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Aux Rencontres économiques d’Aix, les patrons entre colère et désarroi

 » Nous sommes passés de « Choisir la France » à « Pourquoi la France ?« C’est une sorte de mini-Frexit de la part des investisseurs. « , assure Matthieu Courtecuisse, PDG fondateur du cabinet de conseil Sia Partners. Ce dirigeant, qui vit à New York, regrette que  » La France, jusqu’ici admirée dans le monde pour son attractivité et sa politique pro-business, est aujourd’hui en voie de déclassement « .

Elections législatives : l’économie française retient son souffle

Les causes sont la dissolution, l’instabilité politique et la montée des extrêmes lors de cette élection législative : «  En quelques semaines, la confiance qu’Emmanuel Macron avait mis des années à restaurer auprès des chefs d’entreprise, notamment étrangers, a été mise à mal. « , assure-t-il. Et de signaler cet aveu d’un investisseur américain qui a déjà renoncé à implanter un site hydrogène en France avec quelques centaines d’emplois à la clé. Trop risqué compte tenu de la situation politique, de la crainte d’une hausse massive de la fiscalité ou encore de la montée des tensions sociales et des grèves à venir. Tant et si bien que, selon eux, la radicalité ne permet pas le dialogue ni la discussion constructive.

Observation amère

«  Ce qui me tient éveillé la nuit, c’est la cohésion sociale au sein du groupe Michelin, et plus largement dans la société. « , confie Florent Menegaux, le patron du numéro un mondial du pneumatique, qui, dans ses messages internes, invite régulièrement ses salariés à voter. Sans évidemment donner de consignes. Et le dirigeant d’ajouter :  » Pour le reste, lundi matin, on ne sait pas ce qui va se passer. »

Aussi, dans la douceur provençale de l’été, sous le chant des grillons, l’ambiance aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence est morose. En raison de la période de réserve, les politiques ont été priés de rester chez eux. Les patrons, eux, ont maintenu leur présence, mais souvent avec une équipe réduite. Certains ont toutefois annulé des festivités ou des séminaires en marge de l’événement.

Et pour cause, le cœur n’y est pas : les élections occupent toutes les conversations.
Entre inquiétude et colère, chacun constate que le ralentissement économique a déjà
commencer.  » Ce mois de juin, sur notre site, nous avons enregistré 16% d’offres d’emploi en moins postées par rapport à juin dernier. « , révèle à La Tribune Dimanche Gilles Gateau, le directeur général de l’Association pour l’Emploi des Cadres (Apec). Certes, la tendance était déjà légèrement à la baisse depuis plusieurs mois, mais le frein n’avait pas été aussi violent.

Aux Rencontres d’Aix-en-Provence. (Crédit : © LTD / AURELIA FAUDOT)

Même constat pour Myriam El Khomri, ancienne ministre du Travail et directrice du centre de conseil Diot-Siaci : « Le travail temporaire, indicateur avancé de l’emploi, a diminué en juin dans les services et la construction. » Alain Roumilhac, Président de ManpowerGroup France et Europe du Sud, confirme : « Les employeurs attendent plus de clarté avant de commencer à recruter. Ils gèlent les embauches et les reportent à la fin de l’été. » Membre du bureau exécutif du Medef, Dominique Carlac’h rapporte le cas d’une PME en innovation qui « depuis le 10 juin, le lendemain de la dissolution, n’a pas reçu une seule commande » : « Un signe que le monde de la recherche et des nouvelles technologies est en pause. Il est temps de suspendre son vol ! »

Le même constat amer dans la construction : « C’est dommage, car avec la baisse des taux d’intérêt, l’activité avait commencé à reprendre ces derniers mois, mais maintenant nous faisons un pas en arrière. « , déplore Véronique Bédague, PDG de Nexity, premier promoteur immobilier français.

A la tête de Business France, Laurent Saint-Martin tente néanmoins de rassurer : « Nous recevons de nombreux appels d’investisseurs étrangers qui s’interrogent sur cette situation. Nous sommes là pour leur expliquer que, quoi qu’il arrive, le président de la République ne change pas, et que c’est lui qui mène la politique d’attractivité. »

« Phénomène de surréaction »

L’économiste Laurence Boone, ancienne secrétaire d’État chargée de l’Europe sous Emmanuel Macron, reçoit également de nombreux appels de personnalités européennes qui s’interrogent : « Ils ne comprennent pas notre Constitution, veulent des explications sur une éventuelle cohabitation et sur les différents scénarios possibles… »

Mais, pour Jean-Roch Varon, président d’EY France, grand cabinet d’audit et de conseil qui mesure chaque année l’attractivité de la France, « Il ne faut pas entrer dans un phénomène de surréaction aux élections démocratiques. » : « Le monde des affaires ne va pas s’effondrer demain. Les investisseurs regarderont le cadre économique que le nouveau gouvernement leur donnera, leurs décisions seront rationnelles. Et si ce qui leur est proposé ne leur est pas positif, ils se détourneront de la France. »

Sans attendre les résultats du vote de ce dimanche, le monde des affaires étudie déjà des solutions de repli. L’Allemagne va profiter de l’affaiblissement de la France. Mais aussi le Royaume-Uni qui, ironie du sort, prend le chemin inverse et vient de porter le Labour au pouvoir. A Aix-en-Provence, beaucoup estiment qu’il faudra une décennie pour que l’économie se remette de cet épisode. En attendant, ce samedi soir, sous les cyprès, chacun savoure, comme une dernière parenthèse enchantée, cette édition 2024 qui s’achève. Et un patron du CAC 40 d’ajouter : « Comme sur le Titanic, l’orchestre aura joué jusqu’à la fin du naufrage. »

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.

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