Avec 12 ans de retard, l’EPR de Flamanville se prépare à produire de l’électricité
Le réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche), dont le chantier fluvial a connu de multiples déboires, a franchi mardi une étape historique en réussissant la première fission nucléaire, mais le vaisseau amiral d’EDF doit encore subir de nombreux tests avant d’alimenter le réseau électrique.
– Qu’est-ce que le « divergence »?
Après avoir chargé les crayons d’uranium dans le cœur du réacteur en mai, EDF a mené ces derniers mois une série d’essais à froid et à chaud, qui ont abouti lundi à l’obtention du feu vert de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour lancer la première réaction de fission nucléaire. Dans le jargon, on parle de « divergence »une étape cruciale dans le démarrage du réacteur.
Au final, il a fallu environ quinze heures pour arriver à cet état de « divergence »à « 15h54 » mardi, a annoncé EDF.
« Cette première réaction nucléaire marque le début de la montée en puissance, par étapes successives, de l’EPR de Flamanville »qui mijote actuellement à 0,2% de sa puissance nominale.
Concrètement, la première réaction nucléaire se produit lorsqu’un neutron brise le noyau d’un atome d’uranium, ce qui libère une grande quantité d’énergie et d’autres neutrons, qui à leur tour conduisent à d’autres réactions nucléaires.
Dans la salle de contrôle, une répétition de bruits de marteau – « toc-toc-toc » illustrant l’éjection des neutrons – aide à guider les opérateurs tout au long de ce processus.
– Quelles sont les prochaines étapes ?
Les équipes d’EDF vont désormais démarrer « un programme de test complet » ce qui permettra de mettre en place progressivement les installations sur plusieurs semaines « aux conditions de raccordement du réacteur au réseau » électrique, a expliqué lundi soir Régis Clément, directeur adjoint de la division production nucléaire d’EDF.
Le réacteur sera alors à 25% de sa puissance et commencera à fournir de l’électricité aux ménages.
La réaction en chaîne produit une grande quantité de chaleur qui permet de chauffer l’eau à 320 degrés, dont la pression de vapeur fait tourner une turbine qui à son tour entraîne un alternateur pour produire de l’électricité.
L’énergéticien espérait raccorder son nouveau réacteur de nouvelle génération au réseau d’ici la fin de l’été, mais ce sera finalement vers la fin de l’automne.
Là encore, le travail sera « loin d’être fini »parce qu’EDF va « parvenir à une augmentation progressive, étape par étape, de la puissance sur plusieurs mois »Selon M. Clément. Compte tenu du nouveau retard, EDF, qui avait donné rendez-vous en fin d’année pour obtenir la pleine puissance du réacteur à 100%, n’a cette fois pas communiqué de nouvelle échéance.
Le réacteur, 57e unité nucléaire du pays et la plus puissante (1.600 MW), fonctionnera pendant un cycle d’environ dix-huit mois, avant une visite de maintenance complète en 2026 et le remplacement du couvercle de la cuve, en raison d’anomalies connues de longue date.
– Pourquoi est-ce historique ?
Comme le rappelle l’historien du nucléaire Michaël Mangeon sur la chaîne X, cela fait un quart de siècle que la France, pays qui compte le plus de centrales nucléaires par habitant, n’a pas démarré un nouveau réacteur, « depuis 1999 et le réacteur nucléaire de Civaux 2 »à Vienne.
De plus, ce lancement intervient 20 ans après le premier feu vert officiel donné à ce projet. A l’époque, le Premier ministre s’appelait Jean-Pierre Raffarin et le numéro 10 de l’équipe de France de football était Zinédine Zidane.
La décision date donc de bien avant la présidence d’Emmanuel Macron, mais compte tenu de la volonté de relancer le nucléaire qu’il a exprimée lors de son discours de Belfort en 2022, la mise en service de l’EPR constitue une étape importante dans la politique nucléaire française, entre la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim en 2020 et la construction des six futurs réacteurs EPR2, dont la mise en service de la première paire est annoncée pour 2035.
L’ONG anti-nucléaire Greenpeace a également critiqué « un faux départ ou plutôt un départ politique ». « EDF fait de la divergence un événement sensationnaliste pour semer la confusion dans le grand public, alors que nous sommes loin d’un démarrage industriel efficace »a déclaré Yannick Rousselet, consultant en sécurité nucléaire pour Greenpeace France.
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