Le siège de Radio France, le 3 février 2023 à Paris (AFP/Ludovic MARIN)
Une holding pour chapeauter France Télévisions et Radio France en 2025, puis leur fusion en 2026 : voulue par Rachida Dati mais combattue par les syndicats, le big bang de l’audiovisuel public entame mardi son parcours législatif en commission à l’Assemblée nationale.
Sujet récurrent depuis l’élection du président de la République Emmanuel Macron en 2017, cette grande réforme s’est concrétisée à une vitesse fulgurante, alors que personne ne l’attendait il y a à peine six mois.
Dès sa prise de fonction en janvier, la ministre de la Culture avait déclaré vouloir « réunir les forces » de l’audiovisuel public en allant plus loin que les fusions actuelles entre France Télévisions et Radio France.
Elle est toutefois restée vague, sans préciser si elle se contenterait d’une société holding ou si elle souhaitait fusionner complètement l’audiovisuel public en une seule société. Une hypothèse encore plus inflammable pour un secteur déjà inquiet.
De tout son poids politique, Rachida Dati a finalement appuyé sur l’accélérateur : elle viendra elle-même défendre en commission la fusion dès 2026 de Radio France, France Télévisions, France Médias Monde (RFI, France 24) et l’Ina (Institut national de l’audiovisuel).
La proposition clé ne sera soumise au vote que mardi soir ou mercredi après-midi.
– Grève –
Avant la fusion, l’audiovisuel public passerait par une phase de transition en 2025, sous un régime de holding.
L’entreprise géante disposerait d’un budget de quatre milliards d’euros et la réforme toucherait 16 000 salariés.
Pour cette première étape législative, quelque 260 amendements sont à l’ordre du jour des parlementaires en commission des Affaires culturelles jusqu’à mercredi. Ensuite, le texte doit, en principe, subir une première lecture dans l’hémicycle du Palais Bourbon les 23 et 24 mai, sauf embouteillage législatif.
Les syndicats de Radio France ont déjà appelé à la grève pour ces deux jours.
Pour garantir l’adoption de la réforme, le ministre, issu du parti Les Républicains (LR), a repris un projet de loi déjà adopté en juin 2023 par le Sénat, dominé par la droite. Ce texte du sénateur Laurent Lafon (Union centriste) prévoit la création d’une simple holding baptisée France Médias.
A l’Assemblée, les rapporteurs sont Fabienne Colboc (Renaissance) et Jean-Jacques Gaultier (LR), un duo capable de rassembler une majorité des voix.
La gauche, de son côté, se heurte au projet même de holding.
« Sa mise en œuvre serait l’aboutissement d’un processus de dénigrement et d’affaiblissement financier de l’audiovisuel public mené méthodiquement depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir », estiment les députés de La France insoumise (LFI).
– Un bilan avant Paris ? –
Le chef de l’Etat avait prôné un rapprochement en 2017, dressant un bilan sévère de l’actuel secteur audiovisuel public. L’un des prédécesseurs de Mme Dati, Franck Riester, avait mené un projet de holding en 2019, mais la crise du Covid-19 l’avait stoppé.
La ministre de la Culture Rachida Dati s’exprime lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 7 mai 2024 à Paris (AFP / Ludovic MARIN)
Pourquoi cette réforme maintenant ? Le ministre assure que c’est indispensable face à la concurrence des plateformes internationales et qu’il faut le faire avant la fin du mandat de la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, en 2025.
Mais, selon un acteur de l’audiovisuel, c’est aussi une manière pour elle d’avoir « un bilan » de la Culture avant de briguer la mairie de Paris en 2026.
Pour tenter de rassurer sur le plan financier, le député Renaissance Quentin Bataillon a préparé, en parallèle de l’élu LR Jean-Jacques Gaultier, un projet de loi afin d’instaurer une orientation pérenne du budget de l’Etat au profit du secteur (« prélèvement sur revenus »), sur le modèle du financement communautaire.
Depuis la suppression de la redevance en 2022, l’audiovisuel public est financé par une fraction de la TVA, selon un mécanisme provisoire.
Pour aller vite et faire aboutir son projet à l’été ou au début de l’automne, Mme Dati envisage de recentrer le texte sénatorial sur les questions de gouvernance.
Un autre amendement du gouvernement agite les acteurs privés : il prévoit de plafonner les recettes publicitaires de l’audiovisuel public. « C’est une question de financement », a déclaré mardi le député Bataillon sur France 2. L’interdiction de la publicité sur France Télé ne sera cependant pas remise en cause après 20h00.