Augmentation de l’impôt sur le revenu : qui serait perdant ?
Augmenter les impôts en France pour assainir les finances publiques ? Mais quelles tranches d’impôts cibler ? Le sujet est brûlant et Michel Barnier le sait.
Le Premier ministre ne cesse de répéter qu’il veut plus de « justice fiscale » et qu’il ne touchera pas à la sacro-sainte « classe moyenne ». Mais à qui pense-t-il exactement ? Aux 33 millions de foyers fiscaux des deux premières tranches, qui gagnent moins de 28 797 euros par an ? Inclut-il la tranche intermédiaire, celle correspondant à la fourchette entre 28 798 et 82 341 euros, ou les quelque six millions de Français ? Mystère.
Les tranches les plus hautes sont-elles insuffisantes ?
Sur le papier, puisque le locataire de Matignon veut, « en même temps », s’attaquer aux ménages les plus aisés, il paraît plus logique que la désindexation se concentre sur le haut de l’échelle, c’est-à-dire les ménages dont le revenu annuel dépasse 82.342 euros. Problème, les tranches 4 et 5 représentent environ 500.000 ménages français. Insuffisant pour sauver les comptes de la Nation ? « Ce sont des mesures qui rapportent assez vite », assure un spécialiste des finances publiques.
Et à 82 000 euros, un ménage est-il automatiquement « riche » ? Si l’on prend en compte leur situation financière – sont-ils propriétaires ou locataires de leur logement ? Habitent-ils à Paris, en métropole ou en zone rurale ? – cela reste à démontrer.
Créer une nouvelle tranche ?
D’autres pistes pourraient ensuite être explorées, comme la création d’une nouvelle tranche. « Mais ça va rendre fous les CSP+ (catégories socioprofessionnelles élevées – NDLR) », parie une source à Bercy. Jamais à court d’idées côté fiscalité, les fonctionnaires du « Paquebot » planchent aussi sur une désindexation graduée. Plus on se rapproche de la tranche la plus élevée, plus la désindexation serait forte.
Plusieurs autres pistes testées
Vous l’aurez compris, de nombreuses hypothèses sont aujourd’hui sur la table. Mais rien ne dit que le gouvernement les retiendra.
« Il s’agit de commandes passées par les offices auprès de la direction de la législation fiscale et de la direction générale des finances publiques mais qui n’engagent pas le gouvernement. Elles testent un certain nombre d’hypothèses qui sont soumises à trois critères : la faisabilité technique, la performance budgétaire et l’appréciation politique », explique un haut fonctionnaire rompu à l’exercice.
Tout en rappelant que de nombreuses autres solutions s’offrent à l’administration fiscale, comme jouer sur le nombre de parts ou revoir les réductions d’impôts comme les aides personnelles, qui sont très coûteuses et profitent aux ménages aisés.
Le Parlement aura le dernier mot
Quant aux niches fiscales, « il y a de la marge pour récupérer quelques milliards », poursuit la même source. Tout en rappelant un point que tout le monde oublie : c’est l’Assemblée nationale et le Sénat, in fine, qui auront le dernier mot. « Le débat parlementaire sera crucial. »
Barnier insiste sur la gravité de la situation
C’est ce qu’on appelle une volte-face. Dimanche soir, lors de la passation de pouvoir avec son prédécesseur Bruno Le Maire, le nouveau ministre de l’Economie Antoine Armand a vanté « la chance d’hériter d’un tel bilan économique ». Mardi matin, sur France Inter, le jeune locataire de Bercy décrivait, au contraire, l’un des « pires déficits de l’histoire ». Par quel miracle la situation de la France a-t-elle pu se retourner en moins de 48 heures ? Peut-être tout simplement par un coup de fil du Premier ministre à son jeune collègue pour le gronder. Car Michel Barnier ne cesse de le répéter : la situation budgétaire est « très grave ». Pas question donc de laisser croire le contraire.
Dette abyssale, déficit public complètement hors des orientations européennes : alors qu’il prépare son texte pour le projet de loi de finances 2025, qui sera présenté à l’Assemblée nationale à partir du 9 octobre, le gouvernement prépare les esprits. Et, contre toute attente pour un gouvernement qui voit le droit revenir – en partie – aux entreprises, la piste fiscale fait son chemin. Une idée qui a été particulièrement testée : geler l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation.
En effet, en désindexant une ou plusieurs des cinq tranches de l’IR, un foyer fiscal dont les revenus ont augmenté l’année précédente peut être surpris de passer dans la tranche supérieure et donc de payer plus d’impôt, voire de ne rien payer du tout s’il n’était auparavant pas imposable.