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Aux Philippines, le scandale d’Alice Guo, maire chinoise de Bamban

LETTRE DE BAMBAN

La maire de Bamban, Alice Guo, s'exprime lors d'une audience du Sénat philippin à Manille le 25 juin 2024.

Alice Guo, 38 ans, maire de Bamban, une petite ville de 80 000 habitants située à deux heures au nord de Manille, est chinoise. Elle a joué un rôle central dans la création d’un gigantesque centre chinois de fraude en ligne dans sa ville. Ce scandale et ses nombreuses ramifications, sur fond de conflit sino-philippin en mer de Chine méridionale, tiennent en haleine l’opinion publique philippine depuis six mois.

Tout a commencé en mars, lorsque la police antigang philippine, la Commission présidentielle sur le crime organisé (Paocc), a mené une opération nocturne dans un grand complexe de bureaux à Bamban. Un jeune Vietnamien portant des traces de coups avait pris la fuite plus tôt. Et l’ambassade de Malaisie a été alertée par l’un de ses ressortissants, qui affirme y être retenu contre son gré.

La police a découvert 678 employés – dont 383 Philippins, 218 Chinois, cinquante-cinq Vietnamiens et seize Malaisiens – dans le complexe baptisé Baofu Land, où opère une société détentrice d’une licence POGO (Philippine Offshore Gaming Operator), soit du jeu offshore. Ces casinos en ligne à destination des joueurs étrangers, notamment chinois, autorisés à l’initiative du président Rodrigo Duterte (2016-2022) à partir de 2016, cachent, notamment depuis la pandémie, des opérations de cyberescroquerie sous le contrôle des mafias chinoises, fléau en Asie du Sud-Est : les victimes sont harponnées sur des sites de rencontres et incitées à investir dans les cryptomonnaies, avant de tout perdre. Les « petites mains » de ces activités criminelles sont également séquestrées, et certaines torturées.

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Smartphones, cartes SIM, chambre de torture…

L’entreprise POGO de Baofu Land, déjà visée un an plus tôt par une perquisition pour irrégularités, semble être l’une d’entre elles. Dans les bureaux, la police a découvert des centaines de smartphones, des cartes SIM et une chambre de torture. La plupart des employés chinois n’ont pas de permis de travail. Plusieurs ont subi des sévices.

Quand Le monde En visitant le site en juin, on pouvait apercevoir derrière les portes vitrées scellées des lanternes chinoises et des inscriptions en mandarin. Le tout nouveau complexe s’étend sur 7 hectares, compte trente-deux bâtiments de deux ou trois étages et une piscine de 50 mètres de long. Surtout, il est séparé du bâtiment de la mairie par un terrain vague, sorte de salle de mariage à deux étages peinte en rose.

C’est ici qu’officiait Alice Leal Guo, élue en 2022. Très vite, il apparaît que presque tout dans les comptes de Baofu Land porte la trace, et le nom, de la jeune édile. C’est elle qui a investi dans le terrain en 2019 pour construire le complexe avec des partenaires chinois. C’est aussi elle qui avait obtenu une première licence POGO sous son prédécesseur. Elle s’est retirée de cette société pour briguer la mairie, mais des factures sont toujours à son nom, tout comme un véhicule retrouvé sur place. Elle est également à la tête d’une dizaine d’entreprises – élevage de porcs, abattoir, boucherie, immobilier – et a possédé un hélicoptère et plusieurs voitures de luxe.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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