Aux rassemblements parisiens contre la guerre à Gaza, un kaléidoscope de motivations

« Pourquoi est-ce que je manifeste pour la Palestine ? » L’homme lève un sourcil, réfléchit un instant : « La question est de savoir pourquoi nous ne sommes pas plus nombreux à faire cela ? Pour quiconque est de gauche, pour tout humaniste, c’est une cause évidente. Et pas seulement maintenant. » René, 65 ans, est un jeune retraité. Tous les samedis depuis début octobre, à Paris, il descend dans la rue. Qu’il pleuve, qu’il vente, que la manifestation soit interdite ou non, il est là. Comme la plupart des autres manifestants, il préfère ne pas donner son nom de famille, « pour ne pas avoir d’ennuis (s)nous sommes en quartier. Les gens sont tellement tendus qu’il est difficile d’avoir une discussion sur le sujet. ».
René s’est déjà rendu à plusieurs reprises dans les territoires palestiniens pour des missions de solidarité auprès de diverses organisations, dont l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), notamment lors de la cueillette des olives, souvent perturbée par les colons en Cisjordanie. Une forme de tourisme engagé qui s’est développée après la deuxième Intifada en 2000.
L’AFPS, qui est l’association la plus investie dans la durée et la plus crédible sur la question palestinienne en France, s’appuie sur un réseau solide mais vieillissant d’un peu plus de quatre mille militants, qui constituent le noyau dur des mobilisations actuelles contre le guerre menée par Israël à Gaza. Le militant type de l’AFPS est un homme ou une femme de plus de 60 ans sans lien familial, religieux ou communautaire avec le monde arabo-musulman. Il y a de nombreux fonctionnaires, enseignants et militants syndicaux. Bref, la gauche historique.
Pour la première fois depuis le 7 octobre, la gauche a défilé au grand complet samedi 18 novembre, malgré une mobilisation relativement faible – environ quarante mille personnes à Paris les trois premiers samedis de novembre. Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français, Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, et Mathilde Panot, chef de file des députés de La France insoumise, étaient présent. La détérioration dramatique de la situation des civils dans la bande de Gaza a temporairement fait taire les dissensions qui ont suivi le 7 octobre sur la qualification du Hamas comme mouvement terroriste ou de résistance.
Les femmes présentes en grand nombre
Schématiquement, il y a deux publics dans les manifestations pour la Palestine : ceux qui sortent par conviction et ceux qui sortent par identification. Les premiers proviennent du militantisme politique, syndical ou associatif, y compris auprès des jeunes. Ces derniers, qui se mobilisent surtout en période de crise, sont là par affinité culturelle, linguistique ou religieuse. Il s’agit d’un public moins structuré idéologiquement, mais acculturé dès sa plus tendre enfance à la question palestinienne. Pour ces immigrés maghrébins et descendants d’immigrés, les Palestiniens ne sont pas de lointains étrangers, mais des cousins dont le sort est parfois perçu comme le reflet paroxystique de leur propre situation, quels que soient leur âge ou leur statut social.
Il vous reste 80% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.
gn france