Nouvelles locales

Aux agriculteurs tentés par l’extrême droite

Jonathan Dubrulle Agronome, co-président de la Commission Agriculture Pêche Forêt du PCF.

Publié le 25 juin 2024
Mis à jour le 25 juin 2024 à 11h09

Le Rassemblement national (RN) et ses alliés se nourrissent d’un double sentiment de déclassement et d’abandon ressenti par de nombreux agriculteurs. Ce malaise est réel et ne doit pas être ignoré. L’érosion du nombre d’exploitations agricoles (2,3 millions en 1955 contre 390 000 en 2020) a entraîné l’isolement socioprofessionnel et familial de nombreux producteurs. Ce plan social silencieux s’est réalisé à l’abri des projecteurs, souvent dans l’indifférence voire la résignation. Les relations de coopération ont peu à peu été remplacées par une concurrence accrue pour l’accès à l’eau et à la terre. La fierté de nourrir son pays a été mise à mal par les scandales sanitaires et l’augmentation des importations de produits agricoles. À ce déclassement s’ajoute une certaine forme d’abandon, les zones rurales se vidant peu à peu de leurs services publics et de leurs emplois. Un village qui se transforme en ville-dortoir est un cœur qui bat par intermittence. Une classe qui ferme, un médecin qui n’est pas remplacé ou une maternité en sursis sont autant de manifestations d’une République démissionnaire.

Au lieu d’enrayer la baisse du nombre d’exploitations agricoles et de prôner des investissements massifs dans les services publics, l’extrême droite joue la carte de la division. Le citadin respire le mépris. Le chômeur devient un oisif. L’étranger est la nouvelle menace. Cette stratégie de division est savamment conçue car le RN avance masqué, cherchant à détourner les agriculteurs de leur assujettissement à l’agrofourniture et à la grande distribution. En votant pour la programmation 2023-2027 de la Politique agricole commune et en s’abstenant sur l’instauration de prix planchers, le RN s’accommode d’une agriculture qui ne rémunère pas le producteur et place ce dernier dans un état d’extrême dépendance aux aides publiques. . En s’attaquant au Green Deal européen et en prônant le moins-disant environnemental, l’extrême droite sert les intérêts de l’industrie agroalimentaire, en premier lieu l’industrie phytosanitaire. En s’abstenant sur les traités de libre-échange, les députés RN ouvrent volontiers les frontières aux marchandises tout en rêvant de les fermer aux êtres humains. En refusant toute augmentation du salaire minimum et des retraites, il oblige les ménages populaires à se méfier des promotions, gonflant les profits de la grande distribution en faisant baisser les prix agricoles.

Paysans, ouvriers agricoles, le salut ne viendra pas des nouvelles chemises vertes. En essentialisant l’agriculteur – sans défendre ses conditions d’existence – l’extrême droite agraire le coupe des autres travailleurs, mais aussi des consommateurs et des habitants des zones rurales. Il est vrai qu’unir ces citoyens sur la base du pouvoir d’achat et de l’accès aux services publics saperait les profits des alliés fortunés de l’extrême droite. En revanche, du point de vue du capital, jouer sur les peurs et attiser la haine ne coûte rien et pourrait rapporter gros. Et pourtant, le blé n’a jamais mûri sous le vent brun.


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William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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