Automobile : écrémage en vue dans les centaines de marques chinoises
Aeolus, Maple, Venucia, Aion, Haval, Voyah, M-Hero… Lorsqu’ils observent la circulation dans les rues de Pékin, les Occidentaux sont constamment confrontés à des marques de voitures chinoises dont ils n’ont jamais entendu parler.
Cette profusion est un signe de la vitalité de l’industrie automobile locale, mais elle se traduit par d’inquiétantes surcapacités de production, que les autorités pékinoises ont beaucoup de mal à réguler.
Combien de marques automobiles existe-t-il en Chine ? Même la CAAM, la fédération professionnelle du secteur, avoue ne pas avoir de réponse précise. « Nous avons une centaine de constructeurs », estime l’un de ses dirigeants interrogé par « Les Echos ». Et certains de ces acteurs possèdent plusieurs marques.
A chacun son champion
Les constructeurs automobiles ont commencé à proliférer dans les années 2010, lorsque le gouvernement chinois a ouvert les vannes des subventions publiques pour encourager l’essor des voitures électriques.
Rêvant de rivaliser avec des mastodontes historiques comme SAIC, Dongfeng ou Great Wall Motors, des centaines de start-up se sont lancées. Avec surtout un soutien quasi systématique des autorités communales ou régionales.
« La Chine est un pays tellement grand que les provinces, qui font parfois la taille d’un pays, sont en concurrence les unes avec les autres », souligne Jean-François Dufour, rédacteur en chef du bulletin The China Industrial Monitor. Ceux qui ne disposaient pas d’industrie automobile voyaient la possibilité d’entrer dans le jeu, tandis que des zones pionnières comme Shanghai ou Wuhan souhaitaient conserver leur rang. »
Champions locaux
Si la baisse des ventes de voitures entre 2017 et 2020 a provoqué un premier écrémage, l’offre reste largement surabondante. « Chaque province, voire chaque municipalité, a son champion », confirme un expert basé à Pékin.
Malgré ses 21,7 millions de voitures immatriculées l’an dernier (soit un quart des ventes mondiales), le marché chinois n’est pas assez grand pour assouvir une telle offre.
Derrière une douzaine de champions menés par BYD, SAIC ou FAW (qui ont également des joint-ventures avec des marques étrangères), et quelques jeunes startups prometteuses comme Leapmotor ou XPeng, les autres doivent se contenter de confettis en matière de parts de marché.
Résultat : de nombreuses usines tournent au ralenti (le taux moyen d’utilisation des capacités industrielles a baissé de 15 points depuis 2017), et les stocks commencent à gonfler dangereusement, avec un écart de 3,2 millions entre le nombre de véhicules produits en 2023 et ceux effectivement vendus. . Cette situation alimente la guerre effrénée des prix qui fait rage depuis plus d’un an pour les modèles labellisés « nouvelles énergies » (100 % électriques ou hybrides rechargeables).
Cette concentration qui ne vient pas
Sur le papier, la consolidation semble inévitable. « Cela fait des années que nous discutons du sujet », confirme François Marion, qui a dirigé les activités de Valeo en Chine avant de prendre en charge la communication. Mais jusqu’à présent, cela ne s’est toujours pas produit. »
Certes, certaines marques étrangères comme Citroën, Jeep ou Mitsubishi, face à la chute de leurs ventes, ont jeté l’éponge et y ont vendu leurs usines. Mais la grande majorité des entreprises locales refusent d’abandonner.
« Les autorités régionales ne peuvent pas se résigner à arrêter les coûts », souligne Jean-François Dufour. Admettre l’échec ne fait pas du tout partie de la culture économique du pays. »
Tirer le rideau signifie aussi pour les responsables locaux reconnaître que de gros investissements ont été réalisés en vain et qu’il faudra en informer le parti. Beaucoup préfèrent donc maintenir une activité réduite ou continuer à se financer en misant sur un futur rebond. Tesla n’a-t-il pas également connu des débuts difficiles ?
Plus largement, la réticence à fermer une usine est encore plus forte qu’en France. Les usines vendues par des entreprises étrangères sont rachetées par les municipalités, dans l’espoir de les réutiliser un jour.
Discours et réalité
Ces surcapacités suscitent une inquiétude croissante, exprimée récemment par les États-Unis et l’Allemagne. A Pékin, le vice-ministre de l’Industrie a récemment promis des « mesures fortes » contre la « construction aveugle » de nouveaux projets.
Malgré ce discours, Aiways, Haima Automobile et Zhidou, trois constructeurs déclarés en faillite ou en voie de faillite, ont obtenu le mois dernier de nouvelles lignes de crédit pour relancer leur activité. De quoi inciter les décideurs locaux à tenir le coup.
« Tout le monde est conscient qu’une restructuration est nécessaire, mais tout le monde pense qu’il faut la faire à côté », résume Jean-François Dufour. Par ailleurs, de nouveaux acteurs, comme le fabricant de smartphones Xiaomi le mois dernier, continuent d’entrer régulièrement sur le marché.