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Son destin a basculé en un instant, il y a un peu plus de quarante ans. Il fait partie de ces athlètes qui sont entrés dans l’histoire pour son éclat lors des Jeux Olympiques. Diffusé en direct dans le monde entier, le bras d’honneur d’un sauteur à la perche polonais auprès du public russe l’a propulsé au rang de héros dans son pays. Il s’en souvient avec émotion dans un extrait de « Affaires sensibles ».
Moscou, stade Lénine, 30 juillet 1980 : le Polonais Władysław Kozakiewicz, 27 ans, est l’un des favoris de l’épreuve du saut à la perche de ces vingt-deuxièmes Jeux olympiques. Le géant blond détendu s’élance… sous les sifflets des spectateurs russes. « L’ambiance dans le stade était terrible, se souvient le sauteur à la perche français Philippe Houvion. Il y avait 95 000 personnes là-bas, dans ce grand stade, c’était comme le Colisée. »
« Les Russes me sifflent du premier au dernier essai, Władysław Kozakiewicz le dit aujourd’hui. Vous aimeriez savoir pourquoi ? Ils étaient contre la Pologne, contre tous les Polonais et contre moi. » Entre Russes et Polonais, la rivalité est historique, et les spectateurs moscovites n’imaginent pas que le perchiste soviétique Konstantin Volkov ait perdu à domicile contre Kozakiewicz. Alors ils manifestent haut et fort leur hostilité.
Loin de déranger Kozakiewicz, la réaction du public russe l’a galvanisé. Le Polonais a franchi le 5,75 mètres qui lui a valu la médaille d’or, puis s’est relevé… offrant au public moscovite un magnifique bras d’honneur. Un geste qui a surpris même son auteur, affirme-t-il dans « Affaires sensibles », plus de quarante ans plus tard : « Je n’ai pas pensé au fait que j’avais gagné, mais j’ai juste pensé aux Polonais. Et j’ai dit : « Va te faire foutre ». Et ça… c’était pour les Russes.
« Ce n’était pas un geste prémédité que j’aurais prévu avant la compétition. »
Władysław Kozakiewicz
dans « Questions sensibles »
« Quand Koza fait ça, il est au centre de Moscou, il s’en prend aux Soviétiques, il leur donne le bras d’honneur ! C’est quand même assez bête ! » s’exclame Philippe Houvion, plein d’admiration pour le champion et son geste « absolument fabuleux », « le geste qu’il fallait faire au moment où il l’a fait ».
Deux semaines après ces Jeux Olympiques, des manifestations éclatent en Pologne. Le pays, alors dirigé par le Parti communiste, était encore sous le joug de l’URSS et la population souffrait de pénurie alimentaire. Ce bras d’honneur devient le symbole du soulèvement du peuple polonais contre la domination soviétique, et son auteur un héros… qui se révèle encombrant pour le pouvoir.
La Fédération polonaise d’athlétisme est contrôlée par le parti. Après ces Jeux olympiques, cela a empêché Kozakiewicz de participer à plusieurs compétitions internationales et il a perdu sa bourse sportive. En 1985, il décide de quitter son pays pour l’Allemagne (où il vit aujourd’hui), un déplacement vers l’Ouest synonyme de trahison pour le régime polonais. Ses comptes bancaires ont été fermés, son appartement saisi… mais aucune sanction ne pouvait lui enlever son talent de sauteur à la perche.
Extrait de « Les rebelles des JO », un documentaire à revoir dans « Affaires Sensibles », une coproduction France Télévisions, France Inter et INA, adapté d’une émission de France Inter.
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