliste Anne Bernet, était plus une exposition qu’un article de presse) ajoutait à la consternation.
Il vous reste 71,3% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.