La fracture du gros orteil ou le ligotage des parties génitales peuvent améliorer les performances des athlètes paralysés qui ne ressentent pas la douleur. Cette pratique extrêmement dangereuse est illégale, mais presque indétectable.
Face au contrôleur antidopage qui l’attend à son arrivée à Paris fin août, il rechigne. Il évoque un long voyage, la « décalage horaire ». Ce para-athlète étranger sera prêt à se soumettre à des analyses d’urine et de sang, mais « Le lendemain, après avoir dormi. » Après quinze minutes de négociations, l’athlète, dont le nom et la discipline doivent rester confidentiels, a finalement accepté de se plier. Avait-il quelque chose à cacher ? L’avenir nous le dira, selon le testeur qui nous a rapporté la scène.
Jamais auparavant les Jeux Paralympiques n’ont été surveillés avec autant d’attention. Le Comité international paralympique (IPC), qui coordonne les actions antidopage, prévoit collecter 2 700 échantillons d’ici la fin des essais de Paris, soit une augmentation de 25 % par rapport àaux Jeux de Tokyo il y a trois ans. L’EPO, uneStéroïdes anabolisants, hormones de croissance… La liste des produits recherchés est la même que pour les sportifs valides.
A une exception près : il existe une tricherie qui n’est pas détectée par les pipettes et qui ne nécessite aucun médicament. Son nom : le « boosting ». Des sportifs handicapés s’automutilent volontairement pour augmenter leur tension artérielle, et donc leur rythme cardiaque, et donc leurs performances. Certains se fracturent le gros orteil, d’autres se glissent des punaises dans les fesses, serrent excessivement leurs cuissardes, se lient les parties génitales, s’administrent des décharges électriques… Le catalogue des horreurs est presque sans fin.
Cela arrive généralement juste « avant le début d’un test », « avant d’entrer dans la chambre d’appel ». « Cela se manifeste par des visages très rouges, des visages en sueur, des corps tremblants. On voit que la personne ne va pas bien. On se dit qu’elle fait un malaise. », raconte à franceinfo un membre du corps médical, témoin de telles scènes ces dernières années.
Cette pratique, qui est interdite, concerne principalement les tétraplégiques et les paraplégiques, qui ne ressentent pas la douleur infligée en raison de leur handicap. « Chez les athlètes qui ont une blessure au-dessus de la septième vertèbre thoracique, la moitié inférieure du corps est épargnée par la douleur, mais pas par les réactions cardiovasculaires. »décrit le médecin de la Fédération Française des Sports Paralympiques, Frédéric Rusakiewicz« Toute anomalie au niveau du bassin ou des jambes peut déclencher une réaction de défense du système cardiovasculaire, et donc une augmentation de la pression artérielle dans la partie supérieure du corps, celle-là même que les athlètes utilisent pour leurs performances. »
Dans une étude publiée en 1994 dans la revue Moelle épinièreLes para-athlètes ont amélioré leur temps de course en fauteuil roulant de 9,7 % en moyenne après avoir distendu leur vessie en buvant copieusement avant le départ. Aucune douleur, mais un corps surchauffé pour répondre à l’alerte envoyée par la vessie. « Ce mécanisme est similaire à la prise d’une substance stimulante exogène. Il est donc normal qu’un gain de performance similaire soit attendu »confirme l’Agence mondiale antidopage, contactée par franceinfo.
En 2008, des médecins travaillant avec l’IPC ont interrogé des para-athlètes sur le recours au « boosting » : sur un total de 60 répondants, 10 ont admis avoir déjà essayé cette pratique, selon leur rapport remis à l’Agence mondiale antidopage. (Lien PDF). Quinze ans plus tard, l’étude n’a jamais été mise à jour. « Il n’y avait pas « affaire depuis de nombreuses années »le CIP promet aujourd’hui.
En France ? Rien de plus à signaler dans le « affaires récentes« , certifie l’Agence française de lutte contre le dopage. « Je n’en ai jamais vu à la maison »répond le docteur Frédéric Rusakiewicz. « Un boost ? Jamais entendu parler de ça. » esquive même un membre de l’équipe américaine de basket-ball en fauteuil roulant, rencontré à l’Arena Bercy le 29 septembre après un match contre l’Espagne.
Circulez, il n’y a plus rien à voir ? Pas tout à fait. Le CIP Restez vigilant. ChLa discipline aquatique présente à Paris a également fait l’objet d’une évaluation en fonction de son risque en termes de tricherie. Si le « Le « boosting » ne pouvant être détecté lors des contrôles antidopage classiques, les 130 préleveurs déployés pendant les Jeux ont pour mission de veiller au grain. « Nous avons le devoir de signaler les éléments suspects », confirme l’un d’eux, Pierre Légagnoux, à franceinfo. « Si je constate quelque chose d’anormal sur le corps de l’athlète ou dans son comportement, je le note par écrit dans un rapport complémentaire. Par exemple :exemple : « présence suspecte d’un hématome sur la cuisse ». Le « boosting » peut en effet laisser des traces sur le corps.
« Lors du test, on demande à l’athlète de soulever ses vêtements jusqu’à mi-torse et de baisser son boxer jusqu’à mi-cuisse. »
Pierre Legagnoux, échantillonneur antidopageà franceinfo
Une précaution absolument nécessaire, selon lui. « PPlusieurs athlètes m’ont parlé du « boosting » pour améliorer leurs performances.
En cas de doute ou de comportement étrange, l’IPC peut faire contrôler la tension artérielle d’un athlète, « À tout moment, n’importe où. » « Avant le début d’une épreuve, la tension ne doit pas dépasser 16. Si elle dépasse 16, on fait le point quelques minutes plus tard en salle d’appel. Et si jamais elle est jugée élevée, on met l’athlète à l’écart »commente un médecin. En 2008, 37 mesures de tension artérielle ont été prises lors des Jeux paralympiques de Pékin. Aucune n’a dépassé la limite légale, selon le CIP. Même chose à Londres, quatre ans plus tard, après 41 mesures. Les chiffres pour Rio en 2016 et Tokyo en 2021 ne sont pas disponibles.
Lors d’un « boosting », la tension peut monter jusqu’à 25 ou 26, révèle Frédéric Rusakiewicz, médecin de la Fédération Française Handisport. « Les athlètes ne devraient pas s’amuser à faire ça », répète-t-il d’un ton sérieux. « Ce n’est pas dans le sens de la performance, c’est même le contraire : c’est un coup à mourir! »
Cette pratique extrêmement dangereuse place l’athlète dans un état d’hyperréflexie autonome, une forme de réaction excessive du corps. ce qui augmente les risques accident vasculaire cérébral ou crise cardiaque. « Il faut être fou pour être aussi énervé. » commente un para-athlète britannique en fauteuil roulant, rencontré sur le Champ-de-Mars dimanche. « Jouer Avec la vie pour quoi ? Un peu de reconnaissance, de gloire et d’argent ? Moi, jamais. Etre aux Jeux paralympiques devrait déjà être une victoire pour nous tous.
Depuis le début des Jeux paralympiques de Paris, Pierre Legagnoux, contrôleur antidopage, est affecté au triathlon, à l’escrime, au taekwondo et au village des athlètes. « RAS »: « Àtoute observation physique particulière » sur les corps des athlètes qu’il a testés.