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Avant de plonger dans la Seine, comment les triathlètes s’habituent-ils à nager dans des eaux agitées ?

Les triathlètes, qui s’apprêtent à plonger dans la rivière parisienne, sont habitués à nager dans des eaux polluées. Malgré les précautions et les contrôles renforcés, les risques de maladie existent.

« Quelqu’un d’autre a une question qui ne concerne pas la qualité de l’eau ? » Il y a quelques semaines à peine, en plein préparatifs des Jeux olympiques de Paris 2024, le triathlète français Dorian Coninx ne cachait pas son agacement lorsqu’on l’interrogeait sur l’état de la Seine. Cette épreuve de natation, organisée dans les eaux du fleuve parisien, a suscité de nombreuses polémiques et interrogations. Est-elle suffisamment saine pour s’y baigner ? Officiellement oui, même si les critères de validation de la qualité de l’eau sont largement discutables, selon les experts consultés par franceinfo. Preuve que tout n’est pas encore parfait, un mois avant le départ des hommes pour le triathlon, mardi 30 juillet, la rivière était toujours considérée comme trop polluée pour accueillir des épreuves.

Être propre ou ne pas l’être ? C’est la question que se posent peut-être les adeptes du triple effort. Mais à les écouter, pas vraiment. Car nager dans une eau potentiellement usée fait partie de leur routine de compétition, comme ce fut le cas lors du « test event » organisé le 17 août 2023 à Paris. « « On ne se préoccupe pas plus des épreuves parisiennes que des autres compétitions, c’est un peu notre lot commun »confirme le directeur technique national de la Fédération française de triathlon (FFT), Benjamin Maze.

« Des épreuves internationales de triathlon se sont développées ou se déroulent dans des lieux que l’on pourrait qualifier d’étonnants »euphémise Claude Marblé, médecin du sport, exerçant au sein de la FFT depuis trente ans et ancien médecin des équipes de France accompagnant les triathlètes d’élite sur trois JO (Pékin, Londres et Rio). Ainsi, le port de Yokohama, au Japon, le port de Hambourg, troisième port européen en termes de fret maritime, le lac artificiel Serpentine à Londres où se déroulaient les eaux de la baie de Rio, où se déroulaient les compétitions, sont « des sites plutôt risqués »selon lui.

En tant qu’homme habitué aux eaux troubles, il était recruté comme responsable médecin du sport par Paris 2024, pour être chargé de coordonner les soins et les secours sur le Pont Alexandre III. « Ce problème de qualité de l’eau est caractéristique des zones très urbaines »confirme le triathlète français Léo Bergère. Cependant, toutes les compétitions du circuit mondial ne suscitent pas d’inquiétudes et s’entraîner en piscine permet d’éviter de prendre des risques au quotidien.

Malgré la psychose qui l’entoure, le « test event » parisien organisé l’été dernier n’a pas provoqué de désagrément majeur. « Nous avons pu nager sans problème, personne n’est tombé malade, donc honnêtement, ce n’est pas quelque chose qui m’inquiète. »rassure la triathlète française Emma Lombardi. « Pour moi, ce n’est pas un problème »évacue même Dorian Coninx. Cependant, leIl existe des exemples de courses ayant entraîné des problèmes de santé. Début juin, une trentaine de personnes ont souffert de problèmes gastriques et de nausées après avoir participé au triathlon de Dijon et nagé dans le lac Kir, rapporte France 3 Bourgogne-Franche-Comté.

L’an dernier, quelques jours avant la course d’essai dans la Seine, près de 60 athlètes avaient souffert de diarrhées et de vomissements après avoir nagé lors de l’étape des Championnats du monde de triathlon à Sunderland (Royaume-Uni). « Je me sens assez mal depuis la course, mais j’imagine que c’est ce qui arrive quand on nage dans la merde. »a tonné le triathlète australien Jake Birtwhistle sur Instagram, dans un message accompagnant les analyses de l’eau.

Chez les sportifs, la qualité de l’eau n’a pas toujours été une préoccupation. « Jusqu’au milieu de ma carrière, je n’avais aucune idée que l’eau pouvait être si dangereuse »raconte Frédéric Belaubre. L’ancien triple champion d’Europe de la discipline, au début des années 2000, se souvient d’une épreuve en France organisée dans une « eau brune« , juste après un épisode pluvieux intense.

« Certains participants ont eu une simple gastro-entérite, mais pour un petit nombre, c’était beaucoup plus grave, à tel point qu’ils n’ont pas pu terminer la saison ou reprendre l’entraînement. »

Frédéric Belaubre, triathlète

à franceinfo

Yann Guyot, spécialiste du « half Ironman », une distance de triathlon plus longue que le format olympique, dit avoir déjà « j’ai nagé à côté de poissons morts à la surface, ce qui n’est pas forcément un signe de bonne qualité » de l’eau. Malgré des conditions loin d’être optimales, tous les nageurs ne ressortent pas malades de leur baignade. « Cela dépend aussi du système immunitaire de chacun. Nous n’avons pas forcément tous les mêmes, ni les mêmes réactions. »dit Emma Lombardi. « Les athlètes de haut niveau ont des défenses immunitaires plutôt faibles, explique Claude Marblé, « Le statut immunitaire d’un athlète suit une courbe ascendante, mais à un certain niveau de pratique, environ 20 à 25 heures d’entraînement par semaine, il diminue. » Et les organismes sont exposés à des maladies contre lesquelles ils doivent nécessairement se protéger.

Pour renforcer leurs défenses immunitaires, les sportifs peuvent prendre des probiotiques, selon le médecin-conseil. A la veille d’une course, certains optent pour des antibiotiques, une pratique déconseillée par Claude Marblé. Mais la pratique la plus courante est d’ingérer, avant de sauter dans l’eau, « une pastille de chlore diluée dans un verredit le docteur. Ce n’est pas très bon, mais cela peut aider, car le chlore est un désinfectant de l’eau. En plein effort, le sang va aux muscles, qui nécessitent beaucoup d’oxygène, et épargne le cerveau, le foie, les reins, le cœur et le tube digestif.

« Le verre d’eau chlorée restera dans l’estomac pendant un certain temps. Si l’athlète avale de l’eau pendant la course, elle peut être désinfectée dans l’estomac grâce au chlore. »

Claude Marblé, médecin du sport

à franceinfo

Le triathlète français Pierre Le Corre, lui, avale « parfois Smecta (un antidiarrhéique) « avant les courses »il dit le Mondepour réduire les risques. Étant donné que la natation du triathlon se déroule en départ groupé, en confrontation directe et sans les couloirs utilisés dans la piscine, elle « Il semble un peu inévitable d’avaler de l’eau »le docteur respire. Mais malgré ces précautions, qui ne sont que des recommandations et non des obligations, une gastro-entérite peut survenir. « Il existe aussi des risques plus insidieux, comme les parasites, présents sur les canards, qui peuvent provoquer des irritations cutanées. Ou encore liés aux algues rouges et vertes qui peuvent entraîner des risques respiratoires. »énumère Claude Marblé.

Le médecin du sport souligne également « un risque plus rare »lié à la présence de rats, porteurs de la bactérie responsable de la leptospirose. Si cette bactérie est présente dans l’eau et qu’un athlète présente des lésions cutanées ou avale de l’eau, il peut contracter la leptospirose. Elle peut provoquer des symptômes grippaux et une intoxication hépatique, « qui peut parfois prendre une forme grave, voire mortelle »observe le docteur. « On sait qu’il y a des rats à Paris, mais on ne sait pas s’ils ont été chassés. »Il précise que le risque de contracter cette maladie, qui touche environ 600 personnes par an en France selon l’Institut Pasteur, « est très, très faible, mais pas nul » et qu’un vaccin existe contre la forme la plus grave.

Face à l’augmentation des cas de maladies après les événements, les autorités internationales se sont saisies du problème depuis une dizaine d’années. Cette démarche a accompagné l’arrivée de normes européennes sur la qualité des eaux de baignade, qui se mesure selon quatre niveaux. Deux germes sont analysés, E.coli et les entérocoques. Selon leur niveau de prolifération, l’eau est jugée polluée ou non. « Si les eaux ne sont pas classées comme étant de très bonne qualité, la baignade doit être annulée »souligne les règlements de la Fédération Internationale de Triathlon.

Ces outils de mesure sont les garants de la santé des sportifs. « Nous savons que certains endroits ont des conditions plus délicates, mais les procédures et les protocoles médicaux existent pour réduire les risques. »assure la Directeur Technique National de la Fédération Française de Triathlon, Benjamin Maze : Les contrôles et la rigueur sont les bienvenus, car les sportifs ont parfois du mal à détecter les risques. « Quand on nage dans les ports, il n’y a pas d’odeur, l’eau est bonne, la couleur aussi, ça donne envie de nager. Il n’y a aucun indicateur visible qui puisse faire penser qu’on ne sait pas nager »affirme Frédéric Belaubre.

Quoi qu’il en soit, la décision de maintenir l’événement reste entre les mains des organisateurs. Les triathlètes, eux, n’ont pas vraiment leur mot à dire. « Leur travail est arriver prêt à affronter n’importe quel obstacle »résume l’ancien champion d’Europe. Pas pour analyser la qualité de l’eau ni pour juger celle d’un parcours. C’est peut-être pour cela « On ne se pose pas la question du danger, conclut Dorian Coninx« On a plus peur du risque de chuter à vélo que des conséquences possibles d’une baignade dans une eau pas très propre. » Victime d’une double fracture au coude et au poignet lors d’une compétition à vélo il y a un peu plus de deux mois, le champion du monde français en sait quelque chose.

Jeoffro René

I photograph general events and conferences and publish and report on these events at the European level.

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