Divertissement

Aux Francofolies 2024, la houle sentimentale d’Alain Souchon

Entouré de ses fils, Pierre et Ours, Alain Souchon a revisité son répertoire samedi soir sur la scène du Grand Théâtre. Sobre, drôle, nostalgique et cruellement actuel. Récit.

Alain Souchon et son fils Ours, le 13 juillet 2024, au Grand Théâtre de la Coursive, La Rochelle.

Alain Souchon et son fils Ours, le 13 juillet 2024, au Grand Théâtre de la Coursive, La Rochelle. Les Francofolies

Par Odile de Plas

Publié le 14 juillet 2024 à 14h32

LL’esprit des années 80 flotte sur La Rochelle tout au long de ces Francofolies. Le festival fête sa quarantième édition et convoque depuis mercredi certaines des figures qui l’accompagnent depuis ses débuts. Elles n’occupent plus forcément la grande scène comme Étienne Daho ou Sting mercredi car depuis vendredi, toute la scène rap française s’y succède devant un public jeune aussi tapageur que sage l’après-midi, attendant des heures au soleil, en file indienne le long du port, pour s’approcher au plus près de la scène. Avec l’espoir, qui sait, de chanter quelques rimes avec son idole Ninho, d’attraper une de ces roses lancées par Luidji le rappeur séducteur qui a fait « la fête » la tristesse est son affaire « , aime-t-il répéter. Les filles ont toujours aimé réconforter les garçons.

A quelques mètres de là, dans les confortables fauteuils du Grand Théâtre de La Coursive, les filles sont depuis longtemps devenues des femmes, les garçons ont perdu quelques cheveux, mais il en reste encore beaucoup sur la tête de Renaud, venu en ami parmi les spectateurs, et quelques-uns sur celle d’Alain Souchon, savamment ébouriffée comme il aimait à le raconter dans son dernier album paru en 2019, Âmes des années cinquante : « On ramène nos cheveux en arrière, vers l’avant quand on les lave, pour que tout soit un peu comme avant. » La chanson n’est pas dans le spectacle qu’il a conçu avec ses deux fils, mais dans son esprit, nostalgique sans être ringard, oui. Entouré de Pierre, l’aîné, et d’Ours le cadet, aux cheveux rasés ou manquants, le chanteur s’est lancé en mai dans une tournée des grands ducs qui reprendra à l’automne, pour s’achever au printemps 2025. « Cet été, j’avais prévu de boire un Cinzano dans un transat, Blagues Souchonmes fils m’ont dit non, on va à La Rochelle. Ils sont un peu autoritaires. »

Toute la magie des grandes œuvres

Alain Souchon n’a pas dû être difficile à convaincre. A 80 ans, il se trémousse comme un gamin, jean affûté, chemise blanche – c’est important, comme on le verra plus tard dans le spectacle –, baskets noires. Sur scène, même sobriété : de grands panneaux de toile blanche pour projeter des films de famille trouvés sur une VHS, des publicités, des lampes façon studio de photographe. Il n’y a pas de groupe, juste un piano, une guitare, un clavier. Quelques ajouts enregistrés quand la chanson l’exige (C’est déjà ça), mais l’idée est de s’en tenir à l’essentiel – des paroles d’une finesse éblouissante, des mélodies limpides – pour revisiter une carrière de 50 ans dont la teneur en classiques ne cesse de surprendre. Ils sont évidemment au cœur des deux longues heures de spectacle qui ne se réduisent pas à un recueil de tubes, mais vont chercher dans certains recoins de son répertoire, des trésors sinon oubliés mais moins souvent diffusés à la radio, comme Casablanca (dans Nous avançons, 1983) ou Petit tas tombé (dans Au ras du sol avec les marguerites, 1999) ou même Comédiechanté en duo avec Jane Birkin en 1988 (en Solitude ultra moderne).

Chaque chanson, ce soir, semble à sa place, capable, c’est toute la magie des grandes œuvres, de se parer d’un sens nouveau à la centième écoute. De prendre ainsi les couleurs de l’instant Petit Bill (dans Jamais content, 1977) comme une ouverture, qui passe sans prévenir des douleurs passagères de l’enfance à la solitude profonde,  » Cette vieille maladie collante, ce manque sacré d’amour qui s’installe, dans nos villes, dans nos campagnes, il gagne du terrain  » Car s’il s’agit évidemment de famille, d’enfance, de souvenirs en désordre et « foire aux fraises » (Dans Le Baiser, dans Chez les Marguerites, 1999), les Souchon ont aussi conçu un spectacle d’aujourd’hui, en prise avec les peurs, les inquiétudes et les moqueries de l’époque, dont Alain Souchon s’est emparé autant que la mélancolie, de la rive gauche de la Seine à la plage du Crotoy. Ce sont, malheureusement, souvent les mêmes qu’hier, avec plus ou moins d’intensité. Ainsi, les ragots xénophobes de La chanson du poulailler (dans Jamais content, 1977), injustices éternelles évoquées dans Les Cadors (dans Solitude ultra moderne, 1988), inspiré, explique-t-il, par un concert dans une prison pour femmes, et bien sûr, par C’est déjà ça (dans C’est déjà ça1993), récit de la vie d’un exilé soudanais, dans les rues de Belleville.

La collection de tubes arrive avec les rappels, encore une ovation : L’amour dans la machine, Quand je suis KO, j’ai dix ans, Bonjour maman bobo… Joué sur deux guitares acoustiques, énergique, Souchon tout le plaisir qu’il prend à jouer le clown, mais toujours avec le bras en l’air, et parfois même le poing levé sur Une foule sentimentaleparce que’« Il faut voir comment on nous parle »…

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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